La Banque mondiale cherche à ouvrir au privé l’aide aux pays les plus pauvres

 
 
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Le président de la Banque mondiale Robert Zoellick, le 18 octobre 2007 à Washington (Photo : Mandel Ngan)

[18/10/2007 18:08:14] WASHINGTON (AFP) Le nouveau président de la Banque mondiale (BM), l’Américain Robert Zoellick, veut permettre à des entreprises privées de contribuer au financement de l’aide aux pays les plus pauvres, une innovation sujette à controverse.

“Un certain nombre d’entreprises nous ont approché au sujet de cette possibilité”, a annoncé jeudi M. Zoellick, lors d’une conférence de presse.

“Si nous arrivons à faire avancer cette idée, cela nous permettrait de satisfaire une des orientations stratégiques que j’encourage, à savoir impliquer davantage le secteur privé”, a ajouté l’ancien responsable de la banque d’affaires Goldman Sachs, à quelques jours de l’assemblée générale de l’institution multilatérale.

M. Zoellick, qui a succédé début juillet à Paul Wolfowitz, tombé pour une affaire de népotisme, était interrogé sur la 15e campagne de reconstitution des fonds de l’Association internationale de développement (AID).

L’AID est l’organe de la Banque mondiale qui prête aux 81 pays dont les habitants ont un revenu de moins de 2 dollars par jour. La plupart d’entre eux se trouvent en Afrique sub-saharienne.

“Nous n’en sommes qu’au stade préliminaire”, a précisé M. Zoellick. “Le conseil d’administration doit maintenant se pencher dessus”.

“Je n’y vois pas de problème particulier, mais tant que nous n’avons pas passé cela, nous ne pouvons pas commencer à travailler avec les entreprises”, a-t-il expliqué, sans fournir davantage de détails.

La Banque mondiale, que M. Zoellick dirige depuis une centaine de jours, réunit les responsables des 185 pays qui en sont membres, du 20 au 22 octobre à Washington.

“D’ici à la fin de l’année, j’espère que nous aurons rassemblé les contributions pour AID 15”, la quinzième campagne de levée de fonds de l’AID, a ajouté M. Zoellick.

La prochaine réunion de l’AID doit avoir lieu mardi à Washington. La rencontre suivante est prévue les 12 et 13 novembre, à Dublin.

“Je pense que nous sommes en bonne voie pour faire mieux que AID 14”, qui avait permis de collecter 33 milliards de dollars, avait-il indiqué mardi.

Mais l’initiative de M. Zoellick, qui pourrait être étendue aux fondations privées, comme celle des milliardaires américains Bill et Melinda Gates, ne fait pas l’unanimité.

“L’implication de secteur privé dans la reconstitution des fonds de l’AID pose de graves questions”, estime l’organisation non-gouvernementale Oxfam. La Banque mondiale est “une institution publique, qui doit des comptes aux citoyens”, pas aux actionnaires d’entreprises, a expliqué son porte-parole Sébastien Fourmy.

“C’est vraiment terrible”, juge pour sa part Mark Weisbrot, codirecteur du Centre de recherche politique et économique (CEPR), à Washington. Un tel dispositif “laisse un vaste champ libre à la corruption”, pense-t-il.

Les prêts et dons octroyés par la BM grâce aux fonds de l’AID contribuent par exemple au financement d’infrastructures qui peuvent dans certains cas impliquer des entreprises multinationales.

Pour M. Weisbrot, cette initiative est symptomatique de la crise que traverse aujourd’hui l’organisme multilatérale sexagénaire.

“Ils vont chercher de l’argent privé parce qu’il y a désormais d’autres alternatives où diriger l’argent public”, relève-t-il, faisant notamment référence aux fondations indépendantes ou aux fonds d’aides thématiques, souvent plus efficaces sur le terrain.

L’économiste juge enfin que cette proposition va à l’encontre des impératifs de réforme auxquels fait face l’institution, où les pays pauvres ou émergents souffrent de sous-représentation.

Une telle innovation “pourrait accroître encore davantage le pouvoir des pays riches et, en leur sein, le pouvoir des intérêts particuliers”, conclut-il.

 18/10/2007 18:08:14 – © 2007 AFP