Quatre
mois après son élection à la tête de la Fédération Tunisienne de
l’Hôtellerie, M. Mohamed Belajouza parle de la Fédération, de son programme,
de la saison 2007, et de la situation du tourisme tunisien.
Webmanagercenter : En arrivant à la tête de la Fédération, de quelle situation avez-vous
héritée ?
Mohamed Belajouza : Je ne suis pas ‘‘arrivé’’, j’ai été membre du bureau
exécutif pendant six ans et président de commission ; de ce fait, j’ai
participé à la vie de la FTH et à la prise de décision pendant la durée de
ces mandats. Mon arrivée, comme vous dites, ne me fait pas découvrir des
choses que j’ignorais. Mes collègues du bureau exécutif et du conseil
national, au cours des premières réunions, ont opté pour la continuité de
l’action. La FTH est le partenaire obligé de l’Administration et des
partenaires sociaux : elle a joué ce rôle et va continuer à le jouer et
même, peut-être, le renforcer. Car il y a un éloignement de certains
hôteliers qui étaient adhérents et qui ne le sont plus pour avoir considéré
que la Fédération n’était pas à même de fournir les services qu’ils
attendaient d’elle. Aussi, dans nos réunions, nous sommes-nous engagés à
mener une campagne de sensibilisation de ces collègues pour les amener à
assurer à la FTH une représentativité et une réactivité qu’elle n’a pas
aujourd’hui à 100%.
Cela veut dire que la FTH a perdu certains de ses adhérents…
Oui, sur les 800 hôtels, nous en avons à présent 400 membres. Mais sur les
hôtels de tourisme qui sont sur le marché, nous devons être à 2/3 des
membres ; nous avons l’ambition de ramener le maximum, et pour cela nous
avons un programme d’action qui vise à associer davantage la FTH à la prise
de décision dans tout ce qui peut toucher à son fonctionnement ; pour cela,
nous avons l’engagement de l’Administration. Je pense que cela va être un
élément convaincant surtout que nous allons nous exprimer à travers certains
canaux à l’intérieur comme à l’extérieur du pays en vue de faire connaître
la FTH et ses activités ; nous estimons que par ce biais la FTH peut
aujourd’hui de nouveau assurer des services à ses adhérents et les ramener
dans son giron.
A votre élection, vous avez parlé de tout un programme, le vôtre…
Le programme de restructuration est en cours de réalisation. Nous n’avons
pas voulu aujourd’hui toucher à ce qui existe –ou pas beaucoup–, car nous
attendons les résultats d’une étude diligentée par l’Office du tourisme pour
le compte de la FTH et qui porte précisément sur la restructuration de la
Fédération. C’est en ce sens que le ministère du Tourisme lancé un appel
d’offres pour la sélection d’un bureau d’études qui va entreprendre l’étude
de la retructuration de la FTH. L’Agence française de développement a
éé citée en tant qu’organisme finançant cette opération. Nous attendons donc ses
résultats pour appliquer ses conclusions dans la mesure où nous
considérerions que celles-ci iront dans le sens que nous cherchons,
c’est-à-dire plus de représentativité, plus d’efficacité et plus de
réactivité.
Sinon, qu’est-ce qui a été fait depuis juillet ?
Les deux grands dossiers actuellement étalés –et qui influent sur la
qualité du produit hôtelier–, c’est la situation dans laquelle se trouvent
beaucoup d’hôteliers vis-à-vis des banques –leur endettement– , soit la
situation dans laquelle se trouve le secteur touristique pour promouvoir sur
les marchés émetteurs du produit tunisien. Aujourd’hui, et en admettant même
que l’on augmente le budget de la promotion –ce qui n’est pas le cas tout
au moins pour 2008–, on ne peut pas promouvoir un produit que nous, de
l’intérieur, savons incomplet. Il y a –je l’avoue– une baisse de la
qualité du produit hôtelier due à la situation d’endettement des hôtels,
laquelle les a poussés à consentir des prix encore plus bas qu’ils ne
devraient être, d’où le service qui en souffre. Nous venons de participer à
une réunion avec le ministre lui-même concernant l’évaluation et la
répartition du budget de la promotion : la loi de Finances n’est prête que
pour l’année 2008, et le budget ne va pas augmenter, malgré la baisse de
certains marchés traditionnels.
Comment a été la saison 2007 ?
Moyenne !… Il y a eu toutefois une forte participation de nos frères
maghrébins à la réalisation de nos entrées (Libyens et Algériens). Sinon, il
n’y a pas eu une amélioration sensible. Mais si nous arrivons à rattraper
une bonne arrière-saison, nous aurons réalisé de meilleurs résultats. Mais
ce n’est pas assez, nous pouvons faire mieux et plus, pourvu qu’on nous en
donne les moyens. Nous avons un parc hôtelier qui a coûté des milliers de
milliards qu’il faudrait rentabiliser, faire connaître, faire acheter, et
auxquels faire amener les gens à s’habituer. Nous ne croyons pas que nous
ayons exploité l’intégralité des possibilités des marchés même traditionnels
qui sont nos partenaires depuis 30 et 40 ans. Nous pouvons réaliser un
meilleur taux de pénétration, incontestablement. Mais les moyens qui sont
mis pour la promotion du tourisme tunisien représentent le tiers, sinon le
quart, de ceux qui sont mis sur le marché par les destinations concurrentes
et… nouvelles venues sur le marché (les Marocains, les Egyptiens, les Turcs
qui sont venus après nous et qui réalisent, aujourd’hui, de meilleurs
résultats). Eux ont tracé une politique d’abord, puis se sont donné les
moyens de cette politique. Par exemple : le Maroc commence à drainer une
clientèle italienne qui n’allait jamais au Maroc ; est-ce une coïncidence si
le marché italien est en baisse sur la Tunisie ?
