Eau potable : cap sur le dessalage

Eau potable : cap sur le dessalage

Par Abou Sarra

Le
dessalement de l’eau, appelé également dessalage, est retenu comme une des
solutions les plus indiquées pour faire face à la régression de l’offre
d’eau, notamment, dans le sud du pays qui se caractérise par une forte
sécheresse.

Cette ressource non-conventionnelle, dont le coût est en baisse régulière
depuis quelques années, est un processus qui permet de retirer le sel de
l’eau salée ou saumâtre pour la rendre potable ou l’utiliser pour
l’irrigation.

Au regard de projections concordantes, c’est le sud du pays qui va souffrir,
le plus, du déficit hydraulique, corollaire du réchauffement du climat
prévu. Dans cette région, les températures annuelles seront en hausse, les
précipitations diminueront et les années sèches seront plus fréquentes.

C’est là du moins la conclusion d’un rapport élaboré par le Groupe onusien
d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) sur l’impact
futur du climat. Selon ce rapport, la Tunisie va être confrontée, d’ici
2030, à un réchauffement climatique de 1,1 degré et de 2 degrés d’ici 2060.

A cette sécheresse vient s’ajouter la salinité de l’eau dans cette région,
avec plus de deux grammes par litre.
Pour satisfaire les besoins futurs en eau des habitants du sud, le
gouvernement projette de mettre en œuvre, d’ici 2016, un programme de
stations de dessalement. Ultime objectif, porter, d’ici 2025, la part des
eaux dessalées à 20% de la consommation d’eau en Tunisie.

Jusqu’ici, l’expertise tunisienne en matière de dessalement date de 1983,
année de la création de la station de dessalement des eaux saumâtres de
Kerkennah d’une capacité de 3.300 m3 par jour.

Cette expertise s’est amplement enrichie avec la mise en service des
stations de dessalement des eaux saumâtres de Gabès en juin 1995 (d’une
capacité de 22.500 mètres cubes par jour), de Zarzis en 1999 (15.000 m3 par
jour) et de Djerba en 2000 (une capacité de 15.000 m3 par jour).

Pour l’avenir, la Société nationale d’exploitation et de distribution d’eau
(SONEDE) prévoit, dans une première étape, la réalisation d’une dizaine de
stations de dessalement d’eaux saumâtres, entre autres, dans les zones de
Kébili, Douz, Souk el Ahad, Tozeur, Nefta, Matmata et Beni khedache. Ces
stations auront une capacité cumulée de 36.000 m3/j.

Dans une seconde étape, d’autres stations, d’une capacité de 40.000 m3/j
seront créées dans les régions où le taux de salinité est compris entre 2 et
1,5 gr/l.

A long terme, l’Etat prévoit, pour le sud du pays, le recours au dessalement
d’eau de mer pour satisfaire les besoins de la population en eau potable et
au traitement d’eaux usées pour subvenir aux besoins de l’industrie et du
reste des activités économiques.

La première station sera réalisée à Djerba. Cette station sera
opérationnelle en 2010. Elle a reçu pour mission de subvenir aux besoins en
eau de l’île, jusqu’à 2025.

Cette deuxième station de dessalement d’eaux saumâtres d’une capacité de
5.000 m3 par jour, sera prochainement mise en service à proximité de la
première en vue de relever la production totale de la station de Guellala, à
20.000 m3 par jour. L’objectif recherché à travers cette extension est de
garantir une même qualité de l’eau distribuée et de préserver la stabilité
du taux de salinité, et ce pour un coût de 5 millions de dinars.

Quatre unités de dessalement d’eau de mer seront mises, également, en
service, d’ici 2016, dans les gouvernorats de Gabès (Zarrat) et Sfax, avec
une capacité de 50.000 m3/j.

C’est, entre autres, à des fins de dessalement d’eau de mer et des eaux
saumâtres que la Tunisie a décidé de construire, d’ici 2020, une centrale
nucléaire à des fins pacifiques.

Pour mémoire, la Tunisie est connue pour être mal dotée en ressources
naturelles en eau. Avec 459 m3 par habitant, elle fait partie des pays les
moins bien nantis en ressources hydriques renouvelables.

Des experts de la Société tunisienne de distribution et d’exploitation d’eau
(SONEDE) estiment, pour leur part, qu’au-delà de 2030, la demande d’eau sera
supérieure aux ressources conventionnelles exploitables. A l’horizon de
cette échéance, la moyenne annuelle régressera à 350 m3 par habitant.

Actuellement, le volume total de consommation d’eau en Tunisie, estimé à
plus de 315 millions m3/an, est utilisé à hauteur de 54% par les foyers et
établissements publics, 33% par l’industrie et 13% par le tourisme.

En fait, dans le cas de la Tunisie, il est plus approprié de parler de
surconsommation d’eau (consommation ordinaire et fuite d’eau). Cette
surconsommation peut aller jusqu’à 800 litres/jour/lit dans les
établissements hospitaliers, 100 l/j/agent dans les administrations
publiques, 550 l/j/résidant dans les établissements hôteliers et 300
l/j/étudiant dans les établissements universitaires.

A la lumière de ces données, le pire des scénarios serait de voir les
pouvoirs publics contraints à faire des arbitrages douloureux et à accorder
la priorité à tel ou tel secteur au détriment d’autres. Pour le moment, on
n’en est pas là…