Jamel AREM,
président-directeur général du groupe AREM GROUP, a accepté de nous livrer
quelques détails sur les différentes activités du groupe, ainsi que sa vision
sur ce qui devrait être, aujourd’hui, selon lui, la nouvelle stratégie des
industriels tunisiens en matière d’exportation : marché des niches, et
surtout création des chaînes de distribution des produits tunisiens dans
certains grands pays en Afrique subsaharienne… Entretien !
A quand remonte la
création de Arem Group ?
Notre groupe n’est pas
jeune ; ses activités ont débuté en 1979. Il a été fondé par deux personnes,
du moins deux familles qui, aujourd’hui, ont décidé de se séparer et
partager les différents secteurs dans lesquels le groupe opérait (notamment
industrie, cosmétique, hôtellerie, etc.).
Pour ce qui est de
AREM GROUP, notre politique consiste à développer des secteurs dans lesquels
nous opérons, c’est-à-dire soit le développement en interne, soit le
développement d’autres projets.
Comme je l’ai souligné
il y a quelques jours, nous avons beaucoup de nouveaux projets dans le
domaine de l’industrie, tel que le cas de Palma (profilés en aluminium) et
tout ce qui concerne les accessoires de lait.
J’entends par
développement interne, le développement de chaque société du groupe que ce
soit avec de nouveaux produits, soit avec des nouvelles méthodes ou process
de production, ou d’autres produits. Il s’agit en fait d’apporter une valeur
ajoutée dans chacune des sociétés du groupe à même de permettre au groupe
d’avoir une assise confortable dans ses secteurs d’activité.
Qu’en est-il de la
politique marketing du groupe ?
Je dois avouer que,
par le passé, on ne communiquait pas assez ; nous sommes des hommes de
terrain, et ce d’autant plus que les créneaux dans lesquels nous opérons ne
nécessitent pas beaucoup de communication. Par contre, il faut de
l’efficacité, de la fluidité et de la présence sur le terrain de façon active, …
Il faut également dire que nous sommes agressifs sur le terrain,
commercialement parlant, et on est diversifié.
Ceci étant, nous
sommes aujourd’hui dans une phase où la communication s’avère une nécessité
impérieuse, ne serait-ce que pour faire connaître nos produits dont certains
sont nouveaux, telles que les marques Oé, Mp3 et bien d’autres.
Par ailleurs, on est
en pleine restructuration, une opération qui va même engendrer quelques changements de nom
de certaines sociétés qui composent le groupe.
Arem Group, c’est
beaucoup de sociétés. Combien d’employés comptez-vous ?
Environ 1500
personnes.
En tant qu’industriel,
comment voyez-vous la politique d’exportation de la Tunisie ?
Tout le monde
conviendrait que l’exportation est une question de survie pour les
industriels tunisiens, en particulier, et l’économie tunisienne, en général.
Mais, à mon avis, il est indispensable d’engager des études approfondies de
nos marchés cibles. Car, aujourd’hui plus qu’hier, il y a beaucoup de
concurrents, y compris les Chinois. D’ailleurs, contrairement à certaines
idées reçues, la Chine n’est pas la Chine d’il y a 10-15 ans en arrière ;
ils ont énormément amélioré leur process de production, du coup, leurs
produits –certains en tout cas- sont désormais de haute qualité. Pourquoi ?
Pour la simple raison que tout le monde sous-traite chez eux. Conséquence :
ils acquièrent de plus en plus de l’expérience.
Ceci nous amène à
considérer que la bataille sera de plus en plus difficile pour les
exportateurs tunisiens face aux géants mondiaux. Toutefois, on peut gagner
des niches de marché à l’export, à condition bien entendu de fédérer nos
idées, conjuguer nos efforts.
