L’Iran veut complètement abandonner le dollar au profit de l’euro

 
 
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Des rials iraniens et des dollars (Photo : Behrouz Mehri)

[18/12/2006 14:29:28] TEHERAN (AFP) L’Iran a annoncé lundi que ses revenus extérieurs et ses avoirs à l’étranger seraient désormais libellés en euros plutôt qu’en dollars, pour contourner notamment les pressions américaines visant à limiter ses échanges extérieurs.

Mais des analystes de marché ont qualifié ce geste de politique, et des observateurs iraniens ont mis en doute sa faisabilité.

“Les ressources de l’étranger et les revenus pétroliers seront calculés en euros, et nous les recevrons en euros pour mettre fin à la dépendance à l’égard du dollar”, a déclaré le porte-parole du gouvernement, Gholam Hossein Elham.

“Nous procéderons aussi à ce changement en ce qui concerne les avoirs iraniens à l’étranger”, a-t-il ajouté.

Le porte-parole a notamment justifié cette décision par les “problèmes des organes exécutifs (iraniens) dans les échanges commerciaux pour l’ouverture de lettres de crédits”.

Les entreprises et organismes iraniens sont confrontés à des difficultés croissantes pour conclure des contrats à l’étranger en raison des pressions américaines sur les banques pour ne plus traiter avec des clients iraniens.

Washington, qui a accusé l’Iran d’être un “banquier central” du terrorisme, est aussi en pointe pour contraindre Téhéran à suspendre son programme nucléaire controversé.

Mi-novembre, le ministre de l’Economie Davoud Danesh Jafari avait expliqué que Téhéran allait “mener ses transactions en devises avec une autre monnaie que le dollar”, en raison des “entraves posées par les banques américaines”.

Washington a d’abord incité de grands établissements financiers privés à cesser leurs affaires avec l’Iran.

Il a accentué la pression en septembre en coupant tout lien entre le système financier américain et la banque iranienne Saderat, un des premiers établissements du pays.

Parallèlement, des responsables du Trésor américain ont engagé des banques étrangères à être “prudentes” dans leur traitement de clients iraniens.

Résultat: des sources bancaires iraniennes ont récemment indiqué à l’AFP que de grands établissements européens, mais aussi du Golfe, refusaient toute transaction libellée en dollars vers ou depuis l’Iran.

M. Elham a aussi affirmé que “la base de calcul du budget, qui reposait sur les rentrées en devises en dollars, était en train d’être changée”. Les exportations pétrolières représentent jusqu’à 80% des rentrées en devises de l’Iran.

Un membre de la commission du budget au Parlement, Morteza Tamadon, a expliqué à l’AFP que le gouvernement cherche ainsi à se protéger de la dépréciation du dollar sur le marché des changes, et à résister aux pressions américaines.

Il a cependant prôné “un panier équilibré euro-dollar”, notamment parce que, pour “les contrats à long-terme” déjà signés en dollars, il faudrait “des opérations de change multiples pour l’avenir, un processus difficile et coûteux”.

Bruce Evers, un analyste chez le britannique Investec, à Londres, a parlé d’un “geste essentiellement politique”, en représailles envers les Etats-Unis.

Il n’a pas exclu cependant que l’Iran “pense, possiblement à raison, que l’euro est une monnaie plus forte, et qu’ils y perdent avec un dollar aussi faible qu’il l’est actuellement”.

L’économiste iranien Mohammad Reza Behzadian a concouru à l’analyse de M. Tamadon, en remarquant que, s’agissant du pétrole, “l’échange des pétrodollars en euros serait très coûteux”.

Le même raisonnement vaudrait pour les achats de biens à l’étranger, car “le dollar est préféré par les vendeurs”, selon lui.

A Londres, un analyste de Global Insight, Simon Wardell, a minimisé les conséquences d’une telle transition pour les marchés.

“Potentiellement, cela pourrait réduire un peu la demande pour le brut iranien, mais s’ils le vendent un peu moins cher (en euros) cela ne devrait pas avoir d’impact important”, a-t-il dit, parlant également d’un “geste plus politique que financier”.

 18/12/2006 14:29:28 – © 2006 AFP