Quelques
jours après l’entrée de la société espagnole SATEC International dans le
capital de la SSII tunisienne NETCOM, M. Juan CALLEJA, responsable
international du groupe SATEC, était de passage à Tunis. Il explique, dans
l’interview qu’il nous a accordée le pourquoi et les raisons de l’entrée de
SATEC dans le capital de NETCOM, les synergies attendues, ainsi que la
stratégie que compte développer SATEC au Maghreb. Entretien.
Webmanagercenter : Pour commencer, la question qui vient à l’esprit c’est
quel est l’intérêt de l’entrée de SATEC International dans le capital de
NETCOM ?
Juan Calleja :
Je dois d’abord préciser que la démarche de SATEC a débuté en 2001 au Maroc,
ensuite en Algérie en 2006 avec une société algérienne de
télécommunications, la Télématis, et le 28 mars 2007 en Tunisie à travers
NETCOM. Cela complète un peu une stratégie de SATEC sur le marché
maghrébin ; un marché qui a de fortes ressemblances culturelles et
professionnelles évidentes avec l’Espagne, mais surtout un marché qui est en
forte croissance.
A combien se
monte votre participation dans le capital de NETCOM ?
Nous
sommes entrés à hauteur de 70% dans le capital de NETCOM. C’est une demande
de notre management qui veut avoir une grande part de décision au sein des
sociétés dans lesquelles on prend une participation. Les 30% qui reviennent
à M. Ahrès sont là pour montrer qu’on veut que celui-ci soit impliqué dans
notre projet, à travers le management et la propriété.
Soit. Mais avec seulement
30%, quelle marge de manœuvre reste-t-il au manager de NETCOM… ?
Nous
n’avons aucunement l’intention de faire du management local, c’est loin de
notre capacité et de nos moyens ; nous confions cette tâche au management
local. Il faut savoir qu’il s’agit de sociétés basées sur le capital humain,
et où le rôle de la personne est important. Autant dire que nos actifs ce
sont ces équipes. Donc, 70%, c’est la marge de manœuvre que permet la loi
pour une société anonyme, alors que les 30% restants, c’est une manière de
maintenir et d’impliquer les personnes de la société rachetée.
Toujours dans le même
ordre, est-ce que par cette participation NETCOM ne devient pas tout
simplement une filiale du Groupe SATEC ?
C’est exact, NETCOM est désormais une filiale à 70% de SATEC international.
Par voie de conséquence, cela l’oblige à suivre les règles du groupe SATEC
pour répercuter l’information, certaines démarches, etc… C’est bien à la
fois pour le groupe et pour la société filiale.
Alors, pourquoi avoir
choisi NETCOMet pas une
nouvelle start-up ?
C’est parce que nous n’avons pas les moyens d’entrer dans le capital d’une
start-up dans un pays où nous ne sommes pas habituellement présents. Ce
n’est pas facile pour nous. Donc le choix de NETCOM est évident pour nous,
d’autant plus que NETCOM est une société déjà reconnue sur le marché, avec
un parcours de 15 années, de nombreuses références locales, des ressources
humaines bien formées,…
C’est évidemment l’accès à un marché très intéressant, d’une part en local,
et d’autre part comme plate-forme d’expansion régionale voire continentale.
En
effet, la Tunisie ayant des ressources humaines très spécialisées et
éprouvées, nous pensons les utiliser non seulement dans les autres marchés
où nous sommes présents à travers les autres filiales comme le Maroc et
l’Algérie, mais aussi dans d’autres pays où nous avons déjà des démarches
commerciales, tels que la Mauritanie, le Sénégal, le Burkina Faso, la Libye,
l’Arabie Saoudite et le Qatar… il est probable, nous ne nous arrêterons pas
là.
Je
veux répondre pour SATEC, et Monsieur Karim ici présent répondra pour NETCOM.
Alors, je dirais que SATEC apporte, tout d’abord, une solidité financière à
même de permettre d’aborder des projets importants nécessitant des efforts
financiers lourds ; nous apportons également des compétences techniques, et
ce d’autant plus que nous avons une grande expérience de 20 ans en matière
de réseaux de télécommunications ; il faut savoir que nous avons déployé en
Espagne les plus grands projets de réseaux (pour Telefonica et pour d’autres
opérateurs de câble, GSM… en Espagne), ce qui constitue un atout important
et donne confiance au marché local.
Est-ce que SATEC va
apporter un concours financier à la formation du personnel de NETCOM compte
tenu des changements rapides qu’on observe dans le domaine des technologies
?
Le
secteur des technologies est un secteur compliqué. Un an dans le domaine des
technologies équivaut à 5 ans dans le domaine du ciment, par exemple. Il
faut noter que dans ce domaine, tout commence à se rassembler autour des
premières questions et demande une échelle suffisante et une taille
suffisante pour pouvoir se spécialiser dans les petits créneaux qui
composent tout le parcours de la technologie.
De
ce fait, cette demande d’échelle veut que nous soyons présents dans
plusieurs pays.
Quels sont les projets
dans lesquels vous comptez vous impliquer en Tunisie ?
Concernant les projets, nous venons juste d’avoir aujourd’hui une réunion
avec le premier opérateur du pays dans le domaine des technologies de
communication, en l’occurrence Tunisie Télécom. Il s’agit de pouvoir
accompagner cette entreprise dans sa nouvelle démarche, suite au rachat de
35% de son capital par l’opérateur émirati, de développer de nouveaux
services qui permettent aux entreprises tunisiennes de disposer de meilleurs
services de communication qui, à leur tour, vont leur permettre d’être
beaucoup plus compétitives dans un marché qui devient de plus en plus global
et concurrentiel.
