Pétrole cher et euro fort : un cocktail perdant pour l’Europe

 
 
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Le siège de la Banque centrale européenne à Francfort le 6 juin 2007 (Photo : Martin Oeser)

[13/09/2007 08:15:19] BRUXELLES (AFP) L’économie européenne, qui croyait avoir retrouvé le chemin de la croissance forte, voit déjà l’horizon s’obscurcir avec les nouveaux records de l’euro, le prix de pétrole à des niveaux vertigineux et l’impact de la correction sur les marchés financiers mondiaux.

Mercredi, le baril d’or noir a pour la première fois dépassé le seuil des 80 dollars à New York, qui paraissait inconcevable au début de la décennie. Son prix a triplé en l’espace de seulement quatre ans.

La monnaie unique, lancée en 1999 à quelque 1,17 dollar, a parallèlement dépassé pour la première fois la barre des 1,39 dollar, du fait de la santé chancelante de l’économie américaine après la crise hypothécaire et bancaire de l’été.

Jusqu’à un certain point, l’appréciation de la monnaie unique permet paradoxalement d’amortir le choc de la flambée des coûts énergétiques en zone euro.

“Les effets de la hausse du pétrole sont partiellement compensés par l’appréciation de l’euro, puisque l’on achète nos matières premières en dollars”, souligne Nicolas Bouzou, économiste du cabinet Astérès.

Mais cette protection reste “très partielle”, tempère-t-il, et la tendance générale des tarifs de l’énergie depuis plusieurs années reste très nettement orientée à la hausse.

Surtout, les exportateurs européens sont de plus en plus pénalisés car leurs produits se vendent moins bien que ceux venus de la zone dollar sur les marchés mondiaux.

La France, davantage touchée que l’Allemagne car moins compétitive, tire la sonnette d’alarme depuis plusieurs mois.

Cela “pose problème pour le commerce extérieur (…) pèse sur les déficits, pèse sur la croissance”, a déclaré le ministre français du Budget Eric Woerth. Une mauvaise nouvelle pour Nicolas Sarkozy qui escomptait un “choc de confiance” dans le pays après son élection pour relancer l’économie.

La Commission européenne a abaissé cette semaine de 2,4% à 1,9% sa prévision de croissance 2007 pour la France, alors qu’elle ne l’a que marginalement rectifiée pour l’ensemble des treize pays de la zone euro, de 2,6% à 2,5%, après 2,7% en 2006.

Même en Allemagne, championne mondiale des exportations grâce à la vigueur retrouvée de son industrie restructurée, l’inquiétude grandit.

Un des principaux conseillers économiques du gouvernement, Peter Bofinger, appelle les pays européens à intervenir sur les marchés des changes pour stopper l’envolée de l’euro, dans le Berliner Zeitung paru jeudi.

“Le gouvernement allemand devrait soutenir le président français Nicolas Sarkozy, qui s’est déjà exprimé en faveur d’interventions”, dit-il. “Dans cette situation, tout ce qui est un inconvénient pour les exportations constitue un problème (pour l’Allemagne, ndlr), et un euro qui continue de monter en fait partie”.

Euro fort et pétrole cher, s’ajoutant au contrecoup de la crise financière de l’été, devraient figurer en bonne place dans les discussions qu’auront les ministres européens de l’Economie vendredi et samedi à Porto.

Avec une inquiétude en tête: la reprise économique en Europe risque-t-elle de s’achever avant d’avoir vraiment commencé?

“On pouvait supporter une appréciation de l’euro tant qu’on était assis sur une croissance de la demande internationale très vigoureuse”, souligne Véronique Riches Flores, économiste de la Société générale. “Dès lors qu’on a ralentissement de la demande et appréciation du taux de change, c’est la pire des configurations”.

Dans le quotidien belge L’Echo, Guy Quaden, gouverneur de la Banque nationale belge, estime que la croissance des pays émergents, Chine en tête, pourrait bien constituer la “meilleure chance” de l’économie européenne, “un paradoxe pour des pays perçus jusqu’à peu comme une menace pour nos emplois”.

 13/09/2007 08:15:19 – © 2007 AFP