Grands patrons et économistes passent le capitalisme au crible

 
 
SGE.UNR36.070707121443.photo00.quicklook.default-245x169.jpg
L’ancien ministre argentin de l’Economie Roberto Lavagna, le 28 novembre 2005 à Buenos Aires (Photo : Daniel Garcia)

[07/07/2007 12:14:59] AIX-EN-PROVENCE (AFP) Grands patrons et économistes ont passé le capitalisme au crible vendredi et samedi, s’en prenant autant aux institutions internationales qu’aux effets pervers de la mondialisation, lors des Rencontres économiques d’Aix-en-Provence.

“Si on ne réagit pas rapidement, toutes ces institutions (FMI, Banque mondiale, ndlr) vont être dépassées”, a lancé l’ancien ministre argentin de l’Economie, Roberto Lavagna, en ouvrant ce rendez-vous annuel du Cercle des économistes, qui se tient jusqu’à dimanche.

Les méthodes “uniformes” des institutions de Washington, appliquées à des “situations différentes”, accroissent les inégalités, a déploré M. Lavagna devant un parterre de PDG et d’étudiants.

Ces institutions financières “ont déjà perdu de l’importance” et ne doivent pas “rester aux mains des bureaucrates”, a-t-il insisté.

Le chef économiste de la Banque mondiale (BM) François Bourguignon a lui aussi critiqué le “processus de nomination” des directeurs du Fonds monétaire international (FMI) et de la BM, qui “pose problème”.

Ces organismes traversent une crise de gouvernance, alors que l’ex-président de la BM Paul Wolfowitz a été poussé à la démission après un scandale de népotisme, et que l’ex-directeur général du FMI Rodrigo Rato vient de démissionner pour raisons personnelles au beau milieu d’une réforme clé.

Selon une règle non-écrite depuis la création des institutions en 1944, l’Europe désigne le dirigeant du FMI et les Etats-Unis celui de la Banque mondiale.

Cette pratique, de plus en plus décriée par les pays émergents, ne devrait pas être remise en cause de sitôt, puisqu’un Américain Robert Zoellick a remplacé M. Wolfowitz, ce qui laisse attendre la venue d’un Européen à la tête du FMI.

“On ne voit pas les pilotes qu’il y a dans l’avion où nous sommes” face aux enjeux climatiques, à la raréfaction des richesses naturelles et à “l’accroissement intolérable des inégalités entre Nord et Sud”, s’est désolé le patron du groupe bancaire franco-belge Dexia, Axel Miller, en dénonçant le “veau d’or du capitalisme”.

Philippe Mellier, président d’Alstom Transports, a fustigé la “financiarisation à outrance des économies”, tout en vantant la globalisation de son groupe, présent dans 70 pays.

Le directeur de la Caisse des dépôts, Augustin de Romanet, s’est même lancé dans un plaidoyer en faveur du “patriotisme économique”, prenant le contre-pied du prix Nobel d’économie Edmund Phelps qui a, lui, critiqué le “corporatisme” de l’Europe continentale.

A l’inverse, le patron de Total, Christophe de Margerie, s’en est pris au nationalisme énergétique de la Russie et du Venezuela.

Pour l’économiste Michel Aglietta, “l’inégalité est l’essence” du capitalisme, mais l’affaiblissement des institutions financières, combinée à une “pénétration fulgurante de la Chine en Afrique”, peut atténuer la “dépendance” des pays sous-développés aux pays occidentaux.

M. Phelps a suggéré de mesurer le progrès économique non plus par le Produit intérieur brut mais par “ce qui est nécessaire pour une vie heureuse”, comme la “richesse personnelle”.

Lionel Zinsou, de la Banque Rothschild, s’en est pris aux pays riches qui, au dernier G8-Finances, ont critiqué la mauvaise gouvernance des pays africains, en rappelant que “l’Afrique finance le reste du monde”.

L’économiste Patrick Artus a distingué trois formes de capitalisme: la montée en force des fonds d’investissements dans les pays anglo-saxons, la résistance d’un capitalisme familial en Europe et dans les pays émergents, et la puissance du capitalisme d’Etat en Chine et en Russie. “On ne sait pas qui va gagner”, a-t-il conclu.

 07/07/2007 12:14:59 – © 2007 AFP