40
ans !… C’est l’âge de l’ASM (Association de Sauvegarde de la Médina),
celle qui, en 1967, a pris en mains la destinée d’un patrimoine urbain
plutôt rescapé pour avoir maintes fois échappé au bulldozer au prétexte
d’opérations de rénovation. Néanmoins, la Médina n’a pas échappé au flux
d’une émigration rurale peu adaptée à la ville, ce qui lui a valu une
dégradation progressive, certaine et tous azimuts. D’où, à l’époque,
l’impératif d’un instrument suffisamment doté pour entreprendre la
sauvegarde et la mise en valeur de la Médina de Tunis.
Quel bilan peut-on faire aujourd’hui de cette action menée depuis quatre
décades, et que prévoit l’étape suivante ? Voici la Médina d’hier à demain.
Petite page d’Histoire
Mémoire vivante des civilisations et dynasties qui s’y sont succédé, telle
la dynastie hafside (1229-1574) qui fit dresser la Mosquée d’El Qasbah et
acheva la construction de la Mosquée Zitouna, la Médina de Tunis fut fondée
à la fin du 7ème siècle -698) et formée autour de la Mosquée Zitouna bâtie
au début du 7ème siècle et dont le minaret fut remplacé en 1894 par un autre
dans un style hispano-mauresque. Par opposition à la ville européenne qui
abrite le Théâtre municipal, le Lycée Carnot, le casino municipal, mais
aussi des lieux de culte tels la cathédrale de Tunis (1897), l’église
orthodoxe (1901) et l’église Saint Joseph (1913, la Médina de Tunis, l’une
des plus belles de l’islam, a conservé son plan depuis le 15ème siècle,
échappant ainsi aux démolitions et aux projets de percée de grands axes
urbains qui ont dévasté de nombreuses villes historiques du Moyen-Orient.
D’une superficie de 270 ha (seule, la Qasbah, en compte 29), elle est
composée d’une médina centrale et de deux faubourgs nord (ou Bab Souika) et
sud (ou Bab Dzira), avec une enceinte tout autour (tranchant ainsi avec la
ville européenne). Elle comprend plusieurs portes (bab) dont Bab Souika, Bab
Dzira, Bab Mnara, Bab Saâdoun et Bab B’har, porte principale qui donnait sur
l’ancien port de Tunis.
Malgré la destruction de l’enceinte de la Médina en 1872, certaines portes
subsistent à ce jour, tandis que d’autres ont disparu. Cité méditerranéenne
très imprégnée de la culture proche-orientale, la Médina doit son prestige à
ses centaines de monuments (98 sont classés historiques depuis 1912) qui
sont d’une grande valeur architecturale. Avec ses médersas (El Mouradyya, El
Achouryya, El Slimanyya…), ses mosquées (Zitouna, Qasbah, Saheb Ettabaâ…),
ses palais (Khéireddine, Saheb Ettabaâ…), ses maisons (Dar Ben Abdallah, Dar
Lasram qui abrite aujourd’hui le siège de l’ASM), les cénotaphes de ses
saints marabouts (Sidi Mehrez, Sidi Brahim Riahi, Sidi Chérif, Sidi
Abdelkader…) et autres maisons devenues hauts lieux de culture (Club Tahar
Haddad, Bir Lahjar…), la Médina reste, grâce à la beauté de son architecture
arabo-andalouse et à son revêtement mural en faïence très ancienne, un haut
lieu du patrimoine arabo-musulman. Aussi, étant donné son impact sur le
développement de l’architecture et des arts décoratifs dans toute la partie
orientale du Maghreb et sa richesse monumentale (670 monuments, entre
mosquées, médersas, zaouias, palais et demeures), la Médina de Tunis a été
classée au patrimoine mondial de l’Unesco en 1979.
Naissance de l’ASM
La création en 1967 de l’ASM à l’initiative de la Municipalité de Tunis a
ouvert le dossier d’une longue réflexion sur l’avenir de la Médina. En fait,
tous les projets qui allaient s’ensuivre reposaient sur deux axes essentiels
: la sauvegarde du patrimoine monumental, et la sauvegarde du patrimoine
immobilier et social. Pour ce, l’ASM a été dotée d’un bureau d’études
multidisciplinaire avec notamment un atelier d’urbanisme et d’architecture.
