Le banquier offre une douche froide à la candidate à l’emploi
C’est
une jeune fille qui a réussi ses études. Après avoir obtenu sa maîtrise,
puis son master en marketing, elle s’est inscrite à un doctorat, toujours
dans la même branche. Férue de marketing, de commerce et de création
artistique, elle s’est dite que le meilleur moyen de montrer son
savoir-faire est de se présenter sous le meilleur jour et de «se vendre»
soi-même. C’est ainsi qu’elle a concocté un CV de tonnerre dans la forme
(puisque le fond mettait en exergue ses diplômes et quelques stages) et l’a
envoyé à une banque de la place. Un CV «orienté» réalisé spécialement pour
cette entreprise et non un CV passe-partout.
C’était une bouteille à la mer, mais elle gardait tout son optimisme et
avait espoir de tomber sur des gens intelligents capables de
pré-sélectionner les candidats à l’emploi à la vue d’un CV qui se distingue
des autres. Son objectif est d’obtenir un entretien, ce qui est somme toute
(rappelons-le) l’objectif de tout CV. Elle a frappé en plein dans le mille
et a réussi à décrocher un entretien.
Le responsable approuve la candidature et la passe à son chef qui en fit
de même. On la rassure et on lui dit que «normalement, c’est bon. Vous
répondez à nos attentes, on a besoin de vos connaissances».
Au bout de trois entretiens avec trois responsables différents, on
l’informa que le PDG devait la recevoir. Elle s’étonne que le PDG désire
voir un candidat à l’emploi et puis se dit que c’est peut-être la procédure
dans cette banque. Sa petite inquiétude est vite levée quand l’un des
responsables avec qui elle s’est entretenue lui a dit que ce n’est qu’une
formalité.
Le jour ‘’J’’ arriva et elle alla voir le PDG qui lui a consacré trois
minutes. Elle dit bonjour et s’attend à des questions pour offrir les
meilleures réponses. La première question avec son ton sec est inattendue et
s’apparente plutôt à une ingérence dans la vie privée des gens : «Alors
comme ça, vous avez décidé de ne pas continuer votre doctorat et de chercher
un emploi ?» Elle répondit qu’elle avait besoin de cet emploi, sans
souligner qu’elle tenait à poursuivre sa thèse de doctorat qu’elle préparera
durant son temps libre.
La seconde question la laissa de marbre : «Vous avez un diplôme de
marketing ? Mais qu’est-ce que je vais foutre, moi, avec un agent de
marketing ?! Je n’en ai pas besoin !». La candidate n’en revenait pas et ne
comprit surtout pas ce qu’elle faisait là. Si on n’avait pas besoin d’un
candidat marketing, pourquoi l’a-t-on donc appelée et pourquoi lui a-t-on
consacré tout ce temps (aussi peu soit-il) et tous ces entretiens ? Elle
n’était pas au bout de ses peines quand monsieur le PDG s’est lancé dans une
diatribe dénigrant les diplômes de cette faculté (étatique et de renom) !
Elle sortit, surprise et en rage, et me dit «vous parlez tout le temps
des encouragements de l’Etat pour l’emploi, notamment ceux des diplômés de
l’enseignement supérieur et vous ne parlez jamais de ce que nous
rencontrons, nous autres chômeurs, comme personnes qui vous démotivent
totalement et sans raison valable. Si on me refuse parce que je suis
incapable, je ne pourrai que l’admettre. Mais qu’on me «gifle» parce que
j’ai un diplôme élevé de telle faculté qui ne leur plait pas, ou encore
parce que j’ai un suivi un cursus qui ne leur sied pas, ce n’est pas de ma
faute !».
Par honnêteté, j’ai promis de parler de son entretien dans mon canard.
Surtout que j’ai moi-même ragé en écoutant son histoire, alors que je sais
pertinemment les efforts monstres fournis par l’Etat pour l’emploi. Je n’ai
pas la version de l’histoire du PDG et j’ignore ce qui l’a motivé pour être
aussi cassant, mais j’ai quand même l’impression que tous les efforts de
l’Etat tombent à l’eau à cause de personnes comme lui, peu regardantes sur
le civisme, la correction et le respect des gens qui ont galéré des années
durant pour l’obtention d’un diplôme et pour récolter le savoir. Avoir comme
réponse «qu’est-ce que je vais foutre avec cette spécialité» alors que ce
sont vos services qui ont déclenché le processus d’entretiens d’embauche, ne
m’inspire que cette réplique après avoir rapporté l’histoire : «Nous n’avons
hélas rien à foutre avec de pareils PDG très suffisants et très peu
regardants sur les intérêts même de leurs entreprises. D’ailleurs, des PDG
de banques qui font les entretiens d’emploi ne doivent pas être nombreux
dans le pays ou dans le monde, sinon nous n’aurons plus de banques !»
Un PDG de banque devrait normalement avoir d’autres choses à faire que de
se mêler de notre travail. Cette dernière phrase a été dite par l’un des
directeurs de cette même banque qui a avoué à la candidate avoir réellement
besoin de ce poste de marketing et qui, en essayant de la réconforter, lui a
déclaré «ne vous en faites pas, nous aussi on en souffre. Il est lunatique».
On croit rêver !