Face à l’euro fort, EADS et Dassault aviation se préparent à délocaliser

 
 
CPS.HRX15.041207001004.photo00.quicklook.default-245x172.jpg
Le président exécutif d’EADS, Louis Gallois, le 22 octobre 2007 à Amsterdam (Photo : Sven Marquardt)

[03/12/2007 23:10:58] PARIS (AFP) Deux fleurons de l’industrie aéronautique européenne, EADS et Dassault aviation, ont annoncé leur intention de délocaliser une partie de leur production en zone dollar, un appel aux politiques pour qu’ils freinent l’irrésistible ascension de l’euro.

Concernant les délocalisations en zone dollar, “je crois malheureusement qu’il ne faut plus employer le conditionnel: il ne faut pas dire il faudrait, il faut dire il faudra, parce que nous n’avons pas le choix”, a déclaré lundi le Français Louis Gallois, patron d’EADS, maison mère de l’avionneur européen Airbus, sur la radio Europe 1.

Le président de l’Eurogroupe Jean-Claude Juncker s’est dit lundi soir préoccupé par les projets de deux fleurons de l’industrie aéronautique européenne de délocaliser une partie de leur production en zone dollar, du fait de l’euro fort.

“C’est une salve d’annonces qui m’inquiète”, a déclaré le ministre des Finances et Premier ministre luxembourgeois devant la presse à l’issue d’une réunion du forum des ministres des Finances de la zone euro à Bruxelles.

“Mais j’inciterai tout de même ceux qui prennent ces décisions à réfléchir au bien-fondé de leurs décisions sur le moyen terme”, a-t-il ajouté.

Ce week-end, Charles Edelstenne, président du français Dassault Aviation, prévenait dans le quotidien Le Monde qu’il allait délocaliser hors de France une partie de sa production “dans des zones dollar ou à bas prix”. Une annonce concernant uniquement les avions d’affaires Falcon et non la partie militaire du groupe, a précisé lundi à l’AFP un porte-parole.

Environ 448.000 personnes travaillent dans l’aéronautique dans l’Union européenne, selon l’Association européenne d’aéronautique et de défense (ASD).

Aucune autre industrie européenne n’est aussi fortement touchée par la montée de la monnaie unique, qui a frôlé il y a dix jours le seuil psychologique de 1,50 dollar. En effet, Airbus et Dassault Aviation vendent leurs appareils en dollars –la monnaie de référence du secteur– mais doivent supporter une grande partie de leurs coûts en euros.

Dans un marché très concurrentiel, ces constructeurs ne sont jamais parvenus à convaincre leurs clients, même européens, à acheter leurs machines en euro.

Et pour cause, dans le segment des avions de plus de 100 places, Airbus fait face au géant américain Boeing. Et pour les avions plus petits, destinés aux hommes d’affaires, Dassault Aviation doit affronter l’américain Gulfstream et le canadien Bombardier.

M. Edelstenne semble avoir déjà un calendrier. “Nous sommes en train de préparer les mesures d’adaptation de la société à la nouvelle situation créée par les derniers dérapages du dollar. Elles seront annoncées au personnel dans les premiers jours de janvier”, a-t-il dit.

Pour Airbus, l’impact “ne sera pas sensible immédiatement sur les usines en Europe”, cela se fera “progressivement” “sur la prochaine décennie”, a assuré M. Gallois.

Si les deux constructeurs veulent garder en France et en Europe la plupart des chaînes d’assemblage et la conception des avions, tout le reste pourrait être produit à l’étranger.

“Nous allons être obligés de faire fabriquer des pièces d’avion, des portes, des éléments de fuselage, des éléments d’aile, à l’extérieur de l’Europe”, a expliqué M. Gallois. La délocalisation concerne aussi les sous-traitants et fournisseurs “puisque dans les coûts directs d’un avion, Airbus fait directement 16% et les fournisseurs nous apportent 84%”. M. Gallois a donné l’exemple du français Latécoère, un de ses grands sous-traitant, “qui commence à s’installer au Maroc, en Tunisie, au Brésil”.

Qualifiant de “drame” le départ d’Europe de la “substance industrielle”, M. Gallois a appelé à “tout faire pour essayer de la préserver”. Et il a une fois de plus invité les dirigeants européens à freiner la montée de la monnaie unique.

“C’est un problème qui a une dimension politique”, a-t-il ajouté, estimant que “l’Europe doit se réveiller”. “J’aimerais bien une nouvelle réunion du G7” consacrée à la parité euro/dollar, a-t-il dit.

Récemment, le patron d’Airbus, l’Allemand Thomas Enders, avait lui aussi tiré la sonnette d’alarme invoquant la survie du groupe, dans un discours prononcé en Allemagne, pays qui traditionnellement défend farouchement l’indépendance de la Banque Centrale Européenne.

Des appels, déjà entendus depuis longtemps à Paris, mais qui commencent à faire leur chemin à Berlin.

 03/12/2007 23:10:58 – © 2007 AFP