Cinq prix Nobel d’économie américains jugent sévèrement la France

 
 
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Le prix Nobel américain Edmund Phelps (g) et le ministre français de l’Economie et des Finances Thierry Breton, le 6 mars 2007 à Paris (Photo : Franck Fife)

[13/03/2007 15:23:32] PARIS (AFP) La France possède des atouts face à la mondialisation, notamment une forte productivité, mais elle doit laisser respirer son économie et redonner le goût au travail, recommandent cinq prix Nobel d’économie américains, à quarante jours de l’élection présidentielle.

Dans une série d’entretiens publiés mardi par les Echos, ces économistes, de sensibilités différentes, dressent un tableau sévère de l’économie française et suggèrent des pistes de réformes.

“J’observe que les Français sont parmi les habitants du G7 (groupe des sept pays les plus industrialisés, ndlr) les moins motivés au travail. C’est incroyable!”, s’exclame l’économiste Edmund Phelps, prix Nobel 2006.

“Quand les jeunes quittent leur pays pour aller s’installer à Londres, Dublin, ou dans la Silicon Valley, il y a lieu de s’inquiéter”, prévient ce professeur de 73 ans à l’université Columbia de New York, reconnu pour ses travaux sur la croissance économique.

Ce néokeynésien, pourtant opposé à une déréglementation effrénée du marché du travail, constate que “les Européens ne croient plus au travail comme moyen d’épanouissement”. Il propose donc de “rendre le travail plus stimulant” en réformant par exemple le Code du travail.

Distingué en 1987 pour ses travaux sur l’impact du progrès technique sur la croissance, le keynésien Robert Solow reconnaît qu’en termes de productivité, la France est très performante. Mais les 35 heures ont été, selon lui, un échec.

“Le nombre d’heures de travail en moyenne n’a guère évolué”, constate l’ancien conseiller de John Kennedy. L’impact des 35 heures “a donc été minime”.

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Le prix Nobel d’économie 2004 Edward Prescott, le 7 décembre 2004 à Stockholm (Photo : Sven Nackstrand)

Face à la mondialisation, “la France a sans doute plus à gagner qu’à perdre”, rassure-t-il, en préconisant des “réformes progressives” plutôt qu’une thérapie de choc.

Pour Gary Becker, prix Nobel 1992, le taux de croissance de l’économie française “n’est pas assez élevé” car le pays “ne s’est pas suffisamment réformé” et reste handicapé par “un marché du travail pas assez flexible”.

Pour ce libéral bon teint issu de l’école de Chicago et connu pour ses travaux sur le “capital humain”, “les entreprises devraient notamment avoir davantage de marge de manoeuvre pour licencier les employés qui ne leur conviennent pas”. De même, “le salaire minimum, que certains candidats à la présidentielle veulent augmenter, est au contraire trop élevé”.

Selon lui, le principal atout de la France reste son “capital humain”, sans oublier sa créativité et ses “excellents” fonctionnaires et scientifiques.

Edward Prescott, honoré en 2004 pour ses travaux sur les cycles économiques, estime que “l’économie française est en bonne santé” mais qu’il faudrait y réduire “la forte pression fiscale”.

“Si la France ramenait ses taux d’imposition au niveau américain, le produit des impôts serait du même ordre qu’aujourd’hui, car après une période de transition, la production serait 40% plus élevée”, explique ce chef de file de la pensée néoclassique antikeynésienne.

Constat sévère aussi que celui dressé par Paul Samuelson, prix Nobel 1970, pour qui “la France fait partie des pays européens au modèle le moins efficace” car “elle n’a pas su s’adapter aux nouvelles réalités de l’économie mondiale”.

“Les Français aujourd’hui devraient tolérer la remise en question de certains privilèges et accepter que leur société soit davantage inégalitaire”, lance ce chef de file de la “synthèse néoclassique”, qui se dit politiquement au centre.

Et de conclure: “La France a besoin de rencontrer son Ronald Reagan ou plutôt son Tony Blair qui est moins à droite du point de vue économique”.

 13/03/2007 15:23:32 – © 2007 AFP