[26/12/2006 09:20:52] TOKYO (AFP) Malgré le recul du chômage et l’excellente santé des entreprises, la consommation des ménages au Japon ne cesse de se détériorer depuis près d’un an, un phénomène qui entrave la reprise de la deuxième économie mondiale mais dont les causes restent assez mystérieuses. Les dépenses de consommation des ménages dans l’Archipel ont diminué pour le onzième mois consécutif en novembre (-0,7% sur un an), a annoncé mardi le gouvernement. La mauvaise tenue de la consommation a considérablement bridé la croissance économique au troisième trimestre (+0,8% en rythme annuel). La faiblesse de la demande intérieure empêche également les prix de décoller véritablement, faisant constamment peser sur le Japon la menace de la déflation. Des explications en tout genre ont été avancées. En tête du hit-parade figure l’exécrable météo de l’été dernier. Une saison des pluies particulièrement interminable “a non seulement fait reculer les ventes d’habits d’été, de crèmes glacées et de bières ainsi que les dépenses de loisirs à la plage, mais elle a aussi sévèrement endommagé les récoltes”, avance ainsi Ryutaro Kono, économiste chez BNP Paribas. “Les prix des légumes ont donc augmenté, ce qui a érodé le pouvoir d’achat réel des ménages”, explique-t-il, accusant également la flambée des tarifs de l’essence et le relèvement de la taxe sur le tabac en juillet. “Les salaires n’augmentent tout simplement pas assez vite”, relève de son côté Glenn Maguire, de la Société Générale, selon qui “le contrôle féroce des coûts de la main d’oeuvre a bloqué le reprise de la consommation”. De nombreuses entreprises japonaises ont réalisé des bénéfices record ces derniers mois, grâce à la vigueur de leurs exportations. Cependant, elles préfèrent pour le moment dépenser ce “trésor de guerre” en investissements ou pour se désendetter plutôt que de le redistribuer à leurs employés. Une tendance qui mécontente le gouvernement, alors que syndicats et patronat se préparent aux traditionnelles négociations salariales de printemps. “L’économie japonaise poursuit son expansion mais les gens n’ont pas l’air d’en profiter”, s’est plaint lundi le Premier ministre Shinzo Abe. “J’aimerais que vous, dirigeants d’entreprises, fassiez bénéficier les ménages de vos revenus élevés”, a-t-il exigé devant le patronat. Il n’est pourtant pas certain qu’une hausse générale des salaires soit la recette miracle pour stimuler les dépenses des familles nippones. “Le boom de la consommation dans les années 1960 était dû au fait que tout le monde achetait des voitures, des climatiseurs et des téléviseurs couleur. Un comportement typique d’une économie émergente”, explique Noriko Hama, macroéconomiste à l’Université Doshisha de Kyoto. “Mais l’économie japonaise est devenue très mûre”, poursuit-elle.. “Maintenant chaque foyer japonais dispose de trois télés à écran plat, de fours à micro-ondes, d’ordinateurs… On frise la saturation”, caricature Mme Hama. Au vu des gigantesques marées humaines qui, chaque weekend, continuent à déferler joyeusement dans les quartiers commerçants tokyoïtes de Shibuya, Shinjuku ou Ginza, il est en outre tentant de croire que les médiocres statistiques officielles sur la consommation ne reflètent pas la réalité. “Il est de notoriété publique que ces chiffres ne sont pas fiables”, affirme Glenn Maguire, qui souligne que l’étude mensuelle sur la consommation, réalisée auprès d’environ 10.000 ménages, est un pensum fait de centaines de questions ultradétaillées (“combien avez-vous dépensé ce mois-ci en racines de lotus?”). “Qui peut avoir envie de répondre à un tel questionnaire? Qui a envie de prendre le temps de le remplir correctement?” s’interroge-t-il. |
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