Une
agence de voyages tunisienne en ligne a lancé la semaine dernière une
curieuse promotion invitant les gens à venir seuls et à rentrer en couple.
La promotion était soumise à certaines conditions (qui ne sont pas du tout
des attrape-nigauds comme c’est généralement le cas) parmi lesquelles nous
citons qu’il faut appartenir à une certaine tranche d’âge, le maintien d’un
certain équilibre dans le nombre de réservations entre filles et garçons,
etc.
L’originalité et la manière avec laquelle a procédé l’agence en ligne font
sourire. En ces temps de dure concurrence, il fallait bien penser à un
pareil type de promotions qui ne peut que faire des bonheurs. Le bonheur de
l’agence, naturellement, mais aussi celui de l’hôtelier (et de ses salariés)
et de ces différents célibataires à la recherche d’une âme sœur.
Cerise sur le gâteau, le prix était à la portée : 35 dinars par personne.
En clair, on avait droit au beurre, l’argent du beurre et le «sourire» de la
crémière. Seulement voilà, la promotion de cette agence de voyages en ligne
a déplu à certains de nos concitoyens qui, vraisemblablement, n’ont ni envie
de voir les hôteliers remplir leurs chambres, ni les couples se former.
Ainsi, selon ce tabloïd, cette promotion est contraire aux bonnes mœurs.
Elle est contraire également au cahier des charges d’une agence de voyages
qui n’a pas la vocation de réunir les couples. Le tabloïd a fait appel au
président de la Fédération tunisienne des agences de voyage, M. Tahar Saïhi,
qui a déclaré être surpris par cette promotion qui, selon lui, est une
atteinte aux mœurs et à la déontologie !
Voilà comment on a récompensé une agence qui a travaillé et dont le seul
tort est d’avoir eu une idée originale pour vendre ses produits. A un moment
où la concurrence est de plus en rude, et où le secteur se voit ses
ressources diminuer (à cause des commissions sur la billetterie qui ont
disparu par exemple), de pareilles initiatives nous semblent pourtant
vitales. Les agences de voyages étrangères n’hésitent pourtant pas à
proposer de pareilles offres pour leurs clients. Ce sont ces mêmes agences
étrangères qui concurrencent nos agences. Pourquoi donc leur permettrait-on
à elles ce que l’on nous interdit.
Concernant les bonnes mœurs, dont le tabloïd s’est fait un avocat, on
aimerait savoir si la guerre (dont les nouvelles remplissent ses pages) fait
partie des bonnes mœurs, de nos us et coutumes et de nos traditions ?
Pourquoi parle-t-on de guerre, de meurtres, de morts et de sang à longueur
de pages et ne parle-t-on pas d’amour et de bonheur ? Doit-on faire la
guerre et non l’amour ? Et franchement, à quoi cela sert-il de nous voiler
la face ? Le Tunisien et la Tunisienne ont évolué et veulent aujourd’hui
disposer comme bon leur semble de leur corps, de leur temps et de leur
argent. Pourquoi faut-il les empêcher au nom d’une hypocrite et anachronique
défense des mœurs ? Et, pour finir, en quoi la rencontre d’un jeune homme et
d’une jeune fille peut nous gêner, nous autres citoyens soi-disant
respectueux des bonnes mœurs ? Voir les autres heureux serait donc à ce
point choquant ?
Ce qui est regrettable dans toute cette histoire, c’est que le tabloïd en
question est parmi les rares tabloïds sérieux à défendre l’intérêt de nos
agences de voyages et nos hôteliers pour l’intérêt même du secteur. Que les
autres agences concurrentes soient gênées par l’initiative «audacieuse» de
leur consoeur «on line» est une chose, qui ne nous étonne pas du reste. Mais
que cette gêne soit relayée par la fédération et par nos confrères afin de
mettre les bâtons dans les roues d’une entreprise qui prend de l’initiative
est un pas que l’on ne devrait pas franchir. Car, de toute façon et
quoiqu’on en fasse, les couples continueront à se former au grand dam des
«bonnes mœurs». Ce serait aussi permettre à la concurrence étrangère de
gagner des points et handicaper encore davantage (comme si elle ne l’était
pas assez) l’entreprise tunisienne !