Longtemps sevrée, la Russie se rue vers les services bancaires

 
 
SGE.FXO50.270707122640.photo00.quicklook.default-245x164.jpg
Une banque à Moscou, le 3 juillet 2007 (Photo : Pavel Zelensky)

[27/07/2007 12:26:58] MOSCOU (AFP) La Russie, où la culture du bas de laine a longtemps primé sur celle des services bancaires les plus élémentaires, comble aujourd’hui rapidement son retard et les banques russes et étrangères jouent des coudes sur ce marché promis à un avenir propère.

Services aux particuliers, opérations boursières, fusions-acquisitions, prêts aux entreprises affichent tous d’impressionnants taux de croissance, profitant d’un baromètre économique au beau fixe et d’une conjoncture saine et solide, de l’avis général, grâce à son adossement à des prix du pétrole en pleine fièvre.

“La hausse des salaires et de la mobilité sociale encourage la nouvelle classe moyenne à afficher son nouveau statut, ce qui provoque une course à l’amélioration des conditions de vie”, et se traduit à Moscou par une “demande effrénée pour presque tout, des voitures neuves aux téléphones, meubles, vêtements, voyages et loisirs”, se félicite la banque d’investissement Merrill Lynch dans une récente étude.

Des Russes de tous âges expérimentent leurs premières cartes bancaires, mais ils ne sont encore qu’un sur trois à en posséder une, et seulement 5% d’entre eux détiennent une carte de crédit.

La densité des distributeurs automatiques est d’ailleurs cinq fois plus faible qu’aux Etats-Unis et trois fois moindre qu’en Europe, selon une autre étude. Par ailleurs, “20 milliards de dollars dorment encore sous les matelas” russes, estime Merrill Lynch.

Quant aux crédits immobiliers, ils affichent une croissance “explosive” dans un pays où plus de la moitié des gens se disent insatisfaits de leur habitat, mais où seulement 1% des ménages a déjà eu recours à un emprunt immobilier, poursuit la banque américaine.

Ce “boom” de la banque de détail, flagrant depuis quelques temps déjà, se double désormais d’un décollage des services destinés aux entreprises russes, jusqu’ici largement négligés par les banques car “jugés trop risqués”, explique Natalia Orlova, analyste de la banque Alfa.

Moins de dix ans après la grave crise financière de 1998, les prêts aux entreprises restent encore modestes (40 milliards de dollars, soit la moitié à peine des crédits alloués aux particuliers), mais la tendance est bien là, estime-t-elle.

La Russie, partant de très loin, est encore loin d’avoir rattrapé son retard et demeure “sous-dotée” en services bancaires par rapport à ses voisins, estime toutefois Dmitri Dmitriev, analyste de la Deutsche UFG.

L’indicateur le plus révélateur à ce sujet est le ratio prêts/produit intérieur brut, qui n’atteint encore que 30% contre 48% pour l’Ukraine et 61% pour le Kazakhstan voisins, selon lui.

Cette tendance est largement vertueuse: le secteur bancaire et l’économie russe dans son ensemble vont continuer d’alimenter mutuellement leur croissance dans les années à venir, soulignent les experts.

Moscou peut peut-être même se rêver un avenir de place financière internationale, estime Eugène Tarzimanov, analyste de l’agence de notation Standard and Poor’s. “Cela prendra de cinq à dix ans. En Russie, c’est difficile de faire des prévisions à si long terme”. “Mais cela ne paraît pas impossible”, estime-t-il en dépit des faiblesses structurelles de l’économie, comme sa forte dépendance envers les matières premières.

Natalia Orlova estime de son côté que le marché financier russe manque encore de “maturité”, notamment en raison de la coexistence de deux bourses rivales, et de la réticence des hommes d’affaires russes envers les investissements de long terme, auxquels ils préfèrent les gains rapides.

 27/07/2007 12:26:58 – © 2007 AFP