Politiques et écueils du développement de l’accès aux finances : Rapport de la Banque mondiale sur les politiques de développement (2)

Politiques et écueils du développement de l’accès aux finances : Rapport de
la Banque Mondiale sur les politiques de développement (2)

La promotion d’une allocation
plus efficace du capital par l’intermédiaire de marchés financiers
compétitifs et ouverts demeure un important objectif de l’action politique
tant pour la croissance que pour la réduction de la pauvreté.

 

Les coûts de transaction élevés
et le manque de garantie constituent deux obstacles de taille à l’accès des
pauvres aux services de crédit. Une nouvelle classe d’institutions de
microfinance spécialisées offrant des services aux pauvres tente de
surmonter ces difficultés par des moyens novateurs, tels que des programmes
de prêts de groupe et des prêts de montants plus élevés, à mesure que les
clients continuent d’emprunter et de rembourser dans les délais.

 

L’efficacité de ces innovations
et d’autres n’a pas encore convaincu tout le monde. Mais ces dernières
décennies, les institutions de microfinance ont pu atteindre des millions de
clients et ont réalisé des taux de remboursement spectaculaires. En fait,
les banques traditionnelles commencent à adopter certaines de ces techniques
et d’intervenir sur certains des mêmes marchés.

 

Pour autant la microfinance
a-t-elle pu tenir sa promesse de réduire la pauvreté sans avoir besoin
d’être continuellement subventionnée ? Si l’on peut citer de nombreuses
études de cas encourageantes -des villages de la Thaïlande aux Andes
péruviennes– l’ampleur de l’incidence de la microfinance sur la pauvreté en
général n’apparaît toujours pas clairement. En dépit des améliorations des
produits et des techniques, les institutions qui servent les plus pauvres
demeurent tributaires des dons et des subventions, ce qui semble indiquer un
arbitrage entre la rentabilité et la nécessité de servir les plus pauvres.

 

Si la microfinance s’intéresse
généralement à l’octroi de crédit aux entrepreneurs les plus démunis, le
microcrédit est consacré en majeure partie à la consommation plutôt qu’à
l’investissement. La manière d’utiliser le crédit est un important sujet de
préoccupation. Pour les ménages pauvres, le crédit pourrait ne pas
constituer le service financier unique ou prioritaire ; une bonne épargne,
les paiements (y compris les envois de fonds internationaux) et les services
d’assurance pourraient revêtir plus d’importance. Par exemple, les pauvres
n’épargnent peut-être pas par manque de produits d’épargne appropriés, le
crédit de consommation constituant un pis-aller.

 

Faudrait-il subventionner les
services financiers pour les pauvres? Pour répondre à cette question l’on
doit comparer les coûts et les avantages des subventions dans le secteur
financier à ceux des subventions dans d’autres domaines, tels que
l’éducation ou les infrastructures. Par rapport aux subventions de crédit,
il semble y avoir des raisons plus impérieuses de subventionner les services
de paiement et d’épargne, car il s’agit de services de base nécessaires à la
participation à une économie de marché moderne.

 

L’on a parfois plus de mal à
rembourser un crédit qui fait l’objet de subvention. Pour cette raison, il
serait peut-être plus avantageux d’encourager l’innovation technologique et
de mettre à profit les progrès techniques, qui deviennent plus généralisée à
l’ère de la mondialisation.

 

Nécessité de politiques
publiques pour élargir l’accès

 

L’élargissement de l’accès
demeure un défi de taille même dans les pays développés, il ne suffit donc
pas de dire que le marché va assurer. Étant donné les dysfonctionnements du
marché liés aux lacunes de l’information, la nécessité de coordonner
l’action collective et la concentration du pouvoir, les gouvernements à
travers le monde ont un rôle important à jouer pour mettre en place des
systèmes financiers profitant à tous.

 

Toutefois, toutes les actions des
gouvernements ne sont pas également efficaces et il arrive que certaines
politiques -telles que des politiques de crédit trop laxistes –aillent même
à l’encontre des objectifs visés. Aussi importe-t-il que les gouvernements
aient des objectifs réalistes.

 

Des réformes institutionnelles
profondes, consistant avant tout à assurer les droits de propriété contre
l’expropriation par l’État, constituent un préalable fondamental, quoique
souvent à long terme, pour des systèmes financiers efficaces. Peut-on
hiérarchiser les réformes institutionnelles pour élargir l’accès à court et
à moyen terme ? Les indications récentes disponibles donnent à penser que :

 

• Dans les pays à
faible revenu, il importe plus de mettre en place des organismes de
documentation des antécédents de crédit pour améliorer l’infrastructure
d’information que d’améliorer les droits des créanciers.

• Dans des cadres
institutionnels relativement peu évolués, des réformes qui permettent à tel
ou tel bailleur de fonds de récupérer ses créances dans le cadre d’un
contrat de dette (par exemple, dans le cas d’une garantie) sont plus
importantes pour renforcer les prêts bancaires que les réformes liées au
règlement de conflits entre un ensemble de parties requérantes, telles que
la réforme des codes sur les faillites.

