Bâtiment : la Tunisie sera-t-elle à la hauteur du boom immobilier ?

 

economia240.jpgLe
spectacle est inouï. A l’entrée de la capitale, une longue file de camions
immatriculés en Libye et en Tunisie attendent devant la cimenterie, les
Ciments artificiels tunisiens (CAT), propriété du groupe italien Colacem. 

Renseignements pris, ces camions peuvent attendre des jours pour pouvoir
s’approvisionner en ciment. Ce produit, tout comme les autres matériaux de
construction, est désormais fort demandé, ces temps-ci, en raison des
projets pharaoniques engagés en Tunisie et dans les pays voisins. 

L’Algérie et la Libye ont programmé, à eux seuls, la réalisation de
1.400.000 de logements, de grosses usines et des tronçons autoroutiers de
plus de 2000 kms. Fort de la manne du pétrole, ces pays sous-équipés en
raison de problèmes internes qui les ont plombés, des années durant, vont
remuer ciel et terre pour rattraper leur retard en infrastructure. 

La
Tunisie, relativement mieux nantie, a pris à son tour l’initiative de
programmer des «mégaprojets». Au nombre de ces projets, figurent cinq
mégaprojets immobiliers dont trois seront réalisés par des promoteurs
émiratis, ceux du Lac Nord «Tunis Sport City» (investissement de 5 milliards
de dollars), du Lac Sud qui consiste en la construction de tours pour un
investissement de 2 milliards de dollars, le projet de Hergla confié au
groupe Emaar (coût de l’investissement : 2 milliards de dollars environ).  

Toujours
au rayon de l’immobilier, à signaler également le complexe immobilier de la
baie de Gammarth qui sera réalisé par des promoteurs tunisiens.  

Ces
projets structurants, encore au stade de la maquette, devraient créer, à
l’instar de celui des berges nord du lac de Tunis, de nouvelles villes à la
périphérie de la capitale.
 

Au vu
des prix, l’ensemble de ces projets, qui vont bénéficier d’incitations
fiscales et financières, a pour objectif majeur de mobiliser de nouveaux
flux d’investissements directs étrangers (IDE) et d’attirer une clientèle
non – résidente. Celle-ci serait intéressée soit par l’acquisition d’une
résidence dans le pays (la loi du 15 mai 2005 l’autorise), soit par
l’exercice d’une activité commerciale. 

Décryptage : avec de tels projets confortés par un dinar de plus en plus
déprécié par rapport aux fortes monnaies européennes, il n’est pas exclu
d’imaginer, à moyen terme, un boom immobilier et de voir, d’ici une dizaine
d’années, des villes comme Nabeul et Bizerte se convertir en de simples
banlieues au nord et au sud de Tunis. 

Parallèlement à l’immobilier économique, la Tunisie a programmé d’importants
projets d’infrastructure. Pour ne citer que les plus importants : un port en
eau profonde à Enfidha, un aéroport dans la même zone confié au groupe turc
TAV, la raffinerie de Skhira confiée à la compagnie qatarie «Qatar Petroleum»,
deux centrales électriques (une de 400 mégawatts à Ghannouch et une autre de
1.200 mégawatts à Haouaria), deux cimenteries (une dans la région de Gabès
et l’autre au Cap Bon), une centrale nucléaire, le mégaprojet de dépollution
de Taparura à Sfax et celui d’élimination du phosphogypse à Gabès, tronçons
autoroutiers au sud et au nord-ouest, bâtiments publics… 

C’est
pour dire que le programme est lourdement chargé et que la Tunisie est en
passe de devenir un grand chantier. 

La
question qu’on ne peut pas s’interdire de poser dès lors est la suivante :
la Tunisie est-elle capable de satisfaire les besoins de tant de projets du
point de vue de la disponibilité des matériaux de construction, de
ressources humaines et énergétiques ? 

Certains milieux de la
centrale patronale s’interrogent sur la stratégie que le gouvernement va
suivre pour fournir en nombre suffisant la main-d’œuvre requise. «La Tunisie
sera-t-elle obligée de louer les services de main-d’œuvre étrangères ou de
recruter des maçons parmi les maîtrisards sans emploi ?» se sont t-ils
interrogés. 

Pour
certains observateurs de l’économie tunisienne, ce boom ne peut réussir que
si la Tunisie ouvre aux investisseurs étrangers des secteurs d’activité
encore fortement réglementés : construction, environnement, distribution,
conception, réalisation et suivi d’ouvrages de génie civile, de bâtiments et
d’infrastructure…

Les
entreprises étrangères peuvent déjà explorer des niches techniques où les
Tunisiens n’ont pas développé d’expertise ou ne disposent pas encore de
savoir-faire. Il s’agit des travaux en mer, des travaux de dépollution, la
réhabilitation d’ouvrages d’art, de chantiers portuaires, de fondations
spéciales, partenariats techniques et commerciaux pour l’introduction de
nouveaux matériaux ou des technologies innovantes.