La Banque mondiale, en partenariat avec les Nations unies, lance une
nouvelle initiative en vue d’aider les pays en développement à recouvrer
plusieurs milliards de dollars en avoirs volés. Selon l’initiative lancée
aujourd’hui, le produit tiré d‘activités illégales comme la corruption, les
activités criminelles telles que le trafic de drogue, la contrefaçon de
marchandises, le blanchiment d’argent, le trafic d’arme et la fraude fiscale
représenterait entre 1.000 et 1.600 milliards de dollars par an.
À l’occasion du lancement de l’initiative, le Secrétaire général des Nations
unies, Ban Ki-moon, le président de la Banque mondiale, Robert B. Zoellick
et le directeur exécutif de l’Office des Nations unies contre la drogue et
le crime (ONUDC), Antonio Maria Costa, ont souligné la nécessité d’un
partenariat international pour permettre la restitution des avoirs volés Ã
leurs propriétaires légitimes. «Cette initiative encouragera l’indispensable
coopération qui doit s’instaurer entre pays développés et en développement,
affirme M. Zoellick. Les pays en développement doivent améliorer leur
gouvernance et leur responsabilité, mais de leur côté, les pays développés
doivent cesser d’offrir un refuge à ceux qui volent les pauvres».
Les dirigeants corrompus des pays pauvres détournent chaque année jusqu’à 40
milliards de dollars, et mettent ces avoirs volés en sûreté dans des pays
étrangers. Une fois sortis du pays, ces fonds sont extrêmement difficiles Ã
récupérer, comme l’ont découvert des pays comme le Nigeria et les
Philippines. Le Nigeria a passé cinq ans à essayer de rapatrier un
demi-milliard de dollars volé, mis à l’abri dans des banques suisses. Mais
ces cinq années sont peu comparées aux 18 années nécessaires aux Philippines
pour recouvrer 624 millions de dollars volés par l’ancien président,
Ferdinand Marcos.
Le nouveau document publié par la Banque mondiale et les Nations unies sous
le titre Stolen Asset Recovery (StAR) Initiative: Challenges, Opportunities,
and Action Plan (Recouvrement des avoirs volés : défis, opportunités et
plans d’action) appelle tous les pays à œuvrer de concert pour recouvrer les
fonds volés des pays en développement et pour mettre fin au vol de ces
avoirs.
Un effet dévastateur
Selon un rapport publié par la Banque mondiale et l’ONUDC, le coût financier
des avoirs volés est élevé, mais l’impact réel de la «kleptocratie» est
beaucoup plus profond. La corruption pratiquée par les dirigeants d’un pays
dégrade les institutions publiques, particulièrement celles qui sont
impliquées dans la gestion des finances publiques et la gouvernance du
secteur financier. Selon ce même rapport, elle affaiblit, voire détruit le
climat de l’investissement privé et entrave la performance des services de
santé et d’éducation, ce qui nuit principalement aux populations pauvres.
«L’impact sur le développement de la corruption à grande échelle est
dévastateur», explique M. Zoellick. «La circulation illégale de fonds est
énorme, alors que ces fonds devraient être employés à combattre la
pauvreté», ajoute le vice-président de la Banque mondiale pour la réduction
de la pauvreté et la gestion économique, Danny Leipziger.
Selon ce même rapport, chaque opportunité de recouvrir 100 millions de
dollars permettrait de financer un programme complet de vaccination pour 4
millions d’enfants, de fournir de l’eau courante à quelque 250.000 ménages,
ou de financer le traitement pendant une année complète de plus de 600.000
personnes vivant avec le VIH/SIDA. «Aucun refuge ne devrait exister pour
ceux qui volent les pauvres, affirme M. Zoellick. Aider les pays en
développement à recouvrer l’argent qui leur a été volé est essentiel pour
pouvoir financer des programmes sociaux et pour prévenir les dirigeants
corrompus qu’ils n’échapperont pas à la loi». Les pays du G-8 et de l’OCDE
doivent montrer l’exemple.
