Financez la vache et l’éleveur vous rembourse le fromage

 
 
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Manuel Rogeri, son épouse Sandrine et leurs enfants aux côtés de leur vaches, le 6 décembre 2006 au village de la Bollène-Vésubie (Photo : Jacques Munch)

[07/12/2006 11:41:24] LA BOLLÈNE-VÉSUBIE (Alpes-Maritimes) (AFP) Un couple d’éleveurs des Alpes-Maritimes propose un placement financier rémunéré à 10%, sans frais, ni condition de souscription. Particularité: les remboursements se font en lait, yaourts, faisselles, tommes de vache ou crottins de chèvre.

Sandrine et Manuel Rogeri ont trouvé cette formule d’emprunt pour financer le développement de leur exploitation située au pied des cimes du Mercantour, à la Bollène-Vésubie.

“Nous avons débuté avec une quinzaine de vaches. Il nous en manquait une dizaine pour bien travailler. De leur côté, les habitants d’un village voisin souhaitaient sauver de l’abandon l’étable communale en maintenant un troupeau. Quelqu’un a lancé l’idée d’un +leasing+ de vaches et c’est parti”, se souvient Sandrine Rogeri.

Exit l’appellation “leasing”, bonjour à celle de “parrainage”: des particuliers financent l’achat d’un animal et sont remboursés sous forme de produits laitiers.

Lancé à l’instinct en 2004, le système a atteint sa vitesse de croisière et généré ses propres règles: un “contrat de parrainage” stipule le montant de l’apport, la durée de remboursement, le montant de la rémunération annuelle.

Le prix d’une vache est d’environ 1.300 euros. Le parrain décide de financer l’animal entier ? Sur la base de 1,30 euros le litre de lait et 10% d’intérêt par an, il aura droit à 240 litres de lait par an pendant six ans, soit 24 kilos de tomme.

Le parrain peut aussi ne financer qu’une moitié de vache, opter pour des yaourts, de la faisselle, du bleu. Les produits sont disponibles au fur et à mesure des besoins.

Trente-six particuliers ont rejoint la formule et permis au troupeau de s’aggrandir. Lancé depuis quelques semaines, le parrainage de chèvres, à 300 euros la mise, a déjà attiré dix nouveaux contributeurs.

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Sandrine Rogeri retourne ses fromages, le 6 décembre 2006 à La Bollène-Vesubie (Photo : Jacques Munch)

“Ce sont des gens de tous horizons, décrit Sandrine Rogeri, des habitants du coin mais aussi beaucoup de gens installés en ville”. La liste compte un parfumeur de Grasse, un avocat niçois, un médecin, des professeurs, un banquier de Monaco, une association de pétanque qui “commande le fromage pour ses repas de fête”.

“C’est un système basé sur la confiance, analyse la jeune femme. Le fait que nous ayons déjà entamé une production de fromages avant d’emprunter l’argent a beaucoup joué. Faire financer une exploitation en partant de zéro serait plus difficile”. Ingénieur agronome de formation, originaire du Poitou, elle mesure également le rôle qu’a joué le nom de son mari, issu d’une des plus anciennes famille de La Bollène, dans l’instauration de cette confiance.

Plus grande que la satisfaction de contourner le circuit bancaire, celle d’établir une relation différente avec les clients: un repas réunit tous les parrains à la ferme une fois par an. Les plus sentimentaux peuvent prendre des nouvelles de “leur” vache, s’ils ont choisi de parrainer Auréole plutôt que Sariette, Odette ou Violette.

L’initiative suscite l’intérêt dans le monde agricole: en octobre, Sandrine l’a présentée à 5.000 paysans du monde entier réunis au salon “Terra Madre” organisé en Italie par l’association Slow Food pour promouvoir des pratiques alimentaires “saine et justes”.

 07/12/2006 11:41:24 – © 2006 AFP