Qui l’eût cru ? Dans moins d’un
mois, la Tunisie va intégrer la zone de libre-échange euroméditerranéenne et
son corollaire, l’ouverture totale des frontières aux produits manufacturés
européens.
Les droits de douane appliqués à
une dernière liste de produits (marbre, produits de peinture, papier, pièces
de rechange pour véhicules, prêt à porter, chaussures, équipements
mécaniques et électriques) viennent d’être démantelés.
Il s’agit, à l’évidence, d’un
très beau cadeau de fin d’année, voire d’un bel exploit dont les Tunisiens
sont en droit d’être fiers. Et pour cause. Ils ont prouvé qu’ils sont
capables de prendre des risques et de mener à terme et avec succès un projet
d’intégration d’une aussi grande envergure.
La Tunisie est, aujourd’hui, le
premier pays du sud de la Méditerranée à avoir franchi, parfois au forceps,
l’ensemble des étapes devant mener à l’intégration, dans les délais, la Zone
de libre-échange, ultime échéance de tout un processus qui a duré 12 ans de
réformes structurelles profondes.
Ne pavoisons pas, toutefois, et
empressons-nous de préciser que le démantèlement total des droits de douane
appliqués aux produits industriels importés de l’Union européenne ne
signifie aucunement l’absence de taxation au plan local.
Les anciens droits de douane sont
en fait remplacés au plan local par la TVA (6%,12% et 18%) et la Taxe à la
consommation. A titre indicatif, les prix des voitures importées de l’UE ne
changeront pas d’un iota après l’intégration de la zone de libre-échange.
Les indicateurs d’une
intégration
Malgré cette frustration,
l’adhésion effective à la zone de libre-échange offrira, dorénavant, au
consommateur tunisien la possibilité de choisir et surtout d’avoir à portée
de main et en toute légalité de produits de qualité, fort compétitifs
présentant (un meilleur rapport qualité/prix).
L’industrie tunisienne à laquelle
plusieurs bureaux d’études et autres observateurs avertis pourtant, avaient
prédit un «tsunami» juste après la conclusion de l’accord d’association, a,
d’abord, bien résisté aux chocs avant de s’aguerrir et de faire face à la
concurrence.
Les stratégies d’accompagnement
ont toutes donné leurs fruits. Le Programme de mise à niveau de l’industrie
(PMN) relayé par le Programme de Modernisation de l’Industrie (PMI), le
Programme national de la qualité (PNQ), le Fonds d’accès aux marchés
extérieurs (FAMEX), l’essaimage, le programme de privatisation, la
certification des laboratoires et centres techniques sectoriels… ont toutes
contribué à booster l’industrie, à améliorer sa compétitivité et à la
diversifier. Les exportations tunisiennes, axées jusqu’à une récente date
sur le textile/habillement, sont assurées, aujourd’hui en grande partie par
les industries mécaniques et électriques, cuir et chaussures, industries
agroalimentaires et autres branches… Le nombre d’entreprises off shore en
Tunisie s’est accru et est passé à 2703 entreprises pour la plupart
européennes dont plus de la moitié sont à capital 100% étranger et
totalement exportatrices, générant environ 260 mille emplois.
Autre indicateurs : quelque 3470
entreprises représentant 70% du chiffre d’affaires du tissu industriel ont
reçu le feu vert pour exécuter leurs plans de mise à niveau. 751 entreprises
sont certifiées conformes aux normes de qualité contre 6 avant le lancement
du PMN tandis que 1000 autres entreprises sont dotées de systèmes
d’innovation et de gestion de la production à commande numérique. Les
exportations des produits manufacturés sont passées de 3 milliards en 1995 à
9 milliards en 2006. Le taux de couverture est passé de 76% en 1995 à 93% en
2006…
Un raccourci pour améliorer
l’environnement des affaires
L’accord d’association Tunisie –
Union européenne a été, également, un raccourci heureux pour améliorer
l’environnement des affaires et moderniser les rouages de l’économie du
pays. Il a permis surtout d’harmoniser les réglementations, pratiques
administratives et procédures en vue d’une plus grande convergence.
Ainsi, depuis 1995, les
fondamentaux de la Tunisie (taux d’inflation, déficit commercial, déficit
courant …) sont maintenus dans les limites (3%) des règles de convergence
européennes de Maastricht.
Au total, de 1995 à 2006, le
programme MEDA, règlement financier que l’UE a mis en place pour financer
son partenariat avec les pays sud-méditerranéens aura engagé 946 millions
d’euros dont 352 millions pour la période 2002-2006. L’UE a ainsi soutenu la
modernisation du secteur portuaire (restructuration de l’opérateur STAM), de
libéraliser le régime du travail portuaire, d’introduire la concurrence au
port de Tunis-Goulette-Radès et de financer l’étude du futur port en eaux
profondes.
De même, par le biais du
programme MANFORM (formation professionnelle), 9 centres de formation ont
été entièrement équipés et 1600 formateurs ont été formés.
Certaines mesures d’ajustement
ont déjà été prises, notamment pour la propriété intellectuelle, le droit de
la concurrence ou la sécurité financière. Dans le cadre de la Politique
Européenne de Voisinage (PEV), un statut avancé de l’accord d’association,
l’Union européenne met l’accent sur les questions liées à la gouvernance
économique, à une plus grande productivité des entreprises, à plus
d’ouverture de leur capital et à plus d’internationalisation de leurs
activités.
Néanmoins, cette propension à
s’arrimer à un groupement régional de la dimension de l’Union européenne n’a
pas été de tout repos. Elle a certes permis à la Tunisie de gagner un point
de croissance par an, mais en même temps et à défaut de coopération
horizontale (-2 points de croissance par an), elle a renvoyé la Tunisie à un
face à face commercial contraignant avec l’UE.
L’Union européenne a, en quelque
sorte, mis la pression sur l’entreprise tunisienne et accéléré sa
croissance. Et ce n’est qu’un début…
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