Dans le cadre du Forum international sur les Villes et Sites de Front de
mer : «Tourisme et développement» organisé à Kavala du 4 au 7 octobre 2007
par la Chambre technique de la Grèce et de la Section Est de la Grèce
Macédonienne, en coopération avec le Programme régional de travail
«Architecture et Tourisme – Région II de l’UIA», la Chambre technique de
Kavala et l’Association des architectes de Kavala, j’ai le plaisir de
contribuer à cette manifestation par une intervention qui rentre dans le
cadre de la session F sous le thème : Tourisme et développement dans les
sites historiques et traditionnels du Bassin méditerranéen.
Mon intervention intitulée «Tourisme d’aujourd’hui au parfum d’hier» a porté
sur la restauration de quelques monuments et sites historiques du Sud
tunisien et leur reconversion en projets touristiques et culturels en
prenant comme exemple : un ksar à Tataouine, trois fondouks, un borj et un
houch à Djerba et évoque le village de Sidi Bou Saïd qui a été transformé en
un gigantesque musée vivant qui représente une option à méditer en vue de
revaloriser notre patrimoine afin qu’il puisse participer activement aux
développements économiques et sociaux de nos pays.
Il faudrait alors un geste qui redonne vie, protection et prolongement à ces
témoins muets de l’histoire, les mette dans leur contexte le plus adéquat,
en fasse un musée vivant et garantisse la transmission de leurs valeurs aux
générations futures.
Entre l’exigence envahissante de la modernité en matière de structures
d’accueil touristiques et du besoin incessant d’un confort artificiel qui
jalonne les nouvelles aspirations de la population, ce patrimoine se trouve
en péril et risque de perdre à jamais toutes ses traces.
La question qui se pose, donc, et à laquelle nous essayons tous d’apporter
une réponse, c’est comment notre patrimoine, qui constitue notre identité,
pourrait faire face à cette mondialisation, à cette homogénéisation et à
cette uniformisation tout en assurant, en tant que potentiel touristique et
culturel, le développement économique de nos pays.
Pour cette raison, le souci majeur de mon intervention a été une
sensibilisation à ce patrimoine universel, une invitation à la recherche en
vu de sa sauvegarde et de sa remise en valeur et une incitation à la
création de structure de préservation.
Chargé d’histoire, de valeurs humaines, de symboles religieux et cultuels,
de potentiels touristiques et culturels et emblème de paix et de gloire, le
sud tunisien constitue un véritable carrefour de civilisations dans le
bassin méditerranéen. Vaste territoire d’un pays trois fois millénaire, il
constitue et reste à jamais une région représentant un mode de vie unique.
Son charme et ses caractéristiques physiques font de lui un monde à part. La
région de Tataouine est une partie intégrante de ce monde sublime.
Ksar Ouled Dabbeb, une des perles constituant ce bijou naturel, a été
construit sur une colline à 5 km de la ville de Tataouine et deviendra un
pôle d’attraction culturel situé sur un parcours touristique qui relie
plusieurs sites fréquentés par de nombreux visiteurs. Ce ksar, en grande
partie démoli ou menaçant ruine, a fait l’objet d’une importante remise en
état vu que la structure d’origine n’offrait plus aucun attrait particulier,
mises à part sa situation panoramique, sa taille exceptionnelle et son
architecture originale.
Pour le système d’exploitation de ce projet et ses retombées économiques, il
faut préciser que la Tunisie, dans le cadre de l’encouragement et de la
promotion du tourisme saharien et du tourisme culturel, a beaucoup aidé les
promoteurs privés à investir avec pleins d’encouragements sous forme de
subventions matérielles, d’avantages fiscaux et de concession à l’instar de
ce projet.
Djerba, l’île des Rêves, l’île des lotophages, l’île aux Mille Jardins,
l’île enchantée, l’île de la 5ème saison selon Ulysse, autant de superlatifs
qui ne décrivent qu’une infime partie des atouts et des caractéristiques qui
font le charme discret, la beauté inégalée, la splendeur naturelle et la
magie de ce lieu, Djerba se veut un paradis en pleine mer.
