Les départements ministériels,
qui gèrent les trois volets du budget : budget général de l’Etat, budget
économique et loi de finances, considèrent, jusqu’en 2007, les documents
budgétaires comme des documents «ultra – confidentiels». Pourtant, de
mémoire de journaliste, je n’ai jamais vu ces documents changer d’un iota
depuis leur élaboration, au début de l’année, jusqu’à leur adoption en fin
d’année. Saga d’un comportement administratif anachronique.
En Tunisie, les débats
budgétaires sont pilotés selon un rite bien déterminé. Le budget de l’Etat
est adopté, au moins deux mois à l’avance, par un conseil ministériel
présidé par le président de la République.
Les documents du budget sont
remis, par la suite, dans la discrétion la plus totale, aux députés et
sénateurs pour information, examen et discussion.
Ils sont, ensuite, examinés par
les commissions du Parlement avec ces deux chambres : la Chambre des députés
et la Chambre des conseillers (sénat). Les communiqués, fort positifs,
publiés par le Parlement, au sujet des travaux des commissions, ne reflètent
en rien, selon les députés, la qualité du débat.
Vient ensuite, véritablement, le
marathon budgétaire.
Sur instructions du chef de
l’Etat, le Premier ministre présente à la Chambre des députés la déclaration
du gouvernement. Cette déclaration est le fruit de contributions écrites de
l’ensemble des départements ministériels. Il s’agit de véritables rapports
qui évaluent l’activité de chaque ministère, relèvent les difficultés et
défis rencontrés et balisent les perspectives de développement du secteur
qu’ils gèrent.
Cette déclaration est débattue en
séance plénière. Le débat est suivi d’une réponse du Premier ministre.
Les ministres le relaient pour
répondre, à leur tour, aux critiques des députés que la presse officielle
appelle chastement «demandes d’éclairages». Tout le monde est beau, tout le
monde est gentil dans ses sphères.
Le débat est couronné par la
discussion et l’adoption de la loi de finances.
Avec le sénat, le même scénario
se répète exactement de la même manière :
Déclaration du gouvernement :
débat – réponse du Premier ministre – discussion du budget par département –
réponse des ministres – discussion et adoption de la loi de finances. Fin
des débats.
Aujourd’hui en 2007, à 72 heures
de l’adoption du budget 2008, les médias ne disposent pas encore de la loi
de finances. Elle circule, ces jours-ci, sous les manteaux comme un vulgaire
tract.
Le contenu de ce document est
souvent hermétique, voire rebutant. Un chef-d’œuvre de littérature
inaccessible au commun des mortels. La preuve : ses auteurs passent une
année pour le rédiger et l’année d’après pour l’expliquer. Seuls des initiés
: commissaires aux comptes, fiscalistes et comptables rodés peuvent en
déchiffrer le contenu.
Dans d’autres cieux, ce document
est, pourtant, banalisé à l’extrême. Il est remis aux médias deux mois avant
les débats budgétaires.
En Allemagne, les députés en
débattent avec leurs électeurs sur le net. Les ministres des Finances
tiennent partout dans le monde des conférences de presse pour en vulgariser
les dispositions avant son adoption. Pour preuve, en Mauritanie, par
exemple, le journal «Horizons», quotidien édité par l’agence officielle
mauritanienne, publie dans sa livraison du vendredi 23 novembre 2007 une
conférence de presse du ministre des Finances consacrée à la loi de
finances. Les Mauritaniens sont-ils devenus plus avancés que nous en matière
de communication administrative ?
C’est pour dire simplement que
partout dans le monde, l’administration moderne privilégie en débattre avec
la presse, sauf en Tunisie.
Et pourtant, si on regarde de
près cette loi, elle ne comporte pas de surprises. La plupart de ses mesures
sont annoncées par le chef de l’Etat dans les discours qu’il prononce durant
toute l’année. La question qui se pose dès lors est : Pourquoi tant de
cachotteries fort préjudiciables aux journalistes qui, handicapés par
l’incompréhension du texte le jour de son adoption, se trouvent
décrédibilisés par un lectorat exigeant qui réclame de plus amples
éclairages sur la politique budgétaire du prochain exercice.
Lorsqu’on lit dans la déclaration
du gouvernement «les débats budgétaires constituent une opportunité pour
appréhender les défis posés, et les impératifs qu’ils imposent dont
notamment la mobilisation totale et la mise à contribution idoine de toutes
les potentialité», il importe de dire clairement si les médias sont
concernés ou non par la mobilisation de l’opinion publique.
Dans l’état actuel des choses,
les journalistes sont assimilés à de simples procès verbalistes, voire de
simples greffiers de justice qui doivent rendre compte de tout sans rien
comprendre à tout. Et c’est un véritable drame, estimons-nous.
C’est peut être pour cette raison
que les débats budgétaires se succèdent et se ressemblent.
A débattre.
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