Si rien n’est fait pour améliorer la compétitivité de son transport, la
Tunisie risque de perdre les substantiels dividendes qu’elle peut tirer de
deux avantages comparatifs majeurs.
Il y a d’abord sa vocation exportatrice. Les exportations représentent en
Tunisie 46% du PIB contre 20% au Maroc, 24% en Turquie et 39% en Allemagne.
Vient ensuite sa proximité de l’Europe, un grand marché ouvert de plus de
400 millions de riches consommateurs. La Tunisie est à une demi heure de son
voisin le plus proche de l’Union européenne, Malte, à une heure de Rome et à
deux heures de Paris.
Par ailleurs, ce marché est d’un enjeu stratégique pour la Tunisie dont 80%
des exportations lui sont destinées.
Conséquence : à défaut de «transport réactif» dans les temps, les
exportateurs tunisiens seront confrontés à une rude concurrence de nouveaux
pays membres de l’UE (produits manufacturés), de l’Espagne (pour les
produits agricoles), de la Chine (pour le textile, biens manufacturés).
Ce sont là globalement les principales conclusions d’une étude effectuée par
la Banque mondiale et présentée, à la mi-juillet à Tunis, par Michel Bellier,
spécial principal des transports auprès de cette institution internationale.
Selon l’étude, la pression est tellement forte sur la Tunisie d’autant plus
qu’elle s’apprête à relever prochainement un important défi : la mise en
place d’une zone de libre-échange euroméditerranéenne vers 2010 (dès 2008
pour les produits industriels), et son corollaire, l’ouverture des
frontières aux produits étrangers et la recrudescence de la concurrence.
Pour relever avec succès ce défi, la Banque mondiale recommande
l’amélioration des coûts à tous les stades de production. Pour elle,
l’intégration de produits vendus en Europe relève d’une optimisation entre
les coûts logistiques et les coûts des autres facteurs qui peuvent être plus
élevés qu’en Asie à titre indicatif. En Tunisie, les coûts logistiques
représentent 50% de la valeur ajoutée locale (20 à 30%). D’où l’impératif
d’optimiser la performance de la logistique.
Celle-ci consiste à satisfaire des demandes ou des commandes qui portent sur
la gestion des matières (transport, emballage, stockage…) et des flux
d’informations associées («Tracking», voire suivi ou capacité de suivre en
temps réel son chargement expédition, respect des délais, notion de
traçabilité …).
Et pour ne rien oublier, le coût logistique est en moyenne trois fois
supérieur aux tarifs douaniers. Il s’agit là d’un important gisement
d’efficacité à exploiter.
Dans la mise en œuvre de cette logistique, la composante transport est
appelée à jouer un rôle déterminant à travers une grande réactivité sur
l’amont et sur l’aval.
Actuellement, le poids des Transports dans le PIB est encore relativement
faible (5,8%) contre 14% pour la France et 6% pour le Maroc. L’étude, qui
explique cette insuffisance par le faible développement des services liés au
transport, relève en même temps le dynamisme de ce secteur qui croît au taux
de 6,5% du PNB.
Par mode, le transport aérien est qualifié de «marginal». Il n’assure que
0,1% du commerce tunisien en tonnage. Le transport maritime, secteur clé
pour la logistique (98% des échanges de Tunisie sont assurés par voie
maritime), est jugé peu performant.
Son rendement est inférieur aux meilleurs pays exportateurs. La durée de
séjour dans les ports tunisiens est en moyenne de 10 jours alors qu’elle est
de 1,88 jour (imports) et 3,78 jours (exports) dans les ports indiens.
Le transport routier accueille 86% du trafic interne de marchandises (en
augmentation de 8%). Secteur «atomisé», selon l’étude. Le transport
international est dominé par les entreprises étrangères (seulement 15
opérateurs tunisiens).
Sur la base de ce diagnostic, l’étude prescrit une stratégie comportant six
priorités. Il s’agit de réduire les coûts à l’import et à l’export, de
maîtriser les délais (notamment aux frontières et dans les opérations
multimodales), d’optimiser les chaînes logistiques amont/aval et jouer sur
la flexibilité au travers l’accès à des régimes économiques douaniers
modernes, d’améliorer la disponibilité, la qualité et la flexibilité des
services logistiques et d’inciter à la création de sociétés de services
logistiques.
Quant aux domaines d’action du gouvernement, l’étude suggère la
réglementations des services privés liés au transport, la mise en œuvre de
procédures aux frontières et dans les zones à régime spécial, l’amélioration
des services du transport, l’accélération de la réalisation des
infrastructures de transport clés, réduction des coûts des importations.
Inutile de rappeler ici que la prise de conscience des pouvoirs publics de
l’ensemble de ces problèmes est très élevée. Tout récemment, le Premier
ministre a annoncé la création de deux centres de logistique, l’un au port
commercial de Radés et l’autre à Enfidha. Le problème demeure le rythme de
réalisation. Car par delà cette simple prise de conscience, les projets de
transport, à l’exception de l’aéroport Enfidha, sont encore au stade des
maquettes.
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