Analyse prospective du mode tunisien de transition
Le
directeur général des Réformes et Prospectives administratives au Premier
ministère apporte, à ceux que passionnent l’étude du présent et de l’avenir
de notre pays, une approche basée sur une combinaison originale des outils
de la rétrospective et de la prospective.
Est-on sur la bonne voie ? A-t-on fait le maximum, en tenant compte de ses
propres atouts et faiblesses ? Et comment, à la lumière du passé, mieux
construire l’avenir ? Par sa thèse de doctorat, intitulée «analyse
prospective d’un système en transition : des futurs qui n’ont pas eu lieu
aux futurs possibles –le cas de la Tunisie» -qui devrait être publiée en
2007-, Khaled Kaddour, directeur général des Réformes et Prospectives
administratives au Premier ministère, apporte à ceux que passionnent, occupe
et et passionne l’étude du présent et de l’avenir de notre pays, une
approche basée sur une combinaison originale des outils de la rétrospective
et de la prospective.
Ce docteur en prospective et stratégie des organisations -titulaire
également d’un diplôme d’études supérieures spécialisées en gestion des
entreprises pétrolières ainsi que d’un diplôme d’ingénieur en production des
hydrocarbures- qui avait travaillé auparavant dans des compagnies
pétrolières en Tunisie et à l’étranger-, s’est livré à un périlleux
exercice : analyser rétrospectivement les 50 ans d’indépendance de la
Tunisie en vue «d’élaborer les futurs possibles pour les 50 prochaines
années». Un travail dont «une des originalités essentielles», souligne son
directeur de thèse, Professeur Eric Fimbel, est justement «l’utilisation de
la méthode «rétrospective» pour aider le décideur à sortir de la stricte
logique tendancielle et, ce faisant, à identifier la complexité et la
diversité des «possibles».
Mais le principal apport de l’auteur réside dans le fait d’avoir pallié, à
partir de l’exemple de la Tunisie, à «l’absence d’analyse prospective des
systèmes en transition dans un environnement incertain, non libéral et
instable», posant ainsi un jalon en vue du développement «d’une nouvelle
étape spécifique de la prospective», que Khaled Kaddour appelle «la
prospective de transition». Et ce faisant, l’auteur s’efforce de répondre à
trois questions fondamentales : «la prospective est-elle différente en
période de transition ? La rétrospective améliore-t-elle la qualité de la
prospective ? La prospective est-elle un outil pour une meilleure
gouvernance ?».
En menant son analyse, l’auteur –qui enseigne également la prospective à
l’Ecole Nationale d’Administration»-, a relevé cinq «défis majeurs»
concernant «la gestion d’une transition multidimensionnelle» : «la
transition vers une démocratie participative basée sur le pluralisme» qui
est «caractérisée par une plus grande inclusion des nouveaux modes de
gouvernance», «la transition sécuritaire, par l’articulation de nouveaux
enjeux qui prennent en considération les transformations du système et son
environnement», «la transition sociétale vers la propagation des valeurs de
la modernité et le développement des systèmes sociaux efficaces et viables»,
«la transition économique vers une économie de marché, fondée de plus en
plus sur la connaissance», et «la transition, en matière de ressources
naturelles, vers de nouveaux modes de gestion de la rareté par le passage
d’une gestion de l’offre (mobilisation) à une gestion de la demande».
Constatant que «l’histoire de la Tunisie se caractérise par des ruptures
dans la continuité et par une relative stabilité», Khaled kaddour a
identifié cinq périodes d’analyse rétrospective : 1955-1961 (période
post-coloniale de la construction du nouvel Etat et qui «constitue le début
de la réflexion sur l’avenir du pays»), 1962-1969 («influencée par
l’environnement international», la Tunisie «connaît un changement de cap
économique avec l’option en faveur de la planification et de
«l’étatisation»), : 1970-1981 («libéralisation de l’initiative privée dans
un cadre de protectionnisme économique et de monolithisme politique»),
1982-1986 («un système qui ne semble plus avoir d’objectifs clairs, ce qui
entraîne l’accélération des crises et favorise l’émergence d’un islam
politique») et la dernière phase de 1987 à aujourd’hui (qui «se caractérise
par le libéralisme et l’ouverture»).
Au bout du compte, Khaled Kaddour produit, selon le Professeur Eric Fimbel,
un travail «ambitieux, structuré, intelligemment ancré dans la singularité
tunisienne et puisant majoritairement ses éléments dans des sources variées
et crédibles»; et qui «représente certainement une source pertinente pour
éclairer les choix que les décideurs devront opérer pour construire et/ou
infléchir le devenir de ce pays en transition» qu’est la Tunisie.