Depuis la haute Antiquité, Djerba a toujours été une terre d’accueil et de
rencontres. Elle recevait Grecs, Phéniciens, Carthaginois, Romains,
Byzantins et musulmans qui ont tous laissé des traces de leurs savoir-faire
; ainsi, on assiste à un véritable Brassage Ethnique et Culturel.
Parmi les monuments et les sites qui ont fait, eux aussi, l’objet d’un
brassage, on cite Borj Ghazi Mustapha appelé encore Borj El Kebir situé au
nord de Houmt Souk.
Ce borj, ancien fort arabe du début du XVème siècle, a été construit sous le
règne de l’Emir Abou Fares El Hafsi, fut renforcé par le Corsaire Dragut
puis agrandi par les Espagnols au XVIème siècle.
Ce monument fort important par son emplacement stratégique, son riche
historique et son architecture pure et imposante, a été pris en charge par
les chercheurs de l’INP avant d’être sous la gestion et l’exploitation de l’AMVPPC
pour fonctionner comme un Musée archéologique.
Récemment, ce fort a été le support d’un grand travail de plusieurs
professionnels pour réussir sa parfaite illumination avec un éclairage
judicieux qui a permis sa nouvelle lecture et contribué à égayer, par ses
lumières et ses belles couleurs, les soirées des visiteurs.
Pas loin de ce Borj, se trouve le centre de Houmt Souk comptant 50.000
habitants en majorité des commerçants. D’ailleurs, Houmt Souk signifie
littéralement «Le Quartier du Marché».
Parmi les composantes les plus remarquables de Houmt Souk, on cite le
Fondouk connu aussi sous le nom de Caravansérail ou Khan à l’Orient ou
encore Oukala en Egypte. Les plus anciens des Fondouks de Houmt Souk ont
déjà plus de quatre siècles d’existence.
En général, cette expression architecturale se présente sous forme d’un
Bâtiment simple, sobre, imposant et sans ouvertures sur l’extérieur,
exceptée l’entrée principale parfois monumentale et saillante pour assurer
l’identification et l’appel aux visiteurs.
Ces structures, rectangulaires ou carrées, sont conçues autour d’une grande
cour centrale assurant le rassemblement sans gène des occupants et à
l’encontre des cours des Caravansérails et des Khans d’Orient qui sont
dépourvues de portiques, les cours des Fondouks Djerbiens sont dotées de
portiques périphériques à double étages permettant aux commerçants d’occuper
les Ghorfas du niveau supérieur, de mettre leurs animaux de bât au Patio et
de stocker les marchandises dans les pièces du rez-de-chaussée. Les
témoignages recueillis ont permis de dresser une image hâtive du
fonctionnement de ces fondouks.
En définitive, les fondouks, qui représentaient autrefois un support de
plusieurs activités importantes, ne s’inscrivent plus dans le système de
commerce et d’échange qui fut à l’origine de leur création, mais plutôt en
tant que repères vivants de l’Histoire de l’île.
En partenariat avec le Conseil Général de l’Hérault, un Projet pilote de
Restauration, de Revalorisation, de Réhabilitation et de Reconversion a été
instauré depuis quelques années à Houmt Souk et a touché quelques 25
fondouks du Centre ancien de cette Ville.
Parmi les fondouks qui font partie des premières unités rénovées et
reconverties, El Marhla ou l’étape qui abrite une pension constituée d’une
trentaine de chambres modestes avec un restaurant bar qui répondent aux
besoins de quelques commerçants passagers ou autres visiteurs à petits
budgets cherchant à être au cœur du quartier ancien.
Un 2nd fondouk, jouxtant El Marhla, fonctionne depuis quelques années comme
auberge de jeunes et offre ses services à quelques centaines de jeunes et
d’étudiants provenant de plusieurs pays du monde et qui ne peuvent forcément
pas supporter les tarifs, parfois exorbitants, des hôtels.
Un 3ème fondouk, en plein centre de Houmt Souk également, abrite depuis des
années l’hôtel Aricha qui fait le bonheur de plusieurs amoureux de l’âme du
passé dans toute sa simplicité et son authenticité. Il est mieux équipé et
entretenu que les deux premiers.
Ces trois fondouks, très proches de point de vue emplacement, configuration,
typologie et fonctionnalité, constituent l’une des réponses apportées dans
le cadre général du Projet de développement et de valorisation du cœur de la
ville de Houmt Souk.
