[22/06/2007 17:34:00] MOSCOU (AFP) La Russie a franchi vendredi une nouvelle étape dans sa politique de reprise en main des secteurs les plus stratégiques de son économie avec l’annonce de l’achat par le géant public Gazprom de l’un des principaux actifs de la major pétrolière britannique BP dans le pays. Après des mois de conflit entre les autorités russes et le russo-britannique TNK-BP (détenu pour moitié par BP) à propos du champ gazier de Kovykta en Sibérie, les parties concernées ont révélé les grandes lignes de l’accord qui devrait être finalisé d’ici à 90 jours. Il prévoit dans un premier temps que Gazprom achète la part de TNK-BP dans l’opérateur de Kovykta (62,9%), ainsi que 50% dans une autre société, East Siberian Gas Company. Dans un deuxième temps, BP et Gazprom prévoient de créer une entreprise commune d’une valeur de 3 milliards de dollars. Les trois groupes concernés, qui se sont réunis au Kremlin vendredi après-midi, ont tous fait part de leur satisfaction devant un “résultat équitable”, selon la formule de BP, et face aux perspectives à long terme qu’offre la coopération prévue entre Gazprom et BP. Reste que le prix définitif de la transaction semble encore sujet à caution, un haut responsable de Gazprom évoquant 600-800 millions de dollars et BP 700-900 millions de dollars. Même si le niveau maximum est retenu, il s’agit d’un prix “vraiment bas”, estime Konstantin Batoutine, analyste de la banque Alfa à Moscou, qui juge toutefois que la transaction a permis à tout le monde de “sauver la face”. Kovykta est considéré comme l’un des gisements les plus prometteurs de Russie notamment dans la perspective de l’approvisionnement du marché asiatique, avec des réserves estimées à 1.900 milliards de m3 de gaz. Mais Andrew Neff, de Global Insight à Londres, est d’un autre avis : “c’est une bonne affaire pour BP, car au vu des circonstances de menace imminente de révocation de la licence de Kovykta, BP non seulement a obtenu un assez bon prix, mais a ouvert de nouvelles occasions de partenariat avec Gazprom en Russie”. L’affaire Kovykta rappelle à beaucoup d’égards celle du gigantesque projet gazier et pétrolier Sakhaline 2 en Extrême-Orient russe, il y a six mois. Ses opérateurs, la major anglo-néerlandaise Royal Dutch Shell et les sociétés japonaises de négoce Mitsui et Mitsubishi, avaient été contraintes de céder une part majoritaire à Gazprom après des mois de pression de Moscou sur le thème de l’environnement. Pour l’heure, les investisseurs étrangers ne paraissent pourtant pas particulièrement inquiets de la situation dans le pays. Selon la Banque mondiale, ils y ont investi un montant record au premier trimestre : 9,8 milliards de dollars (soit presque trois fois plus qu’au début 2006), dont plus des deux tiers dans l’industrie minière. Pour Iaroslav Lissovolik, chef économiste de la banque Deutsche UFG à Moscou, une affaire comme Kovykta va probablement inciter les investisseurs étrangers “à la prudence”, mais certainement pas les prendre par surprise, car “l’idée que le pétrole est un secteur stratégique est de mieux en mieux intégrée”. Cette notion fait toute la différence, explique-t-il. Et le gouvernement russe semble décidé à éclaircir sa position dans une loi actuellement en cours de préparation et qui pourrait être examinée prochainement par la Douma, la chambre basse du Parlement. Le texte limitera l’accès des investisseurs étrangers aux secteurs dits “stratégiques”. “C’est le plus important des éléments que nous attendons de la Russie : une délimitation claire entre ce qui est stratégique et ce qui ne l’est pas”, souligne M. Lissovolok. |
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