[03/06/2007 09:11:32] PARIS (AFP) La nomination de Robert Zoellick à la tête de la Banque mondiale (BM) survient en plein bouleversement du système financier international, avec des institutions phares en perte de vitesse face à de nouveaux acteurs comme la Chine, les marchés financiers et la Banque du Sud. Les grandes institutions internationales comme la BM et le Fonds monétaire international (FMI) vivent “une crise de vocation. Leur rôle de prêteur en dernier ressort est en panne” en raison du dynamisme exceptionnel de la croissance mondiale” explique Elie Cohen, directeur de recherche au CNRS. La flambée des matières premières a permis à des pays comme la Russie de redresser leurs finances et rembourser par anticipation leur dette au FMI. Cependant que le FMI est confronté à une crise de financement. En outre son rôle a été largement contesté, notamment lors de la crise asiatique de 97/98. Symptôme de cette crise, le Venezuela vient d’annoncer qu’il comptait se retirer de la BM et du FMI et l’Equateur a renvoyé l’administrateur de la BM. Celle-ci sort à peine d’un scandale de népotisme ayant entraîné la chute de son ex-président, Paul Wolfowitz. Parallèlement, “beaucoup de pays sont beaucoup mieux gérés qu’il y a dix ans, disposent d’excédents courants et de réserves monétaires” importantes, et peuvent se tourner directement vers les banques privées et les marchés pour financer leur développement, poursuit Jérome Sgaard, du Cepii. Les réserves monétaires de la banque centrale chinoise atteignent ainsi quelques 1.200 milliards de dollars. Les marchés financiers sont “beaucoup plus solides qu’il y a 10 ans”, remarque aussi M. Sgaard.
Une partie des liquidités disponibles est directement injectée dans les entreprises et les infrastructures des pays du “sud”. La Chine, en particulier, investit massivement en Afrique: elle prévoit d’y dépenser 20 milliards de dollars en trois ans. Apparaissent aussi des initiatives locales comme la Banque du sud, banque de développement initiée par le président vénézuélien Hugo Chavez, qui profite de la manne pétrolière de son pays pour s’émanciper des institutions de Washington. La Fondation Bill et Melinda Gates, qui pèse 32 milliards de dollars, plus que le budget de certains pays qui bénéficient de son aide, ajoute sa pierre au bouleversement de l’échiquier financier mondial. Cette abondance de liquidité à destination des pays pauvres “est en soi une bonne chose”, remarque Christian de Boissieu, professeur d’économie à l’université Paris I, mais elle n’est pas sans risques. Dans un marché du crédit très actif, les banques sont souvent tentées de céder leurs créances douteuses à des hedge funds, non régulés, ou à des “fonds vautour” qui les utilisent pour mettre la main sur les meilleurs actifs d’un pays. De nombreux observateurs, dont le G8, s’inquiètent aussi de l’empressement de la Chine à prêter aux Africains, et l’accusent de vouloir prendre le contrôle des matières premières du continent pour nourrir sa croissance. De plus, elle prête sans conditions de réformes économiques ou de gouvernance (travail des enfants, lutte contre le réchauffement climatique…), contrairement aux institutions internationales. “Le danger, c’est de replonger l’Afrique dans une spirale d’endettement”, alors que certains pays sortent tout juste la tête de l’eau à la suite d’initiatives multilatérales d’annulation de dette, souligne Jérome Sgaard. La Banque du Sud ne doit pas non plus “ouvrir la voie au surendettement”, remarque Christian de Boissieu. D’autant que les taux d’intérêt finiront un jour par remonter, aggravant le poids de l’endettement, tandis que les liquidités se tariront. |
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