[27/05/2007 09:29:53] MOSCOU (AFP) Maisons d’enchères, marchands d’art et artistes d’avant-garde déferlent ces derniers temps sur Moscou, alléchés par les millions injectés par les riches russes dans le marché mondial de l’art. “Ce marché a l’une des plus fortes croissances jamais vues”, a déclaré Mark Poltimore, le vice-président de Sotheby’s, lors de l’ouverture en mai du premier bureau de représentation de la maison de ventes aux enchères à Moscou. Une présentation organisée récemment à Moscou d’articles que Sotheby’s s’apprête à mettre en vente à Londres incluait des oeuvres de Claude Monet et d’Andy Warhol estimées à 100 millions de dollars (74 millions d’euros). L’ouverture du bureau de Sotheby’s succédait également à une Biennale d’art contemporain tenue à Moscou en mars et précédait une Foire internationale des beaux-arts, laquelle doit ouvrir ses portes fin mai dans la capitale est-européenne de la consommation ostentatoire. Mais certains spécialistes soutiennent que l’essentiel de l’argent russe va dans des achats de vanité et des investissements à court terme qui déforment la valeur de l’art aux yeux des vrais collectionneurs. “Bien que le marché s’élargisse, il reste que c’est encore une poignée d’oligarques qui dictent la loi”, explique Alberto Isequilla, un marchand d’art basé à Paris qui voyage régulièrement à Moscou. “Il y a beaucoup d’argent, mais beaucoup d’argent sans instruction”, ajoute M. Isequilla qui cite l’exemple d’un paysage russe du 19e siècle peu connu qui a été acheté pour une somme faramineuse comparé à celles payées pour des oeuvres abstraites plus complexes. Le boom touche particulièrement l’art russe dont les ventes ont atteint l’an dernier la somme record de 153 millions de dollars, comparé à seulement neuf millions de dollars cinq ans plus tôt. Christie’s, l’autre grande maison de vente aux enchères, affirme sur son site internet que l’art russe est à l’heure actuelle “l’un des secteurs les plus dynamiques et excitants du marché international de l’art”.
Parmi les milliardaires russes les plus friands d’art on compte le président d’Alpha Bank Piotr Aven, propriétaire d’une grande sélection d’oeuvres de l’avant-garde russe du 20e siècle, ainsi que le magnat du pétrole et de l’aluminium Viktor Vekselberg, célèbre pour avoir acheté neuf oeufs Fabergé à la famille américaine Forbes en 2004, une collection dont il a ensuite fait don à l’Etat russe. L’idée de rapatrier des oeuvres d’art dispersées à travers le monde suite aux bouleversements qui ont frappé la Russie au 20e siècle est particulièrement chère aux Russes. “Aux cours des dernières années nous avons collaboré à retourner de nombreuses oeuvres d’art au peuple russe et aux collectionneurs russes”, affirme Bill Ruprecht, le président de Sotheby’s, qui a organisé la vente des oeufs Fabergé à Vekselberg. Mais plusieurs musées se plaignent que le public n’a que trop rarement l’occasion de voir ces oeuvres d’art qui demeurent dans les réserves de leurs riches acquéreurs une fois rapatriées. “Nos nouveaux Russes connaissent peu de chose à l’art. Ils investissent seulement dans l’art russe, ils ne le collectionnent pas”, affirme Zinaïda Bonami, directrice-adjointe du prestigieux musée Pouchkine des beaux-arts à Moscou. Les experts de Sotheby’s rétorquent cependant que les acheteurs russes ne font que ressusciter la tradition interrompue par la révolution bolchévique de 1917 des grandes collections des tsars et des puissants de l’Empire russe. Philip Hook, qui dirige la section impressionniste et moderniste de Sotheby’s, soutient que les Russes “renouent avec leur passé” de collectionneurs d’art, mais il ne sous-estime quand même pas l’importance de l’argent. “Nous sommes au carrefour entre l’art et l’argent”, dit-il en souriant devant un tableau d’Andy Warhol représentant un signe de dollar vert et bleu sur fond rouge. |
||||
|