[10/12/2006 14:45:29] OSLO (AFP) Le Bangladais Muhammad Yunus, surnommé le “banquier des pauvres”, a reçu dimanche le prix Nobel de la paix au cours d’une cérémonie pendant laquelle il a exposé les grandes lignes d’un capitalisme renouvelé susceptible d’éradiquer les racines des conflits et du terrorisme. “La pauvreté est une menace pour la paix”, a répété Muhammad Yunus après s’être vu remettre la prestigieuse récompense dans l’Hôtel de ville d’Oslo. “Les frustrations, l’hostilité et la colère générées par une pauvreté abjecte ne peuvent assurer la paix dans aucune société”, a-t-il dit. Cet économiste, âgé de 66 ans, partage le Nobel avec la Grameen Bank, la banque qu’il a fondée en 1983 pour aider les plus nécessiteux à accéder au crédit et qui était représentée dimanche par Mosammat Taslima Begum. La villageoise a elle-même échappé à la misère grâce à un prêt d’une vingtaine de dollars. “Avec ce prix de la paix, le comité Nobel norvégien souhaite cette année attirer l’attention sur le dialogue avec le monde musulman, sur la situation des femmes (principales bénéficiaires du microcrédit, ndlr) et sur la lutte contre la pauvreté”, a expliqué son président, Ole Danbolt Mjoes. Rythmée par les oscillations majestueuses et colorées des danseurs de la compagnie bangladaise Nrityanchal, la cérémonie réunissait une assistance prestigieuse où figuraient la famille royale norvégienne et les actrices américaines Sharon Stone –laquelle a versé une larme– et Anjelica Huston, qui codirigeront le traditionnel concert Nobel lundi. En costume traditionnel bangladais, le banquier philanthrope a exposé son concept de “social business”, une forme de capitalisme social qui voit l’entreprise réinvestir ses bénéfices au profit de ses clients plutôt que de verser des dividendes à ses actionnaires. “Ceux qui investissent dans le +business social+ pourraient récupérer leur investissement mais ne percevront pas de dividende (…). Les bénéfices seraient réinjectés dans la compagnie pour développer ses activités et améliorer la qualité du produit ou du service”, a-t-il expliqué. “Un +social business+, c’est une compagnie qui ne perd pas d’argent mais qui ne verse pas de dividende”, a-t-il ajouté.
Muhammad Yunus a déjà lancé quelques projets pilotes, notamment un avec le géant agroalimentaire français Danone qui porte sur la commercialisation au Bangladesh de yaourts hautement nutritionnels pour des sommes modiques. Choqué par les effets d’une famine dans son pays et par le refus des institutions bancaires traditionnelles d’octroyer des prêts aux déshérités, privant ainsi les deux tiers de l’humanité d’un accès au crédit, Muhammad Yunus a accordé son premier prêt, 27 dollars sortis de sa poche, en 1976 à des artisans ruinés. Depuis, plusieurs dizaines de millions de personnes à travers le monde ont échappé à la misère grâce à des prêts d’une centaine de dollars en moyenne, accordés sans garantie, qui leur permettent d’acheter des outils, du bétail ou des téléphones portables pour lancer leur propre petite entreprise. Aider les démunis, c’est tarir les sources du terrorisme, a assuré Muhammad Yunus. “Nous devons nous pencher sur les causes du terrorisme pour y mettre un terme définitif. Je crois que consacrer des ressources à l’amélioration de la vie des pauvres est une meilleure stratégie que l’achat d’armements”, a-t-il dit sous les applaudissements. Aujourd’hui membre du conseil d’administration de la Grameen Bank, Mosammat Taslima Begum a amélioré son sort grâce à la banque qui lui a permis d’acheter une chèvre. Elle possède maintenant des manguiers, un cyclopousse pour son époux et une activité de couture. “Mes parents m’ont donné naissance, mais la Grameen Bank m’a donné la vie”, affirme-t-elle. Le Nobel consiste en un diplôme, une médaille d’or, et un chèque d’environ 1,1 million d’euros qui, a assuré M. Yunus, seront utilisés pour une bonne cause. |
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