La Tunisie œuvre à réduire sa dette extérieure en affectant, à
cette fin, une partie des recettes des privatisations.
Ainsi, une partie des recettes générées par la privatisation de l’opérateur
public Tunisie Télécom rachetée, partiellement (35%), par le consortium
émirati «Tecom-Dig», moyennant la coquette somme de 3,052 milliards de
dinars ((1,8 milliard d’euros), a été affectée à la réduction de la dette
extérieure.
Cette option pour le désendettement a permis à la Tunisie de réduire
l’encours de la dette publique qui atteindrait, fin 2007, 53,6% du PIB
contre 58,4% fin 2005.
Dans ce processus de désendettement, la Tunisie est soutenue par le FMI, la
Banque mondiale et les agences de notation ; des partenaires qui sont
unanimes pour relever, dans leurs rapports annuels d’évaluation de
l’économie tunisienne, sur le fait que le niveau d’endettement de l’Etat
tunisien reste largement supérieur à la médiane des pays de la strate du
risque souverain BBB, ou plus simplement des pays qui ont le même degré de
développement que la Tunisie, lesquels font mieux que la Tunisie puisque
leur taux d’endettement est estimé à 40% du PIB.
Les projections macroéconomiques sont toutefois rassurantes pour la Tunisie.
Le programme présidentiel «Pour la Tunisie de demain», feuille de route du
processus de développement en Tunisie, s’est fixé pour objectif, à l’horizon
2009, d’atteindre un niveau d’endettement de l’ordre de 46,5% du PIB.
Quant à l’impact de la contribution des recettes de privatisations, elle
serait moins importante qu’on le pense. Si l’on croit le très sérieux
rapport annuel de la Banque centrale (BCT), exercice 2006, qui fait état
d’«un remboursement anticipé d’une enveloppe de 432 millions de dinars de la
dette extérieure, dont une partie tirée sur les recettes de privatisation»,
l’apport de ces recettes avoisinerait moins du huitième du total des
recettes de la privatisation partielle de l’opérateur public Tunisie Télécom
(3 milliards de dinars), soit moins de 400 millions de dinars). Cet apport
est qualifié de «minime» par les observateurs de l’économie du pays.
Espérons que les recettes des récentes concessions cédées à des
investisseurs étrangers, particulièrement la concession des Berges sud du
lac de Tunis cédée au groupe émirati «Sama Dubai», qui va y investir 14
milliards de dollars et celle des aéroports Enfidha- Monastir cédée au
groupe turc TAV pour un montant de plus de 600 millions de dinars (400
millions d’euros) ne manqueront pas de contribuer à réduire, encore
davantage, la dette extérieure du pays.
L’idéal serait, selon M. Amor Tahar (Tunisie), directeur adjoint du
département Moyen-Orient et Asie Centrale au Fonds monétaire international
(FMI), de voir la Tunisie utiliser à 100% les recettes de privatisation, à
cette même fin.
Le responsable du FMI, qui présentait, à Tunis, le rapport semestriel du
Fonds sur la situation et perspectives macroéconomiques dans la région du
Moyen-Orient et Asie centrale, a ajouté que l’encours de l’endettement
tunisien demeure assez élevé (55% du PIB) et qu’il est impératif de le
réduire, à moyen terme, à 40% du PIB, à l’instar d’autres pays émergents
ayant le même degré de développement que la Tunisie.
L’institution de Brettons Wood explique l’endettement excessif des pays
émergents par l’extrême faiblesse de l’assiette fiscale, les revenus fiscaux
étant de 27% du PIB en moyenne dans les pays émergents contre 44% dans les
pays développés. Elle estime que cette fragilité financière risque de
générer «une forte sensibilité du profil de l’endettement aux variations des
paiements d’intérêts et aux fluctuations des taux de change». Cette
variabilité qui vient, du reste, se greffer en plus à un service de la dette
écrasant. Faut-il le rappeler, pour une dette identique, les paiements
d’intérêts sont deux fois plus élevés que dans les pays développés.
En Tunisie, l’endettement extérieur n’a cessé de croître, depuis 2000, du
fait, entre autres, de l’effet change, responsable, selon des analystes, de
22% de cette hausse.
Toujours selon le FMI, un endettement élevé constitue une vulnérabilité qui
risque de compromettre l’accès de la Tunisie au marché financier
international et son corollaire immédiat, l’investissement dans le pays,
particulièrement dans des secteurs sensibles tels que l’infrastructure,
l’éducation et la santé.
Le Fonds tire ainsi la leçon de l’exemple de l’Argentine. Ce pays, handicapé
par un endettement lourd, et partant, par l’incapacité d’investir dans le
public, a bradé ce secteur en le cédant à des monopoles étrangers. Le
résultat est catastrophique. Aux yeux des observateurs, «ce bradage n’a
apporté aucune solution à l’inefficacité des services publics, pas plus qu’à
la progression de l’endettement».
Pour revenir au cas de la Tunisie, les gestionnaires de la dette publique
ont tendance depuis 2005 à s’orienter vers ce qu’on appelle «le transfert
des charges de la dette». Autrement, on reporte le paiement des dettes à des
dates ultérieures, ce qui signifie pour les futures générations de nouvelles
charges qui pourraient prendre la forme de nouveaux impôts.
Des emprunts obligataires, voire des fonds levés sur le marché financier
international privé avec des maturités de plus de 15 ans sont utilisés pour
rembourser des dettes antérieures contractées à des conditions onéreuses.
En 2007, la Tunisie a émis avec succès, sur le marché domestique japonais
Samourai, un emprunt obligataire de 320 millions de dinars (1er août 2007).
Cet emprunt va servir à rembourser, en partie, une dette contractée auprès
de la Banque africaine de développement (BAD) à des conditions onéreuses.
En juin 2005, l’Etat tunisien a mobilisé un montant de 400 millions d’euros
auprès du marché obligataire international privé et a remboursé
intégralement, au mois de mars 2006, un emprunt obligataire Samourai II pour
un montant de 404 millions de dinars.
Enfin, un mot sur la dette publique extérieure de moyen et long terme (MLT).
Elle est estimée, en 2005, à 19,2 milliards de dinars dont 68,7% sont
contractés par l’administration tunisienne, 23,5% par des entreprises
publiques et 7,8% par des entreprises privées.
La dette extérieure de moyen et long terme de la Tunisie est répartie à
parts –presque- égales entre bailleurs bilatéraux (30,5% du total),
multilatéraux (38,2%) et marchés financiers (31,3%).
La France est le premier bailleur bilatéral avec 11,6% du total, devant le
Japon (5,8%), l’Allemagne (3,3%), les Etats-Unis (2,6%) et l’Italie (1,9%).
Viennent ensuite les multilatéraux avec la Banque africaine de développement
(BAD) au premier rang (12,2%) de l’encours total. Elle est talonnée par la
Banque mondiale (11,6%), la Banque européenne d’investissement (BEI, 7,9%),
le Fonds arabe de développement économique et social (FADES, 4,2%).
La dette publique extérieure tunisienne, composée de près de 60% de fonds
d’origine publique, était libellée, jusqu’à fin 2004, à hauteur de 53,5% en
euros, 21,5% en dollars, 17,6% en yen japonais, 4,6% en dinars koweitiens et
2,6% dans d’autres devises.
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