Partenariat – La Tunisie à 365 jours de la zone de libre-échange avec l’Europe
Onze
ans après l’entrée en vigueur de l’accord d’association avec l’Union
européenne, la «déprotection» est totale pour 40% des produits et
équipements et très largement réalisée pour les autres. Mais à partir du 1er
janvier 2008, le libre-échange sera total avec l’Union européenne. Premier
bilan à 365 jours de cette importante échéance.
Le compte à rebours est désormais enclenché : dans une année, c’est-à-dire à
partir du 1er janvier 2008, la Tunisie va entrer de plain-pied dans la zone
de libre-échange avec l’Union européenne, dont les premiers effets ont
commencé à se faire sentir il y a exactement onze ans, quand avait débuté,
le 1er janvier 1996, le démantèlement des tarifs douaniers qui avaient
jusqu’alors protégé l’économie tunisienne de toute concurrence étrangère.
Onze ans plus tard, la «déprotection» est totale pour 40% des produits et
équipements et très largement réalisée pour les autres. Ainsi, les produits de
la liste 1, c’est-à-dire les matières premières et les équipements non-fabriqués
localement (représentant 12% de la valeur des importations tunisiennes en
provenance de l’Union européenne) ont été exonérées de toutes taxes douanières
dès l’entrée en vigueur de l’Accord d’association, le 1er janvier 1996.
Cinq ans plus tard, ce fut au tour des biens
d’équipements ne figurant pas sur la première liste et des matières
premières non-fabriquées localement (liste 2, soit 28% de la valeur des
importations tunisiennes d’origine européennes) d’être exonérées.
Pour les produits semi-finis fabriqués localement et capables de supporter
la concurrence étrangère -soit 29,5% de la valeur de nos importations venant
d’Union européenne- (liste 3), le taux de démantèlement des tarifs
douaniers, entamé en 2000, atteindra 96% au 1er janvier 2007. Et il sera à
cette même date de 89% pour les produits finis fabriqués localement et qui
ont besoin d’être mis à niveau pour pouvoir faire face à la concurrence
étrangère (liste 4) –ce qui représente une dernière tranche de 30% de nos
importations d’Union européenne.
Bilan de ce processus de démantèlement, onze ans
après son déclenchement ?
L’économie tunisienne en a-t-elle plus profité ou
souffert ? Sans occulter les répercussions négatives –pour certains
secteurs, dont les industries du verre et de la quincaillerie, dont quelques
entreprises ont récemment introduit un recours auprès du ministère du
Commerce et de l’Artisanat pour demander l’adoption de mesures de sauvegarde
contre les importations tant légales que sauvages-, les pouvoirs publics
mettent en exergue le bon côté des choses. Et insistent notamment sur le
fait que l’application de l’accord d’association avec l’Union européenne a
permis d’améliorer la compétitivité et le rendement de l’économie nationale.
Une amélioration perceptible à plus d’un niveau.
D’abord, le produit national a généralement pu sauvegarder son
positionnement sur le marché local, grâce à l’amélioration de la qualité,
des méthodes de commercialisation, et à la maîtrise des coûts.
Ensuite, et c’est là le plus important, les exportations, véritable
locomotive du développement de la Tunisie, ont progressé de plus de 12%.
Mais pour sauvegarder sa présence sur le marché européen, son principal
débouché avec plus des deux tiers de nos exportations, la Tunisie doit
continuer à améliorer la qualité et la compétitivité de ses produits (qui
sont totalement exonérés de droits de douanes), et se spécialiser dans des
niches. Car les produits de nos concurrents venus d’ailleurs ne supportent
plus que 3,9% de taxes douanières à l’entrée en Union européenne (sauf pour
le textile/habillement qui fait l’objet d’un «pic tarifaire» à 12%), et
pourraient à plus ou moins brève échéance bénéficier sur ce marché du même
privilège que la Tunisie sur l’idée de supprimer les droits de douanes sur
les produits importants pour les pays en développement, actuellement
discutée à l’OMC dans le cadre du Cycle de Doha, était finalement adoptée.
De surcroît, on pourrait également trouver dans ce cadre une solution aux
restrictions non-tarifaires (normalisation, restrictions déguisées au
commerce, normes environnementales et contre le dumping), avec lesquels la
Tunisie n’a pas de problèmes, mais qui sont autant d’obstacles au
déferlement en Europe de produits provenant d’autres pays émergeants.
Mais quoiqu’il advienne dans le cadre de ces négociations, la Tunisie a des
atouts non négligeables à faire valoir dans cette course à la conquête des
marchés extérieurs. Certes, il existe encore chez nous beaucoup
d’entreprises à qui l’ouverture et l’internationalisation font peur et mal.
Mais le pays en compte un certain nombre à la mentalité et à l’attitude de
conquérants. Des groupes comme Chakira, qui a peut-être été le premier à
s’internationaliser et est aujourd’hui implanté en Afrique, en Europe et en
Asie, ou One Tech (Moncef Sellami, qui a récemment racheté Fuba, son client
allemand) en sont deux exemples. Il faudrait seulement que ces
«conquistadors » deviennent plus nombreux.
Mais l’application de l’accord d’association avec l’Union européenne n’a pas
profité qu’aux seules entreprises. Le consommateur tunisien aussi commence à
en tirer profit sous la forme d’une baisse des prix des produits,
consécutive à la réduction des tarifs douaniers. Certes, on n’en est pas
encore dans la situation idéale où tous les producteurs et commerçants
respectent l’esprit et la lettre de l’article 24bis de la loi n°64 sur la
concurrence et les prix qui leur impose de faire bénéficier le consommateur
de la baisse des tarifs douaniers en les répercutant au niveau de leur prix
final.
D’ailleurs, c’est pour cette raison que les services de contrôle du
ministère du Commerce et de l’Artisanat veillent au grain, et ont récemment
procédé à des contrôles dans près de 200 entreprises pour s’assurer du
respect de cette disposition. Et c’est pour cela aussi que le ministère
envisage de lancer, en étroite collaboration avec l’Organisation de Défense
du Consommateur (ODC), un plan de communication en direction à la fois du
consommateur –pour lui faire prendre conscience des retombées du programme
de démantèlement des tarifs douaniers, et lui permettre d’assumer sa
responsabilité dans ce domaine, et du producteur pour l’inciter à maîtriser
ses coûts et respecter l’obligation de faire bénéficier le consommateur des
effets du démantèlement tarifaire.