[22/12/2006 13:21:26] MOSCOU (AFP) Le contrôle du projet gazier et pétrolier Sakhaline-2 obtenu jeudi par le géant russe Gazprom a tout d’un “cadeau de Noël” obtenu en promotion après des pressions de l’Etat sur les actionnaires étrangers, selon des analystes vendredi. “Cadeau de Noël pour Gazprom”, titrait ainsi le journal économique RBK Daily, soulignant comme l’ensemble de la presse russe la dimension politique de cette annonce faite au Kremlin, en présence de Vladimir Poutine et des présidents des trois actionnaires étrangers, Shell, Mitsui et Mitsubishi. Le quotidien des affaires Vedomosti dénonce “la réduction faite à Poutine”, avec cette part de 50% plus une action dans le gigantesque projet facturée au groupe gazier semi-public “seulement” 7,45 milliards de dollars. Soit “moins que le prix du marché”, selon les experts cités par Vedomosti, évaluant le prix du marché du “cadeau” à entre 8 et 10 milliards de dollars. Dans une note, le Credit Suisse reprend le même argumentaire, mais fait une estimation encore plus importante du “prix du marché” à 11 milliards de dollars. “L’accord n’est pas favorable financièrement à Shell”, ajoute la banque suisse. Mais d’autres analystes jugent moins sévèrement l’accord, qui réduit de moitié les parts des actionnaires étrangers, de 55% à 27,5% pour Shell, de 25% à 12,5% pour Mitsui et de 20% à 10% pour Mitsubishi.
La banque d’investissements Deutsche UFG qualifie ainsi la somme de “juste”, se fondant sur une estimation à 15 milliards de dollars de l’ensemble du projet Sakhaline-2 réalisée par la société de conseil WoodMackenzie. Andreï Gromadine, analyste de la banque MDM interrogé par l’AFP, considère lui aussi que le prix payé est “normal”, tout en reconnaissant la campagne menée par les autorités russes en prenant prétexte de violations écologiques. “Il est vrai qu’au départ, une part de 50% était plutôt évaluée à 9 milliards de dollars. Mais compte tenu de la situation difficile dans laquelle s’est retrouvé le projet ces derniers mois, avec toutes ces questions écologiques, le prix a baissé”, explique-t-il. “L’écologie a été utilisée par Gazprom comme principal argument pour obtenir cette réduction”, argumente quant à lui Vedomosti. Ronald Smith, analyste de la banque Alfa à Moscou, parle lui aussi d’un “marchandage”, mais souligne les “risques” logiques pris par Shell en développant ce grand projet “dans le marché émergent” qu’est la Russie. Malgré les critiques suscitées par ce premier exemple de reprise en main par l’Etat russe d’un projet énergétique mis au point par des investisseurs étrangers, les analystes se disaient confiants dans l’avenir du projet, maintenant que Gazprom est arrivé à ses fins. D’autant plus que le président Poutine a promis jeudi soir de “tout faire pour aider et soutenir ce projet”, qui permet à Gazprom de devenir pour la première fois opérateur d’un projet de gaz naturel liquéfié (GNL) et d’exporter en Asie, mais aussi aux Etats-Unis. “D’un point de vue stratégique, cette transaction est importante pour Gazprom car elle permet au monopole gazier d’obtenir un accès immédiat aux marchés asiatiques et d’accéder à la technologie du GNL”, relève Deutsche UFG. Le projet Sakhaline-2 doit permettre d’exporter par bateau à partir de l’été 2008 du gaz naturel liquéfié, notamment vers l’Asie, notamment le Japon. Tokyo a exhorté vendredi la Russie à adopter “une politique responsable” pour que les grandes compagnies d’électricité nippones soient livrées en gaz comme prévu. “Je ne vois pas de conséquences négatives concrètement pour le projet avec cette entrée de Gazprom”, estime M. Gromadine. Le groupe russe aura désormais autant intérêt que les autres actionnaires à ce que le projet ne prenne pas de retard, explique-t-il. Et les reproches de violations écologiques, qui bloquaient son développement, seront enterrés. |
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