Anniversaire amer pour les cinq ans de l’euro

 
 
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Le sigle de l’euro devant le siège de la BCE à Francfort (Photo : Oliver Berg)

[28/12/2006 08:17:20] PARIS (AFP) Cinq ans après l’introduction des pièces et des billets en euros, qui a donné vie à l’un des rêves des pères fondateurs de l’Europe, l’enthousiasme s’est émoussé dans l’opinion qui associe la monnaie à la hausse des prix, tandis que l’intégration européenne est grippée.

Nuit de la Saint-Sylvestre 2001 à 2002: 304 millions d’Européens voient arriver dans leurs portefeuilles la même monnaie, l’euro, en remplacement des francs, deutschemarks, lires et autres pesetas.

Cette gigantesque opération logistique, complément du lancement “virtuel” trois ans plus tôt de l’euro comme moyen commun de paiement, se déroule sans problème. Les dirigeants européens jubilent, certains que cette révolution monétaire va accélérer la construction européenne et faire prospérer le Vieux continent.

Ces espoirs sont en grande partie économiques: les Européens, coutumiers des tempêtes monétaires, attendent de l’euro une protection contre les attaques spéculatives qui les ont frappés dans le passé.

La monnaie unique doit aussi faciliter les échanges commerciaux des douze, et “M. Euro”, l’ancien président de la Banque centrale européenne (BCE) Wim Duisenberg, promet que la croissance s’en trouvera dopée.

Mais cinq ans plus tard, l’homme de la rue se dit préoccupé par le prix de son café, de son pain ou de son loyer, qu’il soupçonne d’avoir enflé démesurément avec l’arrivée de la monnaie unique.

Selon un sondage paru cette semaine, 94% des Français interrogés jugent qu’elle a aggravé la hausse des prix. Et 52% estiment que l’euro est “une mauvaise chose” pour la France, la croissance, l’emploi et pour eux-mêmes.

Même chose en Allemagne où 58% des personnes interrogées affirment qu’elles reviendraient au deutschemark si elles pouvaient choisir.

Les autorités monétaires, BCE en tête, ne sont pas parvenues malgré leurs efforts à désamorcer la polémique sur ce qu’on a appelé le “Teuro” en Allemagne (jeu de mot sur “teuer”, qui signifie cher, et euro).

Quant aux avantages de l’euro, qui permet de voyager dans 12 pays sans changer de monnaie, ils sont oubliés ou ignorés.

Pourtant, l’inflation est restée globalement sous contrôle à un peu plus de 2% ces dernières années, et les hausses de prix dans l’immobilier ou l’énergie sont sans lien avec le changement de monnaie. Certains produits ont même vu leurs prix reculer (dans la haute-technologie par exemple), font-elles valoir.

Il est vrai que la croissance économique promise se fait désirer: l’Europe a longtemps été la lanterne rouge mondiale face aux Etats-Unis et aux pays émergents. Elle ne relève que lentement la tête aujourd’hui.

La “stratégie de Lisbonne”, censée faire de l’économie européenne la plus compétitive au monde, est en souffrance, tout comme le projet de “gouvernement économique” européen. En France, l’euro, jugé trop fort face au dollar et au yen, est volontiers montré du doigt pour expliquer la médiocrité des exportations françaises.

En filigrane, la critique vise tout particulièrement la BCE, accusée de détenir un pouvoir excessif et de ne se soucier que de l’inflation au détriment de la croissance.

Ce désamour a aussi des conséquences politiques: il a pesé lourd l’an dernier dans le rejet en France et aux Pays-Bas du projet de Constitution européenne.

Aujourd’hui, même si la Slovénie s’apprête à devenir au 1er janvier le 13e membre de la zone euro, la monnaie unique ne fait plus vraiment rêver les nouveaux pays membres de l’Union européenne, qui montrent nettement moins d’empressement que par le passé à l’adopter.

 28/12/2006 08:17:20 – © 2006 AFP