Par exemple, on peut
décider de s’attaquer à tel marché pour tel secteur. Mais pour y parvenir,
il y a des moyens et des stratégies à mettre en place. Il faut donc chercher et
rassembler des idées clés. Malheureusement, en Tunisie, nous raisonnons
encore en termes d’individualité, le chacun pour soi, c’est-à-dire qu’il
n’existe pas, ou très peu, de grandes idées pour attaquer les marchés
extérieurs.
Or, force est de
reconnaître que nous avons beaucoup de handicaps, notamment sur le plan du
transport. Si on prend le cas des pays africains, malgré les améliorations,
on constate que c’est toujours difficile pour eux de venir en Tunisie, parce
que, souvent, ils sont obligés de faire plusieurs escales ; et inversement.
Du coup, ils se demandent pourquoi aller en Tunisie, alors qu’ils peuvent
faire l’aller/retour en un seul jour en Europe, par exemple.
A l’inverse, nous,
nous devons y aller, mais de façon organisée. Je m’explique : je pense qu’il
faudrait essayer de créer des chaînes de distribution résidentes des
produits tunisiens directement aux consommateurs locaux. Bien évidemment,
cela nécessite le regroupement de plusieurs industriels et autres
commerçants tunisiens, sinon les coûts seront très lourds à supporter pour
un seul industriel.
Une autre idée
consisterait à s’associer à des grandes enseignes, tels que les
hypermarchés, suffisamment connues et qui sont installées dans ces pays…
A mon avis, c’est la
meilleure manière de pouvoir conquérir les marchés africains au sud du
Sahara. Il y a un double avantage à cela : d’abord, on peut gagner sur la
marge bénéficiaire, ce qui est de nature à renforcer la pérennité de
l’activité industrielle en Tunisie ; ensuite, cela permettra à nos produits
d’être mieux connus et appréciés par les consommateurs africains.
Si l’on ne fait pas,
nous verrons nos marges s’effriter de jour en jour. Par contre, si on
supprime l’intermédiaire européen en vendant directement nos produits aux
consommateurs africains, cela nous permettra de maintenir nos marges
bénéficiaires, et du coup, notre production nationale va s’étoffer parce que
cela va engendrer un développement de nouveaux talents et l’arrivée de
nouveaux promoteurs et autres industriels. Donc, avec cette idée, on peut
développer nos exportations, avec plus de chance de réussite, parce qu’il ne
faudrait plus compter sur les accords commerciaux. La situation du secteur
textile/habillement, avec ce qui se passe actuellement, surtout depuis la
fin des accords multifibres, devrait nous inspirer.
Tout ceci nécessite la
mobilisation de tous les acteurs économiques, des pouvoirs publics aux
producteurs en passant par la Banque centrale, les banques et établissements
financiers, les assurances, etc.
Que pensez-vous des
marchés voisins ou de proximité ?
Les marchés voisins
(maghrébins) ne doivent pas non plus être oubliés, même si c’est très
difficile de pénétrer sur certains d’entre eux ; mais aucun marché n’est
facile aujourd’hui. La meilleure approche, c’est d’être présent, notamment
en Algérie qui est un grand marché avec des grandes potentialités, certes
avec certaines difficultés, essentiellement en termes de financement des
activités d’exportation… Sur ce point, la présence des banques ou autres
établissements financiers s’avère indispensable.
Je prends mon cas : en
Algérie, je suis dans le domaine des ascenseurs, et s’il n’y avait pas de
problème de financement, je pourrais faire 6-7 fois plus de chiffre
d’affaires que celui que je fais aujourd’hui. Les banques algériennes te
demandent une garantie pour ton financement, quand tu te tournes vers les
banques tunisiennes, celles-ci te disent qu’elles ne peuvent pas financer
tes activités dans un autre pays. Retour à la case de départ…
En un mot, la présence
d’une institution financière tunisienne en Algérie s’impose, si toutefois
nous voulons être actifs sur ce marché. Et Dieu sait combien ce marché
pourrait être important pour nous Tunisiens.