Dans
le cadre de sa nouvelle stratégie visant à instaurer la bonne gouvernance
économique et à lutter contre la corruption, les représentants de la Banque
mondiale étaient dernièrement en Tunisie, dans le cadre d’un périple
dans plusieurs pays du Maghreb et du Machrek.
Après avoir rencontré
certains membres du gouvernement dans la matinée du 5 avril, M. Ahlers,
représentant de la Banque pour la zone MENA, entouré de plusieurs de ses
collaborateurs, a voulu avoir des échanges avec des représentants de la
société civile, notamment des hommes d’affaires, des universitaires et
autres étudiants et journalistes.
De prime abord, les
experts ont indiqué le but de leur visite en Tunisie, en soulignant qu’en
septembre 2006, à l’occasion des Assembles annuelles du Groupe de la Banque
mondiale et du Fonds monétaire international, réunies à Singapour, le Comité
du développement de l’institution avait examiné le rapport intitulé
‘’Renforcement de l’action du Groupe de la BM pour promouvoir la gouvernance
et lutter contre la corruption’’.
A cette occasion, ‘’les ministres avaient recommandé que la direction du
Groupe de la Banque mondiale consulte un large éventail de parties prenantes
et qu’elle les invite à faire part de leurs commentaires sur le rapport, et
ce en vue d’affiner la stratégie et de guider la marche à suivre pour la
mettre à exécution’’.
‘’Gouvernance et lutte contre la corruption’’, un sujet hautement sensible ?
C’est en tout cas l’impression qu’ont eue les experts de la Banque mondiale,
vu la tournure qu’ont pris les débats –si l’on peut parler de débats, en
tout cas comparativement à ceux qui ont eu lieu dans d’autres pays et que
nous avons consultés sur le site Internet de la Banque mondiale.
Tout d’abord, on s’est perdu dans la définition des choses : «le mot
‘’gouvernance’’ est mal traduit en arabe», souligne d’emblée un intervenant.
Puis d’autres parleront de ‘’petite et grande corruption’’, quand d’autres
s’interrogeront sur ce qu’on met dans le concept ‘’corruption’’. Ou, tout
simplement, ‘’le pourquoi de ce soudain réveil de la Banque sur un aspect de
la vie économique des pays et des peuples qui a toujours existé’’, et
d’autres encore qui vont jusqu’à accuser la BM de vouloir se constituer en
gouvernement supra national, etc.
De là, on comprend aisément que certains se soient érigés en défenseurs du
statu quo ou plutôt allant jusqu’à nier des faits avérés sur la corruption
ou la mauvaise gouvernance.
Pourtant, un des représentants de la BM a bien présenté la stratégie pour
promouvoir la gouvernance et lutter contre la corruption’’, adoptée par son
Conseil d’administration, et visant la mise en place des réformes au sein
des administrations, et l’aide au secteur privé qui est de plus en plus
sollicité.
Cette rencontre entre experts de la BM et la société civile devait être une
étape importante dans la relation entre la BM et les gouvernements des pays
de la région, d’autant que cette dernière est considérée par la plupart des
bailleurs de fonds comme la plus centralisée du monde dans le domaine
politique, et, par ricochet, économique.
Alors, faut-il dire que c’est une occasion manquée ? Presque, même si
certaines voix –certes peu nombreuses- se sont élevées pour soutenir
l’action de l’institution financière. Comme celle M. Ahmed Ounaïes’’, ancien
diplomate, qui semble bien en phase avec les réalités sur le terrain. Mais
ce qui est plus décevant encore, ce sont les propos de certains journalistes
‘’de haute facture’’ qui sont allés jusqu’à suspecter le Groupe de la Banque
mondiale de ‘’parti pris’’.
Or, à notre avis, la question de la gouvernance et de la lutte contre la
corruption nécessite un débat franc, sans parti pris, sans peur, ni
allégation… Il faut éviter de se comparer avec d’autres pays, car le
détournement de 1 million de dollars dans pays développé a moins d’incidence
sur la vie quotidienne des citoyens, que celui de 10 dollars dans un pays en
voie de développement. Dans ce cas, dire que la corruption existe dans tous
les pays ou groupements humains à travers la planète, peut cacher une forme
de démission de la part des élites.
C’est pour cette raison d’ailleurs que le Président Ben Ali, depuis
l’avènement du 7 Novembre, a œuvré au renforcement de l’arsenal législatif
en matière de transparence et de respect des règles économiques. Ceci dit,
aucun système n’étant à l’abri de dérapages de certains acteurs indélicats,
la vigilance doit être de mise. D’ailleurs, le Chef de l’Etat n’a de cesse
de rappeler aux journalistes leur rôle dans ce domaine.
Et à l’instar du président Ben Ali, les experts de la Banque mondiale
appellent, eux aussi, les journalistes à jouer un rôle primordial dans cette
bataille pour la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption.
En tout état de cause, cette phrase de M. Bechler de la Banque mondiale
devrait faire réfléchir plus d’un : ‘’La région MENA est considérée par les
bailleurs de fonds comme l’une des plus centralisées du monde…’’, même s’il
ajoute ‘’… mais ces dernières années, on sent une certaine évolution…’’.
Chacun appréciera la subtilité de l’expression !