[02/12/2007 18:17:13] RABAT (AFP) Le vin dans le monde arabe connaît une nouvelle jeunesse avec une production et un chiffre d’affaires en pleine croissance, ainsi qu’une amélioration constante de sa qualité, malgré l’opposition des islamistes. “Il y a trois critères propices à la consommation du vin: l’argent, la démocratie et la paix. Même si les pays arabes ne les réunissent pas tous, les conditions sont en train timidement de devenir favorables dans cette région”, a affirmé l’oenologue français, Denis Dubourdieu. Après une longue éclipse causée par les nationalisations ou les guerres l’industrie vinicole est en pleine expansion au Maroc, en Tunisie, en Algérie, en Egypte, au Liban, en Jordanie et bientôt en Syrie. Ces pays consacrent aujourd’hui 80.000 hectares à la vigne de cuve qui produit 1,3 million d’hectolitres de vin, soit 146 millions de bouteilles, selon un calcul de l’AFP. Avec un chiffre d’affaires de 340 millions de dollars (230 millions d’euros) et près de 50.000 emplois directs et indirects, ce secteur voit la vie en rose. Directeur général d’une grande société viticole en Egypte, le Libanais André Hadji-Thomas rit encore en contant sa visite en 1998 au domaine de Gianaclis, mis en vente 30 ans après sa nationalisation par le président Nasser: “Après avoir débouché une bouteille, l’oenologue égyptien du domaine nous a avoué qu’il exerçait sa profession depuis vingt ans, mais qu’en bon musulman, il n’avait jamais goûté au vin”. En sept ans, l’Egypte a doublé sa production pour atteindre aujourd’hui 8,5 millions de bouteilles, dont les trois-quarts sont consommés par les touristes. “Si le produit s’améliore et le tourisme progresse, nous doublerons la production d’ici cinq ans”, assure-t-il. En Syrie, la nationalisation des années 1960 a également fait perdre sa saveur au vin, mais récemment, un homme d’affaires, Johnny Saadé, a planté un vaste domaine près de Lattaquié qui produira d’ici deux ans. A Homs, c’est un prêtre hollandais qui prépare ce breuvage.
Au Liban, 15 ans de guerre civile ont retardé son épanouissement mais aujourd’hui, le pays compte 18 vignobles contre trois en 1990. “Vu l’étroitesse du territoire, les producteurs ont misé sur l’excellence, et nos vins sont médaillés dans les concours internationaux”, assure Charles Ghostine, PDG de Ksara, un vignoble qui fête ses 150 ans. Ce fut le bon choix: avec 7 millions de bouteilles seulement, le chiffre d’affaires de 27 millions de dollars en 2007 progresse de 10% l’an et 40% de la production est exportée. C’est aussi la guerre qui a bouleversé la filière vinicole en Jordanie. Après l’occupation israélienne de la Cisjordanie en 1967 et la perte du Crémisan et du Latroun, deux compagnies appartenant à des chrétiens se sont lancées dans la vigne. Les 2.000 hectolitres d'”Eagle” et “Zumot” ont trouvé un débouché inespéré dans les années 1990 auprès des Irakiens qui contournaient ainsi l’embargo international. Aujourd’hui, le “Saint Georges” trouve preneur dans les monarchies du Golfe où le vin est interdit. Au Maghreb, la décolonisation et l’interdiction de la Communauté européenne de couper le vin à la fin des années 1950 a porté un coup fatal notamment à l’Algérie, jadis 4e producteur mondial avec 18 millions d’hectolitres. Aujourd’hui, l’Oranais en Algérie, la région de Nabeul en Tunisie et celle de Meknès au Maroc produisent la majeure partie des vins arabes avec 1,3 million d’hectolitres et une quinzaine d’appellations contrôlées, dont 20% sont exportés vers l’Europe. L’engouement pour le vin déplaît aux islamistes. Au Maroc, leurs députés ont suggéré de taxer lourdement les boissons alcoolisées et en Egypte, chaque année, les Frères musulmans proposent d’interdire le vin, mais … en vain. |
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