Le Lion’s Club Sfax Thyna, en
collaboration avec plusieurs organismes locaux et régionaux, a entamé ce qui
pourrait être appelé le sauvetage des ressources halieutiques de l’île de
Kerkennah. Il s’agit d’une opération de largage des récifs artificiels à
quelques centaines de mètres du rivage de l’île. Voici le récit d’une
opération qui vise à empêcher la disparition de ce que les habitants ont le
plus précieux : leur diversité marine.
Le samedi 23 juin 2007, le Lion’s Club Sfax Thyna a organisé l’opération de
largage des plaques de béton, qui sont en fait des ‘’récifs artificiels’’
sensés empêcher les chaluts ou kys de continuer à détruire l’écosystème
marin de l’île.
Cette action s’inscrit dans le cadre du ‘’Projet de préservation de
l’écosystème marin et des méthodes de pêche traditionnelles à Kerkennah’’ et
bénéficie d’un financement du Fonds de l’environnement mondial (FEM)
sollicité par le Lion’s Club Sfax Thyna.
C’est à ce titre d’ailleurs que plusieurs initiatives ont été mises en
place, telle que l’étude d’identification des pressions exercées sur les
ressources naturelles ayant permis de faire des diagnostics
sur la flore, la faune et la diversité marine, mais également sur le système
de production agricole de l’île.
Les résultats de cette étude sont sans appel et sonnent comme un couperet :
l’île de Kerkennah se meurt ou plutôt se vide de ses ressources
halieutiques. Le problème est tellement grave qu’il a fallu organisé des
débats avec la communauté des pêcheurs kerkenniens ainsi que d’autres
acteurs (institutions et organismes, université de Sfax…) ayant abouti à des
actions concrètes et urgentes visant à réduire la pression sur l’écosystème
marin de ce bout de terre tunisienne perdu dans la Méditerranée.
En effet, un premier volet a concerné la biodiversité terrestre de
Kerkennah, notamment le palmier dattier. Pour ce faire, il a été décidé
d’organiser le premier festival des dattes (en 2003, et trois autres ont
suivi en 2004, 2005 et 2006), ce qui a permis aux chercheurs
et autres spécialistes de découvrir que l’île de Kerkennah détient la plus
grande réserve génétique de palmiers dattiers au monde, selon une source
proche du dossier. D’ailleurs, très peu de Tunisiens
savent qu’on produit des dattes à Kerkennah.
Le deuxième volet sur lequel le Club est fortement engagé concerne la biodiversité
marine de Kerkennah, essentiellement essayer de comprendre l’origine de la
baisse des revenus des pêcheurs de l’île et ce malgré la hausse des prix des
produits de la mer, d’une façon générale- depuis quelques années. Là on a
vite trouvé un premier coupable : l’utilisation excessive et massive des formes de
pêche inadaptées ayant entraîné une forte réduction des stocks, mais surtout
une dégradation des ressources halieutiques de l’île de Kerkennah.
Alors tout le monde semble pointer du doigt les kys qui sont des chaluts
utilisés de façon anarchique et excessive ces 10-15 dernières années. Pour
le Club, il fallait donc engager une mobilisation générale des pêcheurs sur
les grands mérites de la pêche traditionnelle utilisée à Kerkennah, en
l’occurrence la charfia ; sans oublier une action de sensibilisation tous
azimuts contre la pêche illicite. Voilà pourquoi la confection et le largage
des récifs artificiels ont été plus ou moins bien accueillis par les
habitants de l’île.
Selon M. Abdelkader BAOUENDI, ces récifs artificiels ont été conçus pour :
– empêcher les chalutiers de pêcher à proximité des côtes ;
– permettre la reconstitution des ressources naturelles.
C’est ce qui explique le largage des récifs le samedi dernier sur des zones
préalablement identifiées, définies et délimitées en collaboration avec les
autorités compétentes mais aussi des pêcheurs. Cette opération de largage a
mis en scène pas moins de 20 bateaux et de plusieurs pêcheurs.
L’avenir de l’île est loin d’être assuré…
Sans aucun doute, certains se demandent en quoi cela constitue-t-il un
événement ; à cette question nous répondons qu’il faut aller sur place et de
savoir aussi la position de cette île pour comprendre qu’il faut plusieurs
actions de grande envergure pour sauver Kerkennah et ses habitants. Car, qui
dit Kerkennah dit forcément mer et pêche… Et la pression sur son écosystème
est telle que les ressources s’amenuisent de jour en jour, et par
conséquent, si rien n’est fait, l’île risque de se vider de ses habitants.
Nous pensons par ailleurs qu’il est impératif d’envisager des repos
biologiques afin de permettre le renouvellement et la reconstitution des
ressources marines.
Hélas, même dans ce cas, l’avenir n’est pas assuré. C’est pourquoi, nous
estimons qu’il est urgent de penser à une reconversion de l’activité de
l’île. Il est difficile voire impossible que Kerkennah vive seulement, ou
presque, de ses ressources halieutiques désormais. Il faut savoir que l’île
compte environ 12-14.000 habitants pour près de 5.000 pêcheurs ; ces
derniers sont soumis au diktat des intermédiaires (GHACHARA). C’est dire !
En effet, Kerkennah sied très bien au tourisme et à ses activités connexes,
mais également à l’industrie légère, à l’agriculture (les palmiers
dattiers…).
Justement en parlant de tourisme, d’aucuns disent que les Kerkenniens ne
veulent pas le développement du tourisme sur leur île, alors que certains
Kerkenniens qu’on a rencontrés affirment le contraire, allant jusqu’à
considérer que l’île a toujours été laissé pour compte dans la stratégie
nationale du développement touristique. Alors difficile de se faire une idée
claire sur cette question, ce qui est certain c’est qu’il n’existe un seul
établissement hôtelier à Kerkennah et qui est loin de répondre à toutes les
normes de qualité.
Alors, avec l’aide de la communauté nationale, l’île ne moura peut-être pas
!