[22/08/2007 13:54:22] REIMS (AFP) Victimes de leur succès époustouflant, les maisons de champagne craignent que le manque de raisin ne vienne brider leur croissance, à l’heure de la vendange 2007 dont le lancement, prévu jeudi, devrait être retardé en raison du mauvais temps. Moët et Chandon (LVMH), Lanson, Pommery et tous les leaders du marché volent de record en record, avec 328 millions de bouteilles vendues entre juillet 2006 et juin 2007 (soit +3,4% sur un an) pour un chiffre d’affaires de 4,12 milliards d’euros (en 2006). Les exportations hors Union européenne (+8%) affichent une santé excellente, avec de belles perspectives: le champagne peut encore couler à flot dans les “Bric” (Brésil, Russie, Inde et Chine), qui n’importent jusqu’ici que très peu de bouteilles. Mais “il n’y a de champagne qu’en Champagne”. Et les 33.500 hectares de l’appelation, dans les département de la Marne, de l’Aube et de l’Aisne principalement, sont déjà tous plantés de pinot noir, meunier et chardonnay. Une extension des limites de la zone (certaines communes de l’Aube et de l’Aisne trépignent aux portes de l’Eldorado!) est à l’étude. “Une aire définitive sera proposée et homologuée par décret”, indiquait en janvier à l’Assemblée nationale le ministre de l’Agriculture de l’époque, Dominique Bussereau, sans préciser de date. Le rendement à l’hectare est aussi plafonné annuellement (12.400 kg pour la vendange 2007, plus le déblocage de vins mis en réserve). Bref, le raisin en Champagne peut manquer, alors que les grandes maisons l’achètent déjà très cher (entre 4,50 et cinq euros le kg). Le président du Syndicat général des vignerons (SGV), Patrick Le Brun, s’est voulu rassurant avant la vendange 2007: “Nous allons mettre dans nos caves l’équivalent de 400 millions de bouteilles”. Il a par ailleurs assuré que “les paramètres d’un excellent millésime étaient là”, “avec un degré minimum d’alcool confortable et une belle acidité”. Il reste que cette tension sur la matière première met en péril le “modèle social” champenois, fondé sur le partage de richesse entre deux partenaires condamnés à s’entendre: les 15.000 vignerons, qui fournissent l’essentiel des raisins, et les 284 maisons, qui assurent la vente d’environ 75% des bouteilles. Avant la vendange, le président de Moët et Chandon, Frédéric Cumenal, a regretté dans les Echos de devoir se contenter d’une croissance à un chiffre “alors qu’elle pourrait être à deux chiffres”. Il a laissé entendre que les vignerons retenaient l’équivalent de 100 millions de bouteilles. Cette déclaration est un “signal fort”, analyse l’économiste Nathalie Viet, spécialiste des filières viticoles au sein de son cabinet Equonoxe. Selon elle, Moët et Chandon, voire d’autres maisons, “s’autocensuraient depuis des années” pour respecter leur consensus avec les vignerons. “Mais cela devient contraire à leur logique d’entreprise appartenant à un groupe coté en Bourse avec des actionnaires”. “Nous ne pouvons pas assurer une progression de 10% à la maison Moët”, a répondu le patron des vignerons, Patrick Le Brun, en misant sur les accords “interpro” pour assurer l’avenir de la région. Il aurait pu aussi citer frère Pierre, élève et successeur de Dom Pérignon, considéré comme le père du champagne au XVIIe siècle: “Il faut mépriser la quantité qui ne fait que du vin très commun et viser toujours la qualité, qui fait plus d’honneur et de profit”. |
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