Céréales, la filière se libéralise au millimètre près

 
 

cereale090207.jpgLa Banque mondiale estime
que tout risque d’insécurité alimentaire en Tunisie «proviendrait plus du
pouvoir d’achat insuffisant du segment pauvre de la population que de
pénuries intérieures».  

Dans une étude sur la
commercialisation des céréales en Tunisie, la Banque déplore «la prudence»
excessive mais «compréhensible» de la Tunisie qui accuse un retard «pré
judicieux» en matière de libéralisation de la filière céréale.  

Concrètement, la banque
souhaite la suppression du monopole de l’Office des céréales. 

Dans le détail, la Banque
relève dans la filière céréales une forte centralisation perceptible à
travers le monopole qu’exerce l’Office des céréales sur la collecte et
l’achat du blé local, l’importation, le stockage et l’approvisionnement en
semences. 

Selon l’institution
financière, cette centralisation est coûteuse pour le budget. Elle ne cible
pas les pauvres, décourage le secteur privé à se restructurer (les capacités
des unités de trituration et de cuisson sont excédentaires) et favorise
artificiellement la culture de céréales non compétitives au détriment
d’autres cultures.  

Elle empêche, en outre,
le développement de marchés compétitifs, et de plus, a souvent un impact
nuisible sur l’environnement parce qu’elle donne lieu à un usage inefficace
des maigres ressources en eau. 

La Banque reconnaît,
toutefois au gouvernement tunisien, quelques avancées sur la voie de la
libéralisation de la filière céréalière. Parmi celle-ci, figurent
l’ouverture de la liste des mandataires à deux petits négociants privés pour
réduire l’intervention de l’Office des céréales dans la collecte de l’orge,
la réduction de l’effectif pléthorique de l’Office de 2.800 personnes à
1.500, le retrait de l’Office des ventes de détails et le projet annoncé de
privatisation de certaines installations locales. 

La partie tunisienne, par
la voix du PDG de l’Office des céréales, M. Mohamed Chokri Ayachi, estime
qu’elle est allée plus loin que les conclusions de cette étude. Ainsi,
l’Office suit une politique visant à associer de plus en plus les privés à
l’exploitation des activités concurrentielles et à se consacrer
exclusivement au calibrage des céréales, au contrôle et au règlement des
litiges entre agriculteurs et collecteurs. A titre indicatif, en 2006, le
nombre des mandataires est passé, en 2006, à 8 contre deux seulement en 2005
tandis que la part des privés dans la collecte et le stockage de la récolte
céréalière est passée de 0,7% en 2005 à 4,4% en 2006.

Mieux, l’Office, a
décidé, selon M. Ayachi, d’améliorer l’attractivité de cette activité et de
lutter contre sa saisonnalité. Il a augmenté la prime de collecte et de
stockage de 1250 millimes le quintal à 1400 millimes, et vient d’autoriser
collecteurs et stockeurs privés à exercer le commerce rémunérateur des
engrais et des semences.   

En dépit de ces avancées,
la Banque mondiale pense qu’il «n’y a pas de mouvement cohérent vers une
réforme» de la filière et illustre sa thèse par le monopole des ventes aux
minoteries qui reste intact. Pis, bien que 94% des céréales soient produites
dans le Nord, l’Office des céréales maintient des magasins dans toutes les
régions du pays, et entend conserver ses installations portuaires et est
actuellement impliqué dans la construction d’un niveau silo portuaire à
Zarzis pour approvisionner le centre et le sud de la Tunisie.   

Pour sa part, M. Mohamed
Chokri Ayachi a déclaré, récemment, à la presse, que l’Office projette de
céder à des privés plusieurs de ses installations dont des silos.

Commentaire : la prudence
tunisienne est compréhensible. Car, le secteur des céréales est un secteur
sensible. Tout le monde se rappelle les émeutes du pain de 1984. Les choses
ont depuis évolué, estiment les experts de la Banque mondiale pour qui «les
causes des pénuries alimentaires du passé ne constituent plus une menace
réaliste. Ces risques peuvent être contenus de nos jours par de bonnes
politiques de prévisions de sécheresse et par une bonne gestion du transport
des denrées.  

Il faut dire que la
production céréalière demeure, après un demi siècle d’indépendance,
tributaire des aléas climatiques, d’où l’enjeu d’investir dans la recherche
afin d’identifier de nouvelles semences à haut rendement. 

La production est estimée
officiellement, en 2006, par le ministère de l’Agriculture, à 16 millions de
quintaux. Elle est répartie en 10,3 millions de quintaux de blé dur, 2,2
millions de quintaux de blé tendre, 3,6 millions de quintaux d’orge et de
triticale.  

En 2004-2005, la
production céréalière s’était élevée à 21 millions de quintaux répartis
entre 12 millions de quintaux de blé dur, 3,4 millions de blé tendre et 4,7
millions de quintaux d’orge et triticale, contre une récolte globale de 23,5
millions de quintaux l’année précédente.

 
 
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