[24/12/2006 10:27:31] WASHINGTON (AFP) La Banque mondiale utilise trop souvent le résultats de ses études pour faire du prosélytisme en faveur de ses propres politiques sans les approfondir suffisamment, a affirmé un groupe d’experts indépendants. “Le groupe a émis des critiques substantielles sur la façon dont la recherche est utilisée pour faire du prosélytisme en faveur des politiques de la Banque, souvent sans une approche équilibrée des faits, et sans exprimer le scepticisme approprié”, ont indiqué ces experts, parmi lesquels Kenneth Rogoff ancien économiste en chef du Fonds monétaire international (FMI). François Bourguignon, vice-président et économiste en chef de la Banque mondiale, qui a lui-même commandé cet audit, a jugé cette évaluation “approfondie et précise”. Il a toutefois souligné que 61% des études examinées par ses auteurs avaient tout de même été considérés comme “au-dessus de la moyenne ou de qualité supérieure”, dans une réponse au rapport. Mais l’organisation multilatérale n’a pas fait grand battage autour de la publication de ce rapport critique. “Il a fallu tellement de temps pour qu’il soit rendu public que j’ai oublié le détail de ce qu’il contient”, a ironisé l’un de ses auteurs Angus Deaton, professeur d’économie à l’université de Princeton, dans des déclarations à l’AFP. Ce rapport a débuté il y a un an et porté sur l’examen de 4.000 travaux publiés entre 1998 et 2005, a précisé M. Deaton. “Ce n’est pas comme s’ils ne commandaient que des recherches qui soutiennent des assertions prédéterminées”, a-t-il ensuite expliqué. Mais “ils sélectionnent parmi les travaux ceux qui soutiennent les positions de la direction (…) c’est cela que nous critiquons, plus que le biais dans la recherche elle-même”, a-t-il ajouté. “La direction de la Banque vend certains résultats plus que d’autres, ce qui est de bonne guerre, mais je pense qu’il y a une limite au-delà de laquelle vous ne pouvez pas dire que des éléments de recherches soutiennent quelque chose, alors que vous ne disposez que de conclusions faibles ou contradictoires”, a-t-il poursuivi. Le rapport cite notamment une étude de la Banque mondiale affirmant que “la croissance est bonne pour les pauvres”. “Nous considérons comme un grave échec des systèmes de contrôle interne de la Banque le fait que celle-ci a claironné de façon répétée ces conclusions empiriques et préliminaires sans reconnaître qu’elles étaient fragiles et incertaines”, affirme le document. “Il s’agit davantage d’une question de qualification et de scepticisme”, souligne Angus Deaton. “Si vous faites ça trop souvent, les gens ne croient plus que la Banque mène encore des recherches impartiales”. L’une des causes de la dégradation de la qualité des études tient selon lui au niveau des experts employés par la Banque. “Je ne dis pas qu’il n’y a pas assez de gens, je pense qu’il n’y a probablement pas assez de bons éléments”, a-t-il dit. “Etre un chercheur à la Banque avait coutume d’être un très bon travail ce qui n’est réellement plus le cas aujourd’hui”, a-t-il ajouté. Les conditions de travail des chercheurs sont aujourd’hui moins avantageuses que celles proposées par le milieu universitaire et les embauches ont été gelées et compensées par un fort recours à des consultants extérieurs, souligne le rapport. “Ils n’ont pas assez d’argent pour faire ce qu’ils essaient de faire”, poursuit M. Deaton. “Je ne pense pas qu’ils puissent résoudre tous les problèmes que nous évoquons et mettre en oeuvre nos recommandations sans argent supplémentaire”, dit l’universitaire. Mais pour lui, tout n’est pas qu’une question de moyen “d’un autre côté, un grand nombre de nos recommandations n’a rien à voir avec des questions d’argent”, conclut-il. |
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