Selon l’ex-ministre des Finances du Nigeria, Ngozi Okonjo-Iweala,
aujourd’hui membre de la Brookings Institution à Washington, l’aide apportée
aux pays pour rapatrier leurs fonds était jusqu’à présent bilatérale et
n’était pas soutenue par l’initiative StAR. Par conséquent, selon elle, les
pays en développement ont dû surmonter bon nombre d’obstacles pour tenter de
récupérer leurs avoirs. Plusieurs pays receveurs de fonds volés n’avaient
aucune structure juridique établie pour les rendre aux pays d’origine. De
nombreux pays peuvent geler des fonds, mais pas les rendre. «Ainsi, si un
pays en développement découvre de l’argent, la somme en question pourrait
bien rester sur place et ne jamais quitter le pays», ajoute le Dr
Okonjo-Iweala, collaboratrice du rapport StAR et membre de Friends of StAR,
un groupe spécial composé de personnalités influentes de pays développés et
de pays en développement, formé pour suivre les progrès et guider
l’initiative.
Pour remédier à cette situation, l’initiative StAR appelle tous les pays de
l’OCDE et du G-8 à ratifier la Convention des Nations unies contre la
corruption (CNUCC) et à soutenir activement les efforts des pays en
développement pour que leurs avoirs volés y soient rapatriés. Cette
convention, entrée en vigueur en décembre 2005, constitue le premier accord
mondial anticorruption ayant force obligatoire. Elle propose une structure
permettant la récupération des avoirs, notamment en offrant des moyens
d’éviter le blanchiment d’argent et de recouvrer les fonds détournés par des
pratiques corrompues. Au mois de juin 2007, seule la moitié des pays de l’OCEDE
et du G-8 avait ratifié cette convention.
Par ailleurs, l’initiative StAR recommande des programmes du Fonds aux pays
développés ou offre une assistance technique directe aux pays en
développement afin de renforcer la capacité du système de justice pénale
-par exemple, l’application de la loi, les poursuites et l’autorité
judiciair – pour empêcher efficacement le vol d’avoirs et recouvrer le
produit tiré d’activités criminelles conformément aux normes juridiques
acceptées dans le monde entier. Les pays riches doivent également faire
pression sur les pays à marché émergent qui servent de refuge aux avoirs
volés, pour que ceux-ci ratifient et mettent en œuvre la Convention CNUCC.
L’initiative StAR propose plusieurs actions concrètes, notamment :
– le développement de la capacité à répondre à et déposer des demandes
d’assistance juridiques mutuelles internationales ;
– l’adoption et la mise en Å“uvre de mesures de confiscation efficaces, y
compris la législation relative à la confiscation civile ;
– l’amélioration de la transparence et de la responsabilité des systèmes de
gestion financière publique ;
– la création et le renforcement des agences nationales anticorruption ;
– une assistance pour contrôler les fonds recouvrés en fonction de la
demande des pays.
Les organismes de réglementation du système financier doivent imposer des
pénalités aux institutions financières qui font des affaires avec des
individus corrompus et des personnalités politiques sans diligence
raisonnable, et doivent établir des directives claires concernant leur
traitement. Elles doivent également renforcer les régimes contre le
blanchiment d’argent en mettant en œuvre des réglementations imposant une
bonne connaissance du client et en agissant avec prudence face aux personnes
exposées à la politique. Le secteur privé non financier et les organisations
non gouvernementales peuvent former des unités spécialisées dans le
recouvrement des avoirs, basées dans les pays en développement, et faire
participer la société civile et les médias au contrôle de l’utilisation des
avoirs récupérés.
Dans le cadre de l’initiative StAR, la Banque mondiale et l’ONUDC peuvent
aider les pays à préparer les demandes souvent compliquées et coûteuses
permettant de recouvrer les avoirs volés. La Banque et l’ONU peuvent
également conseiller les pays en développement cherchant à récupérer des
avoirs et vérifier que les pays receveurs des fonds volés respectent la
Convention contre la corruption de l’ONU.
La présidente de Transparency International (TI), Huguette Labelle, a
participé au lancement de l’Initiative pour le recouvrement des avoirs volés
(StAR), et dans un communiqué récent, TI décrit StAR comme «un élément
important de la lutte globale de la Banque contre la corruption» et «un
avertissement pour les kleptocrates et tous les complices du vol d’avoirs».
(Source : Banque Mondiale)
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