Des économistes ont planché à Istanbul sur le bonheur

 
 
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Le secrétaire général de l’OCDE Angel Gurria à Athènes le 30 mai 2007 (Photo : Louisa Gouliamaki)

[30/06/2007 06:19:05] ISTANBUL (AFP) Comment mesurer le bonheur? Plus de mille économistes et statisticiens réunis à Istanbul par l’OCDE ont planché de mercredi à samedi sur cette question et sur les moyens d’introduire la notion de bien-être au coeur des instruments d’évaluation du progrès humain.

Car pour nombre de participants au 2e Forum mondial de l’OCDE, les indices de développement utilisés jusque là et reposant essentiellement sur l’évaluation de la richesse accumulée -comme la mesure du produit intérieur brut (PIB)-, sont désormais obsolètes.

“Parce que nous mesurons le PIB par habitant, nous pensons savoir si les gens sont satisfaits ou non”, a constaté le secrétaire général de l’OCDE, Jose Angel Gurria.

“Mais en fait, dans quelle mesure les dirigeants sont ils informés de ce que veulent, ressentent et croient les gens?”, a poursuivi M. Gurria avant d’appeler à “chercher des outils pouvant améliorer l’action politique rationnelle”.

Pour le professeur Ruut Veenhoven, de l’université Erasmus de Rotterdam, l’avenir de la statistique passe sans conteste par l’évaluation du bonheur des gens.

Les modalités de l’exercice sont simples: une question -“dans quelle mesure êtes vous actuellement satisfait de votre vie”- à laquelle la personne interrogée répond en attribuant une note.

A la tête d’une Base de donnée mondiale sur le bonheur (World database on Happiness), le scientifique a déjà compilé des données de 95 pays.

On y constate que les gens les plus heureux sur terre sont les Danois, avec un indice de satisfaction de 8,2 sur 10, que les plus malheureux seraient les Tanzaniens (3,2), les Etats-Unis se classant 17e, la France 39e, la Russie 84e.

“Les pays heureux sont ceux qui sont riches, avec une économie compétitive, ils sont démocratiques, bien gouvernés (…), ce sont ceux où règnent l’égalité des sexes et la tolérance, où les gens sont libres de rechercher le mode de vie qui leur convient le mieux”, explique le chercheur.

Au niveau des individus, l’universitaire souligne que les personnes mariées sont généralement plus heureuses que les célibataires mais que l’indice baisse avec la naissance d’enfants, que les hommes profitent plus de l’émancipation féminine que les femmes elles-mêmes, que le bonheur a tendance à baisser quand le niveau d’éducation est plus élevé.

Mais au-delà de l’anecdote, ces données pourraient un jour servir de base aux décisions gouvernementales.

“Nous pouvons poser des questions aux gens sur leur bonheur dans différents domaines de leurs vies, nous pouvons ensuite progresser vers des sous-domaines pour savoir quel est l’impact des politiques gouvernementales”, explique le professeur Richard Layard de la London School of Economics.

Pour ce doyen de la recherche sur le bonheur, son évaluation, encore à un stade expérimental, offrira à terme un instrument bien plus efficace que les sondages d’opinion.

“Nous essayons de déterminer non pas la façon dont les gens jugent les politiques gouvernementales mais les effets que celles-ci ont vraiment sur eux”, souligne-t-il, évoquant d’innombrables expériences montrant que l’opinion des personnes testées pouvait être contraire à leur satisfaction réelle.

Autre piste prometteuse des recherches sur le bonheur: la neurologie pourrait venir en aide des statisticiens.

“Nous pouvons de plus en plus lier la recherche neurologique avec les recherches sur le bonheur provenant des sciences sociales et de la psychologie, et nous allons apprendre bien d’avantage encore sur la structure de l’être humain”, dit le professeur Gert Wagner, de l’Institut allemand pour la recherche économique.

“Mais ça, ça ne concerne pas du tout les hommes politiques”, poursuit-il, balayant l’hypothèse orwellienne de gouvernements branchés sur le cerveau de leurs administrés pour faire leur bonheur.

 30/06/2007 06:19:05 – © 2007 AFP