L’Amérique tire-t-elle un trait sur son capitalisme familial?

 
 
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Sumner Redstone, le fondateur de Viacom, à Beverly Hills le 24 avril 2007 (Photo : Hector Mata)

[24/07/2007 07:36:31] NEW YORK (AFP) Quel est le point commun entre Dow Jones et Viacom-CBS? Ces deux poids-lourds des médias dirigés par les familles fondatrices pourraient rompre avec le lien familial, un choix déjà suivi par plusieurs groupes américains.

La famille Bancroft, qui contrôle le groupe Dow Jones, est aujourd’hui face à un dilemme: faut-il maintenir le groupe et ses publications prestigieuses dans le giron familial ou accepter l’offre de News Corporation –une autre entreprise familiale–, qui représente avec ses 5 milliards de dollars une plus-value de 65%?

De son côté, Sumner Redstone, le fondateur de Viacom aujourd’hui âgé de 84 ans, veut mettre sa fille Shari sur la touche alors qu’elle semblait devoir lui succéder au poste de PDG, préférant s’en remettre au choix des conseils d’administration des deux groupes, invoquant les règles de “bonne gouvernance”.

Le sort des deux groupes n’est pas encore scellé mais il illustre une tendance de fond aux Etats-Unis. Six opérations de ce type ont déjà eu lieu cette année, après de grosses transactions l’an dernier comme la vente des hôpitaux HCA à plusieurs fonds d’investissements pour 33 milliards de dollars.

Le phénomène touche divers secteurs, avec une forte proportion dans les médias: Knight Ridder, Tribune, Clear Channel, ou encore Cablevision. La majeure partie a été rachetée par des fonds d’investissements, le reste par des concurrents.

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Anthony Ridder, Pdg du groupe Knight Ridder, le 14 novembre 2005

S’agit-il d’une fin annoncée du capitalisme familial, qui a forgé des groupes emblématiques du monde américain des affaires sous la houlette des Rockefeller, Vanderbilt, Frick ou encore Ford?

Le processus est plutôt cyclique, selon Nell Minow, présidente du cabinet de conseil The Corporate Library, qui estime que les entreprises doivent être dirigées sur des critères de management plutôt que familiaux.

“Il y a le fondateur, puis les enfants prennent les rênes, puis nous arrivons à la génération suivante et les problèmes commencent. Cela arrive fréquemment, le rachat par une tierce partie est assez naturel, et c’est plutôt sain. Je ne pense pas que l’ADN soit le meilleur moyen de défendre l’intérêt d’une entreprise”, selon elle.

“Chez les Bancroft, plusieurs membres de la famille siègent au conseil d’administration, ce qui veut dire une variété d’intérêts”, déplore Mme Minow. Or, “dans une entreprise, la structure de direction est faite pour cela, pour prendre des décisions claires, comme celle de choisir le meilleur candidat pour diriger le groupe”.

Selon le magazine Family Business, à peine 30% des entreprises familiales passent la 2e génération, 10% survivent la 3e génération et seulement 4% la 4e.

Le constructeur automobile Ford, fondé en 1903 et qui a toujours un membre de la famille comme président du Conseil d’administration ou le groupe de presse New York Times, fondé en 1851 et dirigé par un descendant de la famille Sulzberger, sont “de vraies exceptions”, selon Mme Minow.

Mais le business familial a encore de beaux jours devant lui, selon ses défenseurs, car il incarne une certaine vision des affaires.

“C’est un mélange complexe d’ambitions pour le groupe, de valeurs et de relations familiales, d’objectifs à long-terme”, résume François de Visscher, co-président du cabinet de conseil Business Growth Alliance.

“C’est l’investissement patient d’une famille, qui injecte du capital sur plus d’une génération, cela va au-delà des dollars”, fait-il valoir, évoquant “la transmission d’un patrimoine familial intangible”, par contraste avec la recherche des profits maximum chez les fonds acheteurs.

Les groupes familiaux représentent aujourd’hui la moitié des 2.000 plus grosses entreprises américaines, selon certains analystes, dont plusieurs sont prospères.

C’est le cas du géant mondial de la distribution Wal-Mart et plus grosse entreprise américaine, avec 5 membres de la famille Walton figurant parmi les 30 premières fortunes mondiales.

 24/07/2007 07:36:31 – © 2007 AFP