La justice suisse blanchit les anciens patrons de Swissair et les indemnise

 
 
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Des avocats arrivent pour le début du procès Swissair à Bulach le 16 janvier 2007 (Photo : Michele Limina)

[07/06/2007 10:37:48] ZURICH (AFP) Les anciens dirigeants de la compagnie aérienne Swissair, disparue pour cause de gestion ruineuse, ont été relaxés jeudi par la justice suisse qui les jugeait pour leur rôle dans la spectaculaire faillite du prestigieux transporteur il y a six ans.

Les 19 inculpés, dont certains risquaient la prison, recevront en outre des indemnités pour tort moral, selon le jugement du Tribunal de district de Bülach (nord de Zurich) qui a scandalisé anciens salariés et petits actionnaires.

L’avocat général, qui avait réclamé des peines de prison d’un maximum de 28 mois et des amendes pouvant aller jusqu’à 1 million de francs suisses (622.000 euros, 819.000 dollars), a la possibilité de faire appel.

Mario Corti, le dernier patron de Swissair qui avait été placé à la tête de la compagnie quelques mois avant la faillite, doit recevoir une indemnité de 488.000 FS, auxquels s’ajoutent 100.000 FS de frais d’avocats.

Les 18 autres accusés ont tous été blanchis de l’accusation de gestion déloyale.

La relaxe était attendue, mais pas les indemnités, qui s’élèvent au total à plus de 3 millions de francs suisses (2 M euros).

Le groupe SAirGroup, maison-mère de Swissair, était une société hautement rentable dans les années 1980 et 1990, avant que la direction ne s’engage dans une politique d’expansion à l’étranger qui s’est avérée ruineuse.

Le coup de grâce est survenu en octobre 2001, quelques semaines après les attentats du 11 septembre qui ont précipité la crise du secteur aérien. Tous les appareils ont été cloués au sol pendant 48 heures, humiliant cette compagnie qui était la fierté de la Suisse.

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Le dernier patron de Swissair Mario Corti, le 12 juillet 2001 à Zurich (Photo : Walter Bieri)

Swissair a dû déposer son bilan, sous le poids d’une énorme dette de 17 millions FS, entraînant des milliers de suppressions d’emplois.

Selon le ministère public, les dirigeants de la compagnie, en particulier le conseil d’administration, étaient responsables de cette débâcle. Les avocats ont plaidé que les erreurs de gestion ne pouvaient pas être punissables sans intention de nuire.

Selon un professeur de droit, les relaxés risquent cependant de passer à la caisse lors du procès civil, intenté par les créanciers de Swissair qui ont tout perdu dans la faillite. “Devant le tribunal civil, la simple négligence suffit pour prononcer une condamnation”, a déclaré l’expert.

La plupart des accusés ont choisi de garder le silence lors du procès qui s’est déroulé durant sept semaines au début de l’année, en dépit de l’intérêt du public, qui a essayé de comprendre comment la compagnie a pu sombrer.

Après la lecture du jugement, d’anciens membres du personnel ont fait part de leur déception face à “ce nouveau fiasco de Swissair”.

“Nous nous attendions à des relaxes, mais pas à de telles indemnités”, a déclaré Urs Eicher, un ancien responsable syndical, à la télévision suisse SF.

Le cas de M. Corti a scandalisé un autre observateur. M. Corti, qui avait quitté son poste de directeur financier chez Nestlé pour tenter de sauver Swissair, avait exigé de toucher cinq ans de salaire dès son embauche, soit 12 millions de FS. Il est resté en fonctions moins de deux ans et a gardé l’argent. Son indemnité “est vraiment dure à digérer, il y a un grave problème de morale”, a-t-il déclaré.

Lorsque Swissair a été privatisée, dans les années 1980, de nombreuses personnes âgées en étaient devenues actionnaires, pensant faire un investissement sûr.

“C’est vraiment révoltant, la compagnie a non seulement été ruinée par ces gens, mais en plus ils vont rececoir des milliers de francs”, a déclaré l’une d’elles.

Une nouvelle compagnie, “Swiss”, née sur les cendres de Swissair, a été créée en avril 2002. Reprise par l’allemande Lufthansa, elle est désormais rentable mais n’emploie plus que 5.500 personnes, contre 15.000 pour Swissair.

 07/06/2007 10:37:48 – © 2007 AFP