Pétrole et mines : les revenus du Gabon un peu plus transparents

 
 
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Les installations de Shell-Gabon à Rabi, dans le nors-ouest du pays en juin 2003 (Photo : Désirey Minkoh)

[21/08/2007 07:50:39] LIBREVILLE (AFP) La récente publication par le Gabon de ses revenus pétroliers et miniers 2005 marque un réel progrès dans des secteurs réputés pour leur opacité, relèvent des ONG locales qui estiment toutefois que beaucoup reste à faire en matière de transparence.

Dans le cadre de l’Initiative pour la transparence des industries extractives (EITI), le Gabon a récemment publié son rapport 2005, le deuxième depuis son adhésion à l’EITI en 2004. Celui-ci recense les revenus déclarés reçus par l’Etat en 2005 et ceux déclarés versés par les compagnies opérant dans le pays, puis pointe les écarts.

Des écarts parfois de plusieurs millions de dollars, analysés différemment par l’expert indépendant qui a validé le rapport et pas les ONG locales. Le premier n’y a détecté “aucune anomalie significative”, les secondes y ont vu de “sérieuses disproportions” non expliquées.

Les raisons de ces écarts se trouvent notamment dans les différences dans les périodes comptables prises en compte et par des effets de change, explique le président du groupe d’intérêt EITI-Gabon, Fidèle Ntissi.

De plus, explique l’expert indépendant d’Ernst and Young, Anton Mélard de Feuardent, “les écarts restent, selon nos normes comptables, relativement acceptables (…) c’est l’absence d’écart qui serait suspect”.

“Un écart zéro est effectivement suspect”, admet Marc Ona Essangui, membre de la branche gabonaise de la coalition Publiez ce que vous payez (PCQVP), qui milite pour la transparence des ressources pétrolières et minières, et qui représente la société civile au sein du groupe d’intérêt.

Mais, avec d’autres ONG, il pointe néanmoins le manque de précision des données publiées.

Ces ONG regrettent notamment que n’apparaissent que les seuls montants tirés de la vente du “profit oil” (part de la production de brut qui revient à l’Etat) et non les quantités vendues par le “trader” qui détient l’exclusivité de sa commercialisation, la société Petrolin, fondée et dirigée par un ancien conseiller pétrole du président gabonais Omar Bongo Ondimba.

“Le rapport ne nous donne que le montant reçu et pas la quantité qui nous permettrait de calculer si le pétrole est vendu au juste prix”, remarque Marc Ona Essangui.

“Ce que l’on suspecte, c’est que Petrolin vende le brut gabonais à des sociétés écrans à des prix inférieurs à ceux du marché, à charge pour ces dernières, aux mains de hauts responsables gabonais, de revendre le brut au prix du marché. Et donc de gagner beaucoup d’argent au détriment de l’Etat”, explique-t-il sans étayer ses soupçons.

Fidèle Ntissi l’admet: le rapport peut être amélioré. “Dans les prochains, nous chercherons à aller plus dans les détails”, promet-il, tout en rappelant que l’Initiative est récente et que le Gabon est le seul pays d’Afrique centrale à avoir déjà publié deux rapports.

Mais “le vrai problème n’est pas ce qui est déclaré et officiel, c’est ce qui se passe en dessous”, souligne Marc Ona Essangui qui dénonce les clauses de confidentialité des contrats pétroliers, “freins à la transparence” car certaines “encouragent la corruption ou la mauvaise gouvernance”.

Possible, selon l’expert indépendant, mais “la notion de confidentialité est indispensable pour laisser aux Etats des marges de manoeuvre dans leurs négociations”, plaide-t-il.

Les ONG l’admettent, “la publication du rapport 2005 est un réel progrès”, notamment par rapport au précédent, mais l’EITI conserve ses limites. D’abord, son caractère déclaratif est volontaire, et l’absence de pouvoir coercitif lui confèrent une portée limitée.

Surtout, elle n’exerce aucun contrôle de l’utilisation de ces recettes. “Le Gabon produit peut-être le meilleur rapport qui soit, avec les chiffres les plus transparents qui soient. Mais où est cet argent?”, s’interroge Marc Ona Essangui.

 21/08/2007 07:50:39 – © 2007 AFP