D’une façon générale, l’organisation spatiale du fondouk se prête à bien des
usages. Les résidences hôtelières précitées ont fait la preuve d’une
reconversion possible, tout comme les centres de commerce et d’artisanat qui
pourraient s’y intégrer parfaitement.
L’une des merveilles incontestables de l’île de Djerba est sa propre
architecture qui triomphe par sa simplicité, son originalité et son
authenticité qui font sa beauté incontestée. Cette architecture typiquement
djerbienne se manifeste aussi bien dans les équipements que dans les
bâtiments publics, les mosquées et les lieux de culte, les habitations
urbaines ou rurales qui affichent leurs styles propres et typiques.
Le Menzel, habitat traditionnel rural de l’île, est constitué de plusieurs
composantes, à savoir : le houch ou maison qui apparaît, de l’extérieur,
comme une petite forteresse, le jnan ou jardin qui est une exploitation
agricole familiale réservée à la culture maraîchère et l’Etable. Ces
habitations, qui présentent un intérêt architectural et historique
considérable, sont menacées actuellement par l’abandon, les problèmes
d’entretien dus au grand nombre d’héritiers et la restauration qui s’avère
de plus en plus chère vu le manque de main-d’œuvre qualifiée.
Cependant, quelques exceptions apparaissent pour nous réconforter et nous
réjouir et représentent ainsi un véritable baume aux cœurs sensibles à ce
patrimoine architectural.
Parmi ces exemples, surgit brillamment «Dar Dhiafa» une résidence nichée
dans le Village d’Erriadh à 7km de Houmt Souk, cet ensemble de houchs
traditionnels djerbiens a été reconverti en un hôtel de charme luxueux,
confortable, bien entretenu mais surtout authentique et original. Un charme
envoûtant et éclatant se dégage de cette composition harmonieuse faite
d’habitats typiques du vieux village, tous restaurés et aménagés pour le
plaisir de nos sens.
Tous ces lieux et bien d’autres ont fait de Djerba l’île de rêves par
excellence. D’ailleurs, un simple tour dans cette île à travers ses routes
et sentiers, nous fait découvrir à quel point son Développement économique
et social l’a orientée vers le Tourisme Culturel.
Cette politique adoptée à l’île de Djerba et adaptée à ses spécificités
s’inscrit parfaitement dans le cadre de la stratégie nationale de
mobilisation du tourisme culturel appliquée sur tout le territoire tunisien
afin d’établir une symbiose entre la revitalisation du patrimoine et le
développement économique des régions par le biais du tourisme.
Dans ce cadre s’insert le sublimissime et le célébrissime village de Sidi
Bou Saïd, qui a été classé Patrimoine mondial par l’UNESCO depuis plusieurs
décennies. Ce village, perché entre terre et ciel et surplombant une mer
splendide, offre une vue panoramique exceptionnelle. En effet, Sidi Bou
Saïd, véritable village musée, regorge de trésors culturels et naturels qui
constituent un immense potentiel à son développement, mais qui risquent
d’être endommagés s’ils ne sont pas entièrement pris en charge et réinjectés
dans son propre système de développement.
En passant du micro au macro, la taille change mais les principes restent
les mêmes. Ainsi, la Tunisie, dotée d’un patrimoine archéologique,
architectural, culturel et naturel, matériel et immatériel très important,
œuvre sans cesse à mettre en application un programme d’action orienté vers
la découverte de ce patrimoine, son inscription dans un tissu urbain
structuré permettant de placer l’homme en harmonie totale avec son
environnement naturel et stimulant l’amour de ce que nous risquons de
perdre.
Par cette intervention, nous comptons, modestement, enrichir le débat à
l’occasion de cet important Forum, de présenter l’expérience tunisienne en
matière de restauration et de réhabilitation de l’architecture vernaculaire
et servir de témoin sur la possibilité d’intervenir sur ce patrimoine avec
peu de moyens mais beaucoup d’amour et de sensibilité pour en faire une
parfaite illustration d’un tourisme vibrant au diapason de la modernité et
baignant dans une ambiance au parfum d’hier.
* architecte
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