• L’adoption de
lois précises pour appuyer les techniques financières modernes –du
crédit-bail et de l’affacturage à la finance électronique et la finance
mobile– portera également ses fruits à court et à moyen terme.

 

La promotion de l’ouverture et de
la concurrence -y compris la propriété privée et l’entrée des entreprises
étrangères —fait également partie essentielle de l’élargissement de l’accès,
car elle encourage les institutions en place à rechercher les moyens
rentables de fournir des services aux couches de la population qui étaient
auparavant exclues. Elle accélère aussi le rythme d’adoption de nouvelles
techniques qui améliorent l’accès.

 

Il importe de fournir les
incitations appropriées au secteur privé, car la concurrence peut aussi se
traduire par une expansion hasardeuse ou inopportune si elle ne s’accompagne
pas d’un cadre de réglementation et de supervision judicieux. À mesure que
l’on impose aux banques des réglementations internationales de plus en plus
complexes (telles que Bâle II) pour contribuer à limiter le risque de
faillites bancaires coûteuses, il est nécessaire de s’assurer que ces
dispositions ne pénalisent pas par inadvertance les petits emprunteurs, en
ne tenant pas pleinement compte de la possibilité pour un portefeuille de
prêts aux PME de réaliser le partage des risques.

 

Les études disponibles semblent
indiquer que si les banques qui accordent des prêts de faibles montants
doivent constituer des provisions plus importantes contre des pertes plus
élevées —– et elles doivent par conséquent appliquer des taux d’intérêt plus
élevés pour couvrir ces provisions —– elles devraient avoir besoin de
relativement moins de capitaux pour couvrir la tranche supérieure de la
distribution, autrement dit pour faire face au risque que les pertes
dépassent leur valeur escomptée (pour couvrir ce que l’on dénomme parfois
les pertes sur prêt « imprévues »).

 

Les possibilités d’intervention
directe des pouvoirs publics pour améliorer l’accès sont plus limitées qu’on
ne le pense souvent. Si de nombreuses données disponibles semblent indiquer
que les interventions par l’intermédiaire de filiales appartenant à l’État,
en vue de fournir des crédits, ne sont généralement pas efficaces, les
résultats sont plus mitigés pour les services hors prêt.

 

En outre, un petit nombre
d’institutions financières publiques s’écartent des services de crédit pour
devenir des prestataires de services financiers plus complexes, concluant
des partenariats public-privé pour contribuer à pallier les échecs de la
coordination, les désincitations des premiers intervenants sur le marché et
les obstacles au partage et à la répartition des risques. En fin de compte,
ces initiatives efficaces auraient pu être prises par les capitaux privés,
mais l’État a bien fait de donner un coup de fouet à ces services.

 

L’intervention directe par
l’imposition et des subventions peut être efficace dans certaines
circonstances, mais les données d’expérience permettent de penser qu’elle a
de bonnes chances de se traduire par des conséquences imprévues, et ceci
plus dans le secteur financier que dans d’autres domaines. Par exemple, les
programmes de prêt directs et dirigés ayant été discrédités il y a quelques
années, les garanties de crédit partielles sont devenues le mécanisme
d’intervention directe privilégié pour les activités de crédit aux PME.
Toutefois, ces garanties partielles sont souvent mal structurées, comportent
des subventions cachées et profitent essentiellement à ceux qui n’ont pas
besoin de subvention. En l’absence d’évaluations économiques minutieuses de
la plupart des programmes, leur incidence nette en termes de coût-avantages
demeure ainsi imprécise.

 

Perspectives

 

Ce rapport examine et met en
évidence de nombreuses études et fait également ressortir un grand nombre de
lacunes dans nos connaissances.

 

• D’autres études
bien plus nombreuses sont nécessaires pour mesurer et suivre l’accès aux
services financiers, évaluer son incidence sur les résultats en matière de
développement et concevoir et évaluer les interventions.

• L’élaboration
de séries de données sur l’accès aux finances qui comparent chaque année les
pays par rapport à des critères de référence permettra de concentrer
l’attention des décideurs et de suivre et d’évaluer les actions de réforme
visant à élargir l’accès.

• De meilleures
données au niveau des entreprises et des ménages sont utiles pour nous
permettre de mieux comprendre les conséquences de l’accès. En fait, les
enquêtes auprès des ménages représentent souvent l’unique moyen d’obtenir
des renseignements détaillés sur tel ou tel utilisateur de tel ou tel
service financier de tel ou tel type d’institution, y compris les
institutions informelles.

 

Les expériences aléatoires sur le
terrain offrent des perspectives prometteuses pour l’évaluation des
conséquences de l’accès. En introduisant un élément aléatoire à
l’affectation des produits financiers, tel que la formation à la
connaissance de la finance ou la variation aléatoire des modalités ou de la
disponibilité du crédit aux microentrepreneurs et aux ménages, ces études
montrent comment l’élimination des obstacles et l’amélioration de l’accès
affectent la croissance et le bien-être des ménages.

 

Enfin, des évaluations attentives
des interventions directes permettront d’améliorer la conception des
politiques en vue de mettre en place des systèmes financiers profitant à
tous.

(Source : Banque
mondiale)