40 ans !… C’est l’âge de l’ASM (Association de Sauvegarde de la
Médina), celle qui, en 1967, a pris en mains la destinée d’un patrimoine
urbain plutôt rescapé pour avoir maintes fois échappé au bulldozer au
prétexte d’opérations de rénovation. Néanmoins, la Médina n’a pas échappé au
flux d’une émigration rurale peu adaptée à la ville, ce qui lui a valu une
dégradation progressive, certaine et tous azimuts. D’où, à l’époque,
l’impératif d’un instrument suffisamment doté pour entreprendre la
sauvegarde et la mise en valeur de la Médina de Tunis.
Quel bilan peut-on faire aujourd’hui de cette action menée depuis quatre
décades, et que prévoit l’étape suivante ? Voici la Médina d’hier à demain.
Les réalisations de l’ASM
Les activités incombant à l’ASM dans la Médina sont la restructuration des
zones dégradées, la réhabilitation des logements sociaux, la restauration de
demeures d’intérêt historique et architectural, l’expertise et le conseil
sur le bâti, le conseil de la municipalité pour les permis de construire, et
l’assistance aux autres associations de sauvegarde des médinas tunisiennes.
Les projets réalisés par l’Association sont les suivants :
* 1967-1980 : radiographie et diagnostic de la Médina de Tunis : études
urbaines, architecturales et socio-économiques, population, relevés
graphiques de toute la Médina et de ses monuments les plus importants, les
photographies et les dossiers de classement.
* 1980-1990 : projets de restructuration urbaine : études et réalisation du
projet de restructuration du quartier de la Hafsia avec le concours de la
Banque mondiale (prix Agha Khan d’architecture islamique en 1955).
* 1990 à ce jour : projet Oukalas (1er, 2ème et 3ème tranches),
assainissement de l’habitat collectif sur-densifié ; restauration de
mosquées et de mausolées dans la Médina.
* 1994-1998 : élaboration du plan de sauvegarde de la Médina avec
constitution d’une banque de données informatisées.
* 1995-1998 : restauration des arcs-boutants et des passages couverts.
* 1998-2000 : restauration et création du Musée de la ville au palais
Kheireddine.
* 1999-2001 : élaboration du plan d’embellissement de l’hypercentre de
Tunis.
* 2000-2002 : restauration dans la Médina de l’église Sainte-Croix et son
couvent et leur reconversion en Centre méditerranéen des arts appliqués.
* 2001-2003 : restauration du Théâtre municipal dans la ville européenne.
2002-2004 : restauration du marché central.
La prochaine étape
Dans sas « Stratégie pour une renaissance de la Médina à l’aube du 21ème
siècle », l’ASM a élaboré, entre autres, un plan de travail sur trois
niveaux : l’esthétique urbaine, la promotion culturelle, et la promotion du
tourisme culturel.
Au premier niveau, on retient, pour l’essentiel, l’appel au lancement de
l’opération de réhabilitation des 400 sabbats dont le coût s’élève à 3 500
MD, sachant qu’une tranche de 54 sabbats est en cours de restauration par
l’ASM avec un financement FNAH ; la réfection et la réhabilitation des pavés
en pierre, de la Médina, caractérisant ses rues piétonnes ; l’embellissement
et l’aménagement des places stratégiques de la Médina, comme la place du
Gouvernement, la place de la Victoire, la place Bab Souika et la place
Halfaouine (revêtement du sol), la place du Château, etc.
Au niveau de la promotion culturelle, il est souhaité l’encouragement de
l’initiative privée à l’investissement dans le patrimoine par des
incitations fiscales et l’instauration d’aides de subvention et de crédits;
l’encouragement du mécénat ; le renforcement des pôles culturels existants
ou à créer, tels Dar Asfouri du côté de Torbet El Bey pouvant convenir à un
espace d’animation culturelle, le Fondouk des Français, situé dans un
endroit stratégique et pouvant abriter des événements cultuels importants de
la ville (mois de la photo, ateliers pour artistes…) ; et le Conservatoire
de la musique de la rue des Glacières qui pourrait retrouver son activité
d’antan après restauration.
Au niveau de la promotion du tourisme culturel, il est proposé le
développement de : l’ensemble architectural de Dar Cheikh El Médina mitoyen
avec Dar Chahed, de Dar jeld et le Diwan ; l’ensemble architectural de Dar
Haddad avec le Fondouk, Dar Sfar et Essraya; et l’ensemble architectrural
de dar Laâjimi sis à la rue Sidi Zahmoul. Ce sont là des pôles et de beaux
espaces pouvant inspirer des circuits de visite vers ces monuments restaurés
et réaffectés à des fonctions diverses. On cite également le projet de
parcours progressant de la Mosquée Zitouna, en passant par la rue Sidi Ben
Arous, rue El Pacha, El Hafsia, et jusqu’au mausolée Sidi Brahim Riahi, axe
appelé à être embelli sur les façades et le revêtement du sol ; c’est un
circuit lumière destiné à la mise en valeur des éléments d’architecture. Le
projet a eu l’accord des autorités.
Il importe de mentionner la promotion économique dans la Médina. Les
propositions touchent les souks traditionnels et l’ensemble de l’espace
économique. Pour ce qui concerne les souks, il est suggéré : la couverture
des 16 souks autour de la grande mosquée (9 sont déjà réhabilités par la
Municipalité de Tunis) ; la réhabilitation de tous les souks de la Médina
qui sont au nombre de 38 dont 25 couverts ; la création de points de vente
de l’ONAT et un musée de l’artisanat à l’intérieur des souks pour le
rapprocher de son milieu naturel ; la création de centres de formation
artisanale dans des anciennes médersas comme la Chammayia et la Mouradyya.
Qui est Sémia Akrout Yaïche ?
Auteur, entre autres publications, de la « Stratégie pour une renaissance de
la Médina à l’aube du 21ème siècle », Mme Samia Akrout Yaïche, directrice
générale de l’Association de Sauvegarde de la Médina de Tunis (ASM) depuis
1993, est diplômée de l’Institut technologique d’art, d’architecture et
d’urbanisme de Tunis en tant qu’architecte urbaniste après une thèse ayant
porté sur l’analyse tyupologique et morphologique de la périphérie de Sfax
qui lui avait valu la mention «Très bien». Plusieurs fois chef de projet
auparavant, elle s’est notamment distinguée avec le projet de
restructuration du quartier Hafsia qui lui a valu le prix Agha khan
d’architecture islamique en 1995. A l’échelle internationale, elle est
consultante auprès du FADES, et membre du jury du prix d’architecture et du
patrimoine de l’organisation des villes arabes (Qatar). Elle est également
coordinatrice régionale de l’Organisation des villes du patrimoine mondial
depuis 2001 pour l’Afrique et le Moyen-Orient.
Mme Sémia Akrout Yaïche est chevalier de l’ordre du mérite culturel du
gouvernement tunisien en mai 2005.
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