Mieux : les premières études menées sur les plans architectural,
urbanistique et socio-économique ont constitué une banque de données utiles
à la définition de toute action de sauvegarde. Aujourd’hui, Tunis est
pratiquement la seule médina dans le monde arabe à détenir une base de
données.
Le premier axe avait pour objectif le développement d’un tourisme culturel,
une option économique fondamentale prise par l’Etat. Aussi, de nombreux
monuments ont-ils été restaurés ces dernières années. Les restaurations ont
touché les monuments religieux (mosquées, zaouias…), les anciennes écoles
coraniques (ou médersas) et quelques demeures, le tout selon des programmes
de réaffectation (sièges d’associations, équipements socioculturels, centres
de formation).
Le deuxième axe avait pour objectif le développement socio-économique d’une
Médina vivante et pourvue d’un rôle social dans l’habitat et l’artisanat.
Dans ce sens, des investissements importants ont été engagés pour les
infrastructures, les équipements et l’habitat : le projet Hafsia financé en
partie par la Banque mondiale dans le cadre du 3ème projet urbain, le projet
de la Qasbah avec parking en sous-sol, et le projet d’assainissement des
oukalas avec le concours du FADES (Fonds arabe de développement économique
et social).
Le projet Hafsia
Le projet de restructuration du quartier Hafsia a permis de venir à bout du
phénomène de dégradation apparu dès le début du 20ème siècle, et est parvenu
à améliorer l’infrastructure du quartier. Surtout, il a remplacé ou
réhabilité nombre de ses habitations en ruines. A la faveur d’un fonds
spécial et d’une ligne de crédits de la Banque mondiale, plus de deux cents
crédits ont été consentis à des propriétaires invités à réhabiliter leurs
logements avec le suivi de l’ASM, des crédits remboursables sur quinze ans
et à 5 % d’intérêt.
Le projet Oukalas
Présentant des problèmes d’insalubrité, de promiscuité et d’entassement de
la population, le projet Oukalas, qui a démarré en 1990, avait pour buts :
le sauvetage des ménages locataires des risques d’effondrement, et le
sauvetage d’un patrimoine immobilier de valeur universelle. L’on a dénombré
plus de 2000 ménages évacués de 300 oukalas et relogés par étapes par la
Municipalité dans des cités périphériques aménagées à cet effet, et dans
presque 400 logements reconstruits dans la Médina. Ceci a donné l’idée de
réhabilitation de l’habitat ancien en général. D’où l’amélioration du cadre
de vie de 3 000 ménages relogés en dehors de la Médina pour 40 dinars le
mois sur 25 ans sans intérêt, grâce à la ligne de crédit FADES (Fonds arabe
de développement économique et social) d’un montant de 15 millions de
dollars. Actuellement, d’autres crédits remboursables sur 15 ans et à un
taux d’intérêt de 5 % sont consentis et ont déjà permis le retour d’au moins
600 propriétaires dans la Médina (réhabilitation ou achat de petits
logements à réhabiliter).
Investissements privés dans la Médina
Voici les opérateurs privés ayant investi dans la Médina : restaurant Dar El
jeld à la rue Dar El jeld ; Diwan Dar El Jeld à la rue dar El jeld ;
restaurant Hammouda Pacha à la rue Sidi Ben Arous ; restaurant Dar El Khir à
la rue Dar El jeld ; hôtel de charme Dar El Médina à la rue Sidi Ben Arous ;
restaurant Essaraya à la rue Ben Mahmoud ; restaurant Dar Belhadj à la rue
des Tamis ; galerie Bouderbala à la rue Dar El Jeld ; centre culture à Dar
Ben Abdallah.
Projets en cours : Dar El Jedoud, bouevard Bab Bnet ; Dar Bel Amine :
restaurant à la rue Bir Lahjar ; pension de famille à la rue Chelbi ; hôtel
à la rue Dar El Jeld ; hôtel Dar Cheikh El Médina à la rue Sidi Ben Arous ;
Dar Choukha : hôtel à la rue Dar El jeld.
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