On parle presque toujours du marché tunisien en termes de tourisme de masse.
Est-ce notre destinée ?
C’est un choix en effet qui a été fait depuis les années 60-70. Mais il faut
dire que la SHTT à ce moment-là a commencé à réaliser des hôtels de cinq
étoiles (des palaces !) un peu partout et qui ont bien fonctionné. Par la
suite, l’idée était d’attirer un peu plus ; mais ce faisant, l’on s’est
dirigé vers la masse. Et là, on s’est mis à construire des deux étoiles,
balnéaires, pour les familles ; une formule qui se trouve avoir réussi. Une
situation donc qui a perduré, et nous y sommes restés. C’est le reproche
maintenant qu’on nous fait sur les marchés émetteurs. Depuis quelque temps,
on parle de la diversification et de l’enrichissement de nos produits de
façon à ce que nous soyons compétitifs : tourisme culturel, à thème, de
golf, de chasse ; mais surtout de tourisme résidentiel dont on parle de plus
en plus. Sauf que les décisions administratives ne suivent pas, nous en
sommes encore au discours politique. Par exemple, le tourisme résidentiel se
heurte encore à la décision administrative, la vente du foncier nécessitant
cette autorisation qui met beaucoup de temps pour intervenir –si jamais
elle intervient. Et c’est ce qui constitue un frein à la réalisation de ce
programme qui a fort réussi au Maroc qui, lui, a ouvert son ciel.
Au début des années 2000, la JICA, dans une étude sur le tourisme tunisien,
a relevé bien des faiblesses au niveau de la qualité du service. A-t-on fait
quelque chose dans ce sens ?
Comme je vous l’ai dit, la baisse du prix de vente –ou le bradage, comme on
dit– se répercute sur la qualité des produits et du service, car ça se
répercute d’abord sur la pression du personnel : on emploie 50 au lieu des
70 nécessaires, au lieu d’acheter du filet de bœuf, on achète du poulet,
etc. Mais pas seulement, il y a des phénomènes que nous, à la FTH,
constatons et disons : l’existence de produits hôteliers qui ne sont pas
adaptés à la demande des marchés. L’existence d’hôtels de petite capacité,
situés loin de la mer, qui se sont mis sur le marché et réalisés par des non
professionnels –des agréments de l’Office du tourisme ont été accordés sans
distinction, et les banques ont financé, car c’était un programme national.
Petite capacité, donc, et non professionnalisme qui ont mis ces hôteliers-là
sous le poids des Tours opérateurs qui, à un moment donné, ont fixé
eux-mêmes le prix d’achat. D’où, par conséquent, la baisse de la qualité,
l’absence d’effort de promotion, etc. Nous pensons aujourd’hui apporter une
solution en définissant les normes minimales par catégorie d’hôtel qui
doivent être assurées et rapporter un prix minimum ; nous devrions regrouper
ces hôtels de petite capacité pour former un interlocuteur solide devant les
Tours opérateurs ; et c’est une des missions de la FTH mais qui va demander
du souffle et du temps, et surtout la coopération des intéressés. Sinon,
nous n’arriverons pas à relever notre image de marque qui souffre d’un
déficit.
A vous entendre brosser un tel tableau, on se demande si vous êtes
défaitiste, pessimiste ou tout simplement réaliste…
Réaliste. Et je dirai même que mes collègues et moi sommes optimistes malgré
tout. Nous pensons que le technicien hôtelier tunisien est capable de
réaliser un produit hôtelier aussi bien que n’importe quel hôtelier du
monde. Il faut l’assister, à l’intérieur par des opérations de formation,
et, à l’étranger, par des opérations de promotion. Il ne servirait à rien
d’avoir un grand chef cuisinier si on ne lui amène pas de la clientèle pour
apprécier sa cuisine et revenir ; assurer donc un taux de fidélité.
Je voudrais revenir sur le fameux budget de promotion pour dire que ce
budget n’est pas une dépense, mais un investissement rentable à très court
terme, et très rémunérateur : pour chaque millier de dinars investis dans le
tourisme, on peut récolter le double au moins en devises. Cela a été prouvé
par le passé, et on peut encore le démontrer.
Il paraît que le tourisme intérieur commence à bouger…
Oui. L’amélioration de la situation des Tunisiens les amène maintenant à
considérer les vacances en dehors de chez eux est une nécessité. Notre
Fédération a sensibilisé les hôteliers à participer en accordant des prix
préférentiels aux clients nationaux. Seulement voilà, le marché tunisien se
caractérise par une très forte saisonnalité : le Tunisien ne profite du
tourisme que lors des vacances scolaires et surtout celles de l’été qui,
cette saison, constitue la haute saison. Au fait, vous me donnez là
l’occasion de préciser une chose. L’on entend souvent dire que le touriste
étranger bénéficie d’un meilleur tarif dans les hôtels que les Tunisiens. La
commercialisation des hôtels se fait par l’intermédiaire des grands Tours
opérateurs qui achètent des lits en quantité et à longueur d’année.
L’hôtelier a donc des engagements selon les contrats passés. La mal
information que je voudrais lever est que, à la réception de l’hôtel,
l’étranger et le Tunisien qui viennent acheter une chambre d’hôtel, ils se
voient proposer le même prix. Celui qui a réellement les prix préférentiels,
c’est le grossiste qui achète en gros et pour l’année. Le touriste étranger
achète un package où il y a le tout (avion, séjour…), il ne sait lui-même
pas le prix de la chambre.
Mais, au demeurant, c’est un phénomène qui commence à bouger par le biais
des amicales ou autres, et que nous encourageons beaucoup, à condition
toutefois que le marché tunisien s’organise bien à l’avance.