En collaboration avec un partenaire privé, la Banque internationale pour la
reconstruction et le développement (BIRD) lance un nouveau fonds obligataire
en devises locales pour les marchés émergents. Doté de 5 milliards de
dollars, ce fonds devrait être opérationnel au cours du premier semestre
2008, et des investissements seront progressivement réalisés dans une
quarantaine de pays émergents.
Le fonds Gemloc (ou Global Emerging Markets Local Currency Bond Fund)
représente une solution « systémique » visant à réduire les écarts du
marché, a indiqué Michael Klein, vice-président de la Société financière
internationale (IFC) et économiste en chef, lors d’une conférence de presse
le 21 octobre. Si plus de 70 % de la dette des pays émergents est
actuellement libellée en devises locales, seulement 10 % des investissements
étrangers dans les obligations des marchés émergents sont libellés en
monnaie nationale. Seuls 2 % de la dette en devises locales des marchés
émergents est évaluée par rapport à des indices existants.
Selon M. Klein, les investisseurs réclament la création d’un fonds dédié et
très diversifié afin de favoriser l’accès des pays émergents au marché des
obligations libellées en devises locales. Tandis qu’environ une douzaine
d’économies émergentes ont déjà développé un marché des obligations
libellées en monnaie nationale, de nombreuses autres s’efforcent d’augmenter
la liquidité de ce marché, de construire des infrastructures de marché, de
développer des régimes fiscaux efficaces et de réduire les contraintes
administratives.
La Banque mondiale cherche un gérant privé, responsable du Gemloc et chargé
de lever la somme initiale de 5 milliards de dollars auprès des
investisseurs ainsi que de gérer un portefeuille d’investissements dans des
obligations libellées en devises locales dans 40 marchés émergents. Jusqu’à
30 % des actifs pourraient également être investis dans des obligations
sous-souveraines et de sociétés.
Un cercle vertueux
Ce fonds n’est pas autonome, mais fait partie d’un programme en trois
volets, qui inclut également un indice appelé « Global Emerging Markets Bond
Index (Gemx) », créé conjointement avec l’IFC. Cet indice permet non
seulement d’apprécier la taille du marché, mais également les risques
associés aux pays où investira le Gemloc, à savoir les variables telles que
les régimes fiscaux et de réglementation ainsi que les règles d’accès aux
marchés. L’IFC a fait ses preuves dans ce domaine en lançant le premier
indice boursier des marchés émergents vingt ans auparavant.
L’objectif n’est pas seulement de fournir des points de référence aux
investisseurs, mais d’encourager les pays partenaires de la Banque mondiale
à faire leur possible pour attirer ces investisseurs. Le troisième volet de
ce programme consiste en une assistance technique fournie par la Banque pour
aider les pays à développer des marchés des obligations en devises
nationales plus attrayants.
Cette assistance technique sera financée par un « droit au développement »
levé par le gérant du fonds. Ni la BIRD ni l’IFC ne sont tenues d’engager du
capital dans ce projet. Après 10 ans, la disposition de temporisation
viendra à échéance, ce qui signifie que le nom de la « Banque mondiale »
sera retiré et que le secteur privé prendra la suite
Le Gemloc fait partie de la stratégie de la Banque visant à développer des
produits financiers innovateurs, qui correspondent aux besoins spécifiques
des pays, en utilisant le savoir-faire de la BIRD et de l’IFC pour optimiser
l’impact d’investissements financiers modestes.
Le Groupe de la Banque mise sur le potentiel important encore inexploité de
ces marchés. Au vu de la performance historique des marchés d’obligations en
devises locales au cours des 10 dernières années, M. Klein a déclaré : «
S’il existait un meilleur moyen d’investir dans ces marchés par rapport aux
indices, ces investissements auraient même surclassé les placements en
actions des marchés émergents, qui se portaient plutôt bien dans une
perspective à plus long terme. »
Au début, ce fonds investira 15 à 20 marchés émergents, notamment le Brésil,
le Chili, la Chine, la Colombie, la République tchèque, l’Égypte, la
Hongrie, l’Inde, l’Indonésie, la Malaisie, le Mexique, le Pérou, les
Philippines, la Pologne, la Roumanie, la Russie, la Slovaquie, l’Afrique du
Sud, la Thaïlande et la Turquie. D’ici cinq ans, quarante pays devraient
être concernés.
