[13/12/2006 16:17:52] STRASBOURG (AFP) La réglementation Reach sur les substances chimiques adoptée mercredi par le Parlement européen a fait l’objet d’un lobbying acharné des industriels, qui en ont dramatisé les coûts, et des ONG qui ont répliqué par de spectaculaires campagnes sur les dangers de ces substances. Dès le lancement du débat en 2002-2003, l’industrie chimique européenne, sous l’influence de sa branche allemande qui abrite le numéro un mondial BASF, publie des études d’impact alarmistes. Elle évoque la suppression de 2,35 millions d’emplois en Allemagne ou encore un recul du PIB de 1,6% en France dans les dix ans suivant l’application de Reach. Cela pousse Gerhard Schröder, Jacques Chirac et Tony Blair à demander en septembre 2003 au président de la Commission européenne d’alors, Romano Prodi, “de ne pas porter atteinte à la compétitivité de l’industrie chimique”, avant même la présentation de la proposition législative de Bruxelles. En présentant celle-ci en octobre 2003, la Commission estimera elle que Reach devrait coûter sur onze ans entre 2,8 et 5,2 milliards d’euros à l’industrie chimique européenne, soit 0,1% de son chiffre d’affaires annuel… “Nous n’avons pas honte de ce que nous avons fait. C’était notre devoir de faire valoir nos vues sur une législation exceptionnelle qui touche tous les secteurs de l’industrie”, estime Philippe de Buck, secrétaire général de l’Unice, le patronat européen. Portée initialement par la commissaire à l’Environnement Margot Wallström, qui reconnaît avoir subi “un lobbying plus intensif que sur toute autre législation”, le dossier passera, avec la nouvelle Commission Barroso en 2004, sous l’influence du commissaire aux Entreprises, l’Allemand Günter Verheugen. Au sein du Conseil, l’un des deux organes législatifs de l’UE, les ministres de la Compétitivité subtiliseront de leur côté le dossier à leurs homologues de l’Environnement. Au Parlement européen, la commission de l’Environnement gardera la main, mais son rapporteur, le socialiste italien Guido Sacconi, devra composer tout au long des discussions avec le poids des députés allemands dont l’influence grandira après la formation d’un gouvernement de grande coalition entre conservateurs et socialistes à Berlin en 2005. “Les socialistes allemands se seraient désolidarisés d’un texte plus exigeant. Sur tout ce qui concerne leur industrie, ils sont très présents”, explique la socialiste française Anne Parreira au sujet du compromis final, critiqué par les écologistes. Face à cela, les ONG ont mobilisé leurs réseaux et organisé de grandes campagnes médiatiques. WWF a multiplié les prises de sang sur députés et ministres pour démontrer la persistance dans l’organisme de substances toxiques, des années après leur interdiction. De son coté, Greenpeace a trouvé des substances toxiques en passant l’aspirateur dans les appartements ou en analysant les parfums à l’occasion de la Saint-Valentin. Elle a enrôlé des grandes chaînes de distribution dans son combat au nom “de la confiance des consommateurs” et afin de “montrer qu’il y a des sociétés innovantes”, selon Katherine Mill, du bureau européen de Greenpeace. A son côté, des scientifiques publient en 2004 “l’appel de Paris” –, réclamant une législation forte face à l’augmentation du nombre des cancers dans les pays industrialisés– qui sera signé par des milliers de médecins. Cette bataille a même eu lieu au-delà des frontières de l’UE, avec une forte implication de l’administration Bush. Le gouvernement américain demandait encore en juin avec douze pays (dont le Japon, l’Afrique du Sud, le Brésil et l’Inde) une révision du projet, perçu comme un “obstacle inutile au commerce”. |
||
|