Sur
ce point, l’association NETCOM-SATEC est capable de délivrer à Tunisie
Télécom, très rapidement, des résultats très intéressants.
De quoi s’agit-il
concrètement ?
Concrètement, la réunion que nous avons eue avec les responsables de la
direction du réseau fixe nous a permis de leur présenter notre savoir-faire
dans ce domaine, ainsi que des workshops, puis d’établir des priorités des
changements à opérer le plus vite possible. Je pense que, dans quelques
jours, nous aurons le cahier des charges et les premières demandes de
support ainsi que les démarches à suivre.
Est-ce que vous pouvez
nous dire à combien se monte ce contrat avec Tunisie Télécom ?
Vous
savez, à l’heure actuelle, il est difficile d’évaluer le montant de cette
opération ; mais compte tenu de la taille du marché, de l’importance de
l’opérateur et surtout de la technologie que nous allons déployer, il s’agit
sans doute de plusieurs dizaines des milliers d’euros.
Quelle place occupe le
Maghreb dans la stratégie de SATEC ?
Aujourd’hui le Maghreb occupe une place centrale dans la stratégie de SATEC ;
c’est sa priorité numéro 1. Pour deux raisons essentielles. C’est d’abord la
proximité physique et même culturelle -entre une société espagnole et une
entreprise maghrébine-, c’est très facile de venir ici, on est presque chez
soi ; en tout cas c’est beaucoup plus simple que d’aller au Mexique dont je
suis responsable. Ensuite, le marché maghrébin est un marché en pleine
évolution dans le domaine des nouvelles technologies. Il suffit de voir que,
rien que pour la téléphonie mobile, le Maghreb va dépasser en 2007 les 25
millions d’utilisateurs de portable –et plus de 50 millions avant la fin de
la décennie (2010)-, alors qu’en 2001 il n’y avait même pas 2 millions.
Cependant, certains observateurs disent que le Maghreb n’est pas
tellement ouvert, les négociations sont souvent lentes… Quel est votre
sentiment ?
Je
ne suis pas tout à fait d’accord. Tenez, aujourd’hui on compte une dizaine
d’opérateurs des télécommunications dans la région ; rien qu’au Maroc il y
en a déjà trois opérateurs de téléphonie mobile et deux pour le fixe –Maroc
Télécom, qui est l’opérateur historique national, a déjà perdu plus de 50%
de part de marché. Ensuite, au Maroc et en Tunisie, il existe un régulateur
indépendant. Tout ceci fait que le marché n’est pas si fermé que ça.
D’ailleurs, on observe au Maghreb ce qui s’est passé en Espagne il n’y a pas
si longtemps : l’Espagne était un marché extrêmement fermé en 1992, assez
ouvert en 1996, et extrêmement ouvert en 2007.
Donc, il y aura une évolution plus rapide qu’elle ne l’a été dans d’autres
pays, peut-être dans cinq ans voire moins parce que vous avez la chance de
pouvoir comparer et de répéter des success stories qui ont eu lieu dans
certains pays européens.
L’ambition de SATEC au
Maghreb… ?
Notre ambition c’est d’accompagner les plus grandes compagnies opérant au
Maghreb –y compris en Tunisie- dans le déploiement des nouvelles
technologies et des systèmes d’information, pas seulement les réseaux mais
aussi les services d’application autour des solutions d’information.
Monsieur Karim AHRES,
voudriez-vous ajouter quelque chose par rapport à ce que vient de dire M.
Juan CALLEJA ?
Karim AHRES :
Je pense que tout a été dit. Cependant, je voudrais ajouter quelque chose
pour souligner que nous comptons mettre en place un centre de développement.
Déjà, dès hier, lors du workshop, l’idée d’un centre de développement
virtuel maghrébin a été évoquée. Un centre qui apportera de la valeur,
simultanément aux trois pays du Maghreb central, à savoir le Maroc,
l’Algérie et la Tunisie (mixer les équipes et les efforts, être certifiés
pourquoi pas CMMI niveau 5 au niveau du Maghreb). Il faut savoir que nous
avons un gros marché devant nous qui est celui du Middle East, mais j’ai
rarement vu une entreprise maghrébine attaquer ce marché.
Je
crois qu’avec SATEC, qui a développé des applicatifs opérationnels sur les
marchés espagnol et sud-américains, nous allons pouvoir aborder sur ce volet
pour apporter cette valeur dans les pays du Maghreb d’abord, puis dans les
pays du Moyen-Orient.
Il y
a donc deux volets importants : d’abord, les services à forte valeur ajoutée
autour de l’infrastructure, ensuite le centre de développement pour les
nouvelles applications.
Comment allez-vous vous
entendre sur la mise en place, éventuellement, de ce centre alors que vous
êtes plus concurrents que partenaires à bien des égards ?
A première vue,
vous avez tout à fat raison, c’était d’ailleurs le but de la première
réunion d’hier, une réunion au cours de laquelle nous avons présenté les
services du groupe SATEC et sa stratégie de développement dans le Maghreb.
Et je puis vous dire qu’à la fin de la journée, l’entente avait déjà
commencé à se mettre en place, compte tenu des enjeux qu’il y a derrière
cette idée. Ce qui m’amène à dire, à l’instar d’autres d’ailleurs, que le
Maghreb se construira économiquement parce que les entreprises ont compris
qu’il y a tout à gagner à construire ce Maghreb et à donner une
infrastructure et des solutions aux entreprises qui veulent évoluer et se
développer.