Ce programme issu de la coopération entre la BIRD et l’IFC est un modèle
d’innovation
« Pour le Groupe de la Banque mondiale, cela représente la possibilité de
faciliter l’accès des pays émergents au marché des obligations en devises
locales, tout en améliorant la profondeur et la qualité des marchés de la
dette », explique M. Klein. Outre l’amélioration de la stabilité financière,
des échéances prolongées et des instruments en monnaie nationale favorisent
les investissements dans l’infrastructure ainsi que la structuration des
finances.
Malgré le succès rencontré par les marchés des actions des marchés
émergents, les marchés des obligations se sont développés plus lentement
dans de nombreux pays. Selon Oliver Fratzscher, responsable du programme
Gemloc, il existe de nombreuses explications à cette situation, notamment le
fait que les capitaux propres sont considérés comme plus utiles au
développement. Par ailleurs, certains aspects font toujours obstacle à
l’infrastructure des marchés financiers. Les impôts sont parfois
prohibitifs, et les formalités administratives ferment l’accès à un groupe
d’investisseurs plus large.
« Il est maintenant concevable que les gérants de réserve et les fonds de
pension des marchés émergents puissent investir dans un nouveau véhicule, à
savoir un portefeuille diversifié d’obligations en monnaie nationale de
marchés émergents, ce qui élargirait de façon spectaculaire la base
d’investisseurs et créerait des opportunités d’investissement Sud-Sud »,
déclarait M. Fratzscher.
« Aujourd’hui, ces marchés attirent beaucoup de capitaux flottants, de
capitaux dérivés pour trois à six mois provenant de centres
extraterritoriaux, qui entrent et sortent du pays et ne favorisent
absolument pas le développement, ajoutait-il. Nous souhaitons vraiment
transformer ces flux de capitaux flottants à court terme en investissements
intraterritoriaux stables sur le long terme provenant d’investisseurs
institutionnels, autant officiels que privés.
Comme les ministres des finances l’ont annoncé en mai, lors d’une réunion à
Potsdam, le Gemloc a également répondu à un plan d’action du G8 en faveur du
développement des marchés des obligations locales. Ils ont déterminé que le
développement des marchés d’obligations locales constituait l’une des
structures de marché national essentielle à la stabilité financière continue
des pays émergents, et ont demandé au Fonds monétaire international (FMI) et
à la Banque de fournir des mécanismes proposés.
Le Conseil félicite la BIRD et l’IFC pour leur collaboration à la création
d’un produit innovateur
Le Conseil a donné son aval au programme Gemloc le 4 octobre, et plusieurs
directeurs administratifs ont manifesté leur approbation pour son caractère
innovateur et sa démonstration du potentiel de collaboration entre la BIRD
et l’IFC.
Jorge Familiar, directeur administratif de la Banque pour l’Amérique
centrale, le Mexique, l’Espagne et le Venezuela, s’est également adressé à
la presse lors de l’ouverture des Assemblées générales en ces termes : « Je
félicite le Gemloc pour son approche ingénieuse visant à encourager le
développement financier par le biais d’initiatives basées sur le marché.
Ce projet prouve que le Groupe de la Banque mondiale a un rôle unique à
jouer pour combler les écarts du marché, réunir les secteurs public et privé
afin de satisfaire les besoins des deux, ainsi que répondre aux besoins des
pays à revenu faible à moyen. »
Selon M. Familiar, la solution multidimensionnelle élaborée par la Banque
était nécessaire pour franchir les obstacles des marchés. « Il est souvent
difficile d’attirer des investisseurs lorsque la liquidité d’un marché est
faible. Il est difficile de posséder des liquidités sans avoir des
investisseurs », indiquait-il.
Il a ensuite décrit le Gemloc comme un exemple de coopération Sud-Sud, en
regroupant des marchés ayant atteint des niveaux de développement différents
et en permettant à des marchés plus petits de bénéficier de leur inclusion à
un fonds constitué de marchés plus développés.
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