L’ancien PDG d’Airbus
et coprésident d’EADS, Noël Forgeard, est considéré aujourd’hui comme un
pestiféré. Soupçonné de délit d’initié, il est aussi accusé d’avoir empoché
indûment 8,2 millions d’euros d’indemnités. Dans une interview au magazine
français Le Point, il déclare qu’il ne rendra pas cet argent gagné en
toute légalité. Dans le milieu des affaires et dans le milieu politique, on
ne parle que de cela et bien de la révision des Golden Parachute.
Je ne vais pas
polémiquer, mais je sais aussi que je ne vais pas laisser insensibles un
nombre de lecteurs parmi vous. Je suis en train de parler d’un problème
franco-français (ou plutôt franco-allemand) qui ne nous regarde pas a
priori. Or c’est faux, nos patrons aussi ont leur golden parachute. Je
connais un banquier qui en a reçu un dernièrement et dont personne n’en a
parlé dans les journaux. Même pas nous à Webmanagercenter. C’est que les
montants astronomiques (par rapport à mon salaire naturellement) annoncés
dans les couloirs de cette banque, sont incroyables et impossibles à prouver
devant un juge si l’on nous attaque de diffamation. C’était juste pour vous
dire que nous aussi, nous avons nos patrons qui reçoivent des montants
astronomiques lorsqu’ils sont “licenciés”.
Est-ce pour autant
condamnable de recevoir une grosse rémunération ou une grosse indemnité de
sortie ?
Le deuxième point est
cette question du droit. L’indemnité de Forgeard est calculée sur la base du
salaire annuel de coprésident, soit 2,45 millions d’euros, en 2005. Il
comprend les indemnités contractuelles (deux années), la clause dite de
«non-concurrence» (2,45 millions), le reste correspond au préavis.
L’essentiel de ces sommes supporte des charges sociales et l’impôt sur le
revenu et Forgeard va verser, comme il le dit dans cette interview, plus de
3 millions d’impôts à la collectivité.
Alors, entendons-nous.
Pourquoi lorsqu’un smicard est licencié injustement, les prud’hommes lui
versent approximativement des indemnités de l’ordre d’un mois de salaire par
année d’ancienneté, et il faut qu’il en soit autrement lorsqu’il s’agit de
chef d’entreprise ? Pourquoi cette clause de non concurrence ne doit-elle
pas être payée au licencié lorsqu’il est cadre et qu’elle est payée
lorsqu’il est “petit” salarié ? Je m’adresse là à un ami bien intéressé par
ce qui se passe dans le milieu français des affaires, car il croit (à tort
ou à raison) que cela va gagner le milieu tunisien des affaires dans pas
très longtemps si ce n’est le cas déjà et qu’il faut, dès lors, empêcher nos
big boss de recevoir des rémunérations astronomiques.
Selon moi, nous y
sommes déjà, bien que les montants entre les patrons français et les patrons
tunisiens n’aient rien à voir. Il est vrai qu’ils sont payés en euros et que
les nôtres sont payés en dinars.
Cela dit, nous avons
aussi nos casseroles. En avril 2006, la BCT a envoyé un rappel à l’ordre à
un DG de banque lui rappelant qu’il doit obligatoirement rembourser les
jetons de présence qu’il a reçus au titre de sa participation dans des
conseils d’administration d’organismes où l’Etat est actionnaire. Qui a
parlé de cette casserole par exemple ? Et a-t-on polémiqué si un Dg d’une
banque où l’Etat participe au capital mérite ou pas d’obtenir des jetons de
présence ? La communication de nos entreprises est ce qu’elle est en
Tunisie, mon cher ami, mais cela ne veut pas dire que l’on n’a pas nos
casseroles et que notre milieu des affaires est sain et n’a pas ses
scandales comme en France.
Assurer une sorte de
veille sur ce qui se passe en France, en Europe ou aux Etats-Unis, c’est
bien. Mais il ne faut pas croire que ceci va nous arriver dans quelques
années. Nous y sommes déjà.
Seulement voilà, à
Forgeard, on a demandé de rembourser et il a refusé, assuré de son plein
droit et prêt à affronter la polémique de ses pairs, des politiques et des
médias. Il n’a pas honte d’être riche et de s’être enrichi légalement, lui
qui est parti de rien.
En Tunisie, le DG dont
je parlais a dû, lui, rembourser pour éviter toute polémique bien qu’il y
ait eu objet de débat s’il mérite ou non de toucher les jetons de présence.
Chez nous, moins on a d’histoires, mieux on travaille. Chez eux, plus il y a
d’histoires, plus on peut faire du business. Chez eux, la communication est
reine. Chez nous, c’est le «vivons heureux vivons cachés» qui marche. Toute
la différence est là.