[08/04/2007 11:09:32] BUENOS AIRES (AFP) “Bienvenue dans la Mecque de la copie!”, annonce Juan, derrière son étal à La Salada, marché gigantesque de vingt hectares situé dans la banlieue de Buenos Aires qui irrigue l’Amérique Latine en produits contrefaits. Ce jeune Péruvien a quitté ses montagnes il y a deux ans pour tenir un stand de T-shirts au coeur de ce marché situé à Lomas de Zamora, banlieue populaire de la capitale argentine, et récemment indentifié par l’Union européenne (UE) comme l’un des principaux centres de la contrefaçon en Amérique latine. Les vendeurs sont Péruviens, Boliviens ou encore Paraguayens. Leurs spécialités ? Les contrefacons: T-shirts, maillots de foot, jeans, mais aussi CDs et DVDs affichés à des prix imbattables. La chemise Levi’s coute 17 pesos (environ 4 euros), alors qu’il faut payer quatre fois plus dans les boutiques du centre ville de la capitale argentine. Maribel, jeune Bolivienne de 26 ans, propose un polo Lacoste pour 10 pesos (2,5 euros), “j’ai moi même cousu le crocodile, chez moi en Bolivie. C’est bien fait, hein ?”, s’exclame-t-elle fièrement. Le marché, créé il y a quinzaine d’années par quelques familles de Boliviens, n’a cessé de croître et regroupe aujourd’hui près de 15.000 stands sur 20 hectares, révèle une enquête récente réalisée pour le compte de l’UE. Selon cette même étude, près de 20.000 clients potentiels se rendent quotidienement à La Salada. Parmi eux, certains viennent de loin pour acheter vêtements ou appareils électroniques à des prix sans équivalent. Javier vient ainsi toute les semaines d’Asunción, la capitale du Paraguay. “Je m’approvisionne ici, j’achète une quinzaine de jeans que je revends plus du double dans ma boutique au Paraguay”. La qualité ? “Très bonne, excellente même !”. Vers minuit, l’activité bat son plein sur fond de cumbia, musique populaire sud-américaine. “Si la soirée est bonne, je gagne une cinquantaine de pesos (12,5 euros)”, explique Alejandro, commerçant péruvien de 38 ans. “Plutôt rentable”, dit-il avec le sourire. Un flux ininterrompu de bus en provenance des quatre coins de la province de Buenos Aires et du pays, déverse toujours plus d’acheteurs. Carmen, mère de famille habite un paisible quartier résidentiel de Buenos Aires. “Je viens ici parce que les pulls pour mes filles sont bien moins chers que dans n’importe quelle boutique”, assure-t-elle. D’après l’étude réalisée à la demande de l’UE, l’habillement de contrefaçon représente en Argentine “50% du marché local, avec 100 millions de vêtements par an”. La Salada est clairement identifiée pas les auteurs du rapport: “Le problème est localisé dans le célèbre marché illégal de La Salada (…) dont le chiffre d’affaire hebdomadaire avoisinerait les 9 millions de dollars”, écrivent-ils. “La Salada, représente une plaque tournante essentielle dans la distribution des contrefaçons: elle sert à alimenter les centres de revente aux quatre coins du pays”, explique Javier Delupí, directeur de l’association de Protection des Droits Intellectuels phonographiques (APDIF) en Argentine. Des cargaisons partent directement de “véritables laboratoires de productions pirates, situés aux alentours de La Salada pour alimenter des marchés locaux”, poursuit-il. En dépit des infractions avérées, l’activité de La Salada connaît le même rythme chaque soir. “Des policiers en civil viennent, jettent un coup d’oeil, demandent cinq pesos par soir à ceux qui vendent des vêtements de marque et ferment les yeux”, raconte Juan, avant de poursuivre avec malice, “moi, je n’ai pas de problème, tout est légal”. Javier Delupí ne cache pas sa colère à l’égard de l’inaction des pouvoirs publics. “C’est à eux de faire quelque chose. Nous avons mené des opérations coups de poings qui ont permis la saisie de plus de 500.000 copies de films et CDs. Mais cette solution répressive est insuffisante”, faute de volonté réelle de déloger ces commerces, estime-t-il. |
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