Les céréaliculteurs se préparent à la saison des labours

Les céréaliculteurs se préparent à la saison des labours

Par Abou Sarra

En ce début d’octobre, les céréaliculteurs font flèche de tout bois pour
remuer la terre et la préparer à la saison des grands labours.
Officiellement, le département de la production agricole au ministère de
l’agriculture et des ressources hydrauliques prévoit, l’emblavement d’une
superficie de 1,5 million d’hectares de céréales contre 1,3 million
d’hectares une année auparavant. Ces superficies sont réparties sur les
gouvernorats du nord (833 000 ha) et les gouvernorats du centre et du sud
(667 000 ha).

Selon les commissariats régionaux au développement agricole (CRDA), les
besoins en semences sélectionnées pour cette saison, sont estimés à 171.000
quintaux et à 55 000 quintaux de semences ordinaires.

Au delà des ces projections globales, la saison agricole ne démarre pas,
hélas, dans des conditions idéales. Il y a certes de bonnes nouvelles
annoncées en ce début de campagne, mais il existe en même temps des
difficultés générées et par l’administration et par les céréaliculteurs.

Pour commencer par les bonnes nouvelles, le gouvernement a décidé de majorer
les prix des céréales à la production : le prix du quintal de blé dur passe
de 33 dinars à 40 dinars, celui du blé tendre de 29 dinars à 35 dinars,
l’orge de 20 dinars à 30 dinars. Commentaire : en perspective (mois de
juillet 2008 au maximum) une augmentation du prix du semoule et produits
dérivés (pain, pâtes et autres produits…).
Autres décisions positives : les crédits agricoles dits supervisés sont
généralisés à toutes les régions du pays. Les taux d’intérêt des crédits
agricoles saisonniers sont réduits d’un point et demi. Le prix des semences
sélectionnées est gelé. La prime accordée pour l’acquisition de tracteurs et
de moissonneuses batteuses a été majorée de 10%. Des avantages en faveur de
l’irrigation d’appoint des céréales ont été également institués.

Toujours au rayon des nouveautés de la saison actuelle, il y a lieu de
signaler l’entrée en application des recommandations des cartes agricoles.

Au chapitre des difficultés, il y a celles qui relèvent de la responsabilité
des céréaliculteurs. Ces derniers, en dépit d’une expertise séculaire
continuent de commettre les mêmes erreurs : ils ne pratiquent pas la
technique de l’assolement dont la rentabilité est pourtant largement
confirmée par les experts.

De même les céréaliculteurs continuent à attendre les premières pluies
d’automne pour préparer la terre alors qu’ils pouvaient le faire juste après
la moisson.

Selon M. Khaled Lachtar, directeur des grandes cultures, une telle démarche
permet d’aérer le sol, de le débarrasser de toutes sortes de résidus et de
le faire profiter des bienfaits des rayons du soleil, etbsurtout, de faire
d’importantes économies et de temps et d’argent.

Côté administration, en décidant, au mois de juillet dernier, d’abandonner,
définitivement l’ammonitre, principal fertilisant utilisé, jusqu’ici au fort
taux de 90% par les agriculteurs, et de le remplacer par deux autres engrais
azotés : l’ammonium nitrate sulfate (ANS) et l’urée, les autorités agricoles
ont pris de court les agriculteurs en cette période de pré-semailles.

Les deux nouveaux engrais présentent l’avantage de répondre aux exigences de
l’agriculture tunisienne et à ses spécificités au triple plan du climat, du
sol et des systèmes agricoles.

Scientifiquement, l’urée, qui peut fournir 46 % des besoins des plantes en
azote contre 33% pour l’amonitre, doit être utilisée dans les régions
humides et semi humides et dans les périmètres irrigués. Elle est, par
conséquent, déconseillée pour les cultures dans les régions peu humides et
arides.

L’ANS fournit quant à lui 26 % de ces besoins (azote) et contient également
du soufre (13%), un produit nécessaire à la croissance de la plante. Il peut
être ainsi utilisé dans toutes les régions bioclimatiques et dans tous les
systèmes agricoles

Seule zone d’ombre : surpris par cette décision, les céréaliculteurs ne
maîtrisent pas encore le dosage de ces nouveaux fertilisants. Car, faut il
le souligner, il importe d’en rationaliser l’usage. Et pour cause ! Les
plantes absorbent l’azote en fonction de leurs besoins et de sa
disponibilité dans le sol. En plus clair encore, la surfertilisation a des
impacts négatifs sur le système écologique (pollution de l’eau).

D’où l’enjeu de vulgariser au maximum, les spécificités techniques et
économiques des substituts de l’ammonitre et de sensibiliser les
intervenants dans le secteur à l’intérêt qu’il y a à respecter les
conditions d’utilisation efficiente des engrais et les règles de sécurité et
de protection des dangers pouvant en résulter.

Concrètement, les agriculteurs sont invités à bien utiliser ces engrais et à
adopter, à cet effet, une démarche scientifique (analyse du sol et
identification de ses besoins en azote et fertilisation selon les besoin des
plantes durant toutes les étapes de montaison.

Autre problème, la non disponibilité parfois à l’import des deux nouveaux
fertilisants. Ainsi, si la Tunisie importe dans de bonnes conditions de
l’urée de Libye, ce n’est pas toujours le cas pour l’ANS importé
essentiellement d’Allemagne.

Pour la saison agricole 2007- 2008, la Tunisie a programmé l’importation
d’une moyenne de 25 mille tonnes d’urée et d’ANS par mois. Jusqu’à fin
septembre 2007, un stock de 60 mille tonnes environ a été déjà importé. Dans
le détail, quelque 60 mille tonnes d’urée et 120 mille tonnes d’Ans seront
importés annuellement, moyennant une enveloppe de 40 millions de dinars. Les
prix des deux nouveaux engrais sont alignés sur le coût de l’azote dans l’ammonitre
agricole. La charge des coûts additionnels sera supportée par la
compensation qui sera de l’ordre de 10 à 12 millions de dinars par an.

A moyen terme, la problématique des fertilisants sera résolue par la
conversion, moyennant un investissement du groupe chimique de Tunisie (GCT)
de l’usine d’ammonitre de Gabès pour la production des alternatives de l’ammonitre
: l’urée et l’ANS.

Rappelons que la production céréalière a atteint, la saison précédente, 20
millions de quintaux contre 16 millions quintaux en 2005. La production de
la céréaliculture irriguée demeure le talon d’Achille de cette filière.
L’irrigation d’appoint contribue seulement à hauteur de 11,5 % à la
production globale, soit l’équivalent de 2,3 millions de quintaux.