Les femmes entrepreneurs au Moyen-Orient et en Afrique du Nord défient les attentes

Les femmes entrepreneurs au Moyen-Orient et en Afrique du Nord défient les
attentes

Une
nouvelle étude de la Banque mondiale démentit l’impression que
l’entreprenariat féminin au Moyen-Orient et en Afrique du Nord se limite à
des efforts dans le cadre de micro ou petites entreprises et aux
technologies de base.

 

« La
perception la plus répandue est que les entreprises dirigées par des femmes
sont petites, qu’elles relèvent du secteur informel, qu’elles sont moins
sophistiquées, et qu’elles se cantonnent dans certains secteurs », déclare
Nadereh Chamlou, auteur principal de The Environment for Women’s
Entrepreneurship in the Middle East and North Africa (L’environnement pour
l’entreprenariat féminin au Moyen-Orient et en Afrique du Nord). « Nos
conclusions défient les perceptions. »

 

En vérité,
il y a très peu de différence entre les entreprises qui appartiennent à des
hommes et celles qui appartiennent à des femmes au Moyen-Orient et en
Afrique du Nord (MENA). Une principale conclusion de l’étude est que les
entreprises de la région qui sont dirigées par des femmes sont aussi bien
établies, productives, technologiquement compétentes et tout autant reliées
aux marchés globaux que les entreprises dirigées par des hommes.

 

Une
différence est que la proportion d’entreprises qui emploient plus de 100
employés est, en moyenne, plus élevée parmi les entreprises qui
appartiennent à des femmes (31 %) que parmi les entreprises qui
appartiennent à des hommes (24 %). Et les travailleurs qualifiés et très
qualifiés constituent un pourcentage plus élevé du personnel des entreprises
que les femmes dirigent, selon l’étude.

 

Non
seulement les entreprises qui ont à leur tête des femmes recrutent-elles
plus de femmes que les entreprises dirigées par des hommes (à l’exception du
Liban et de l’Arabie saoudite), mais elles recrutent également une
proportion plus élevée d’employés féminins à des niveaux de haute
qualification et de direction. Les entreprises qui appartiennent à des
femmes en Égypte, en Jordanie, en Arabie saoudite, et en Cisjordanie et à
Gaza ont également recruté plus de personnel, en moyenne, que ne l’on fait
les entreprises qui appartiennent à des hommes au cours de deux périodes
d’observation présentées dans l’étude.

 

Malgré les
caractéristiques et performance similaires de ces entreprises, l’étude fait
également remarquer que l’entreprenariat féminin dans la région ne réalise
pas son potentiel, en dépit d’un climat d’investissement qui est « beaucoup
moins axé sur la disparité hommes-femmes que ce que l’on soupçonne ».

 

Seuls 13 %
des 4 832 entreprises qui ont fait partie de l’enquête dans les huit pays
appartenaient à des femmes, d’après selon l’étude.

 

« Les
femmes entrepreneurs sont une minorité partout », déclare Chamlou,
Conseiller senior à la Banque mondiale. « Mais leur proportion au
Moyen-Orient et en Afrique du Nord (MENA) est moins élevée que dans d’autres
régions à revenu intermédiaire de l’Asie de l’Est, de l’Amérique Latine et
des Caraïbes, et de l’Europe et de l’Asie Centrale. »

 

Un
environnement difficile

 

L’étude
The Environment for Women’s Entrepreneurshipin MENA a trouvé que le climat
des investissements était assez neutre à l’égard des sexes, avec moins de
barrières fondées sur la disparité des sexes dans l’environnement des
affaires que présumé.

 

« Le plus
frappant est que toutes les entreprises au Moyen-Orient et en Afrique du
nord perçoivent l’environnement des affaires comme plus difficile que les
entreprises dans d’autres régions à revenu intermédiaire, que le chef
d’entreprise soit un homme ou une femme », fait remarquer l’étude.

 

L’étude a
utilisé des données des Enquêtes auprès des entreprises de la Banque
mondiale provenant d’enquêtes menées auprès de milliers d’établissements
commerciaux du monde entier. Les enquêtes demandent aux entreprises
d’évaluer le climat des investissements dans leurs pays en fonction de 18
catégories, en classant les restrictions selon qu’elles sont faibles,
modérées, importantes ou extrêmement contraignantes. Pour la région
Moyen-Orient et Afrique du Nord, environ 4 832 entreprises en Égypte, en
Jordanie, au Liban, au Maroc, en Arabie saoudite, en Syrie, à Gaza et en
Cisjordanie, et au Yémen ont participé aux enquêtes.

 

Une
catégorie – l’accès au capital – est souvent considérée comme une barrière
pour les femmes entrepreneurs, mais cette catégorie n’est pas affectée par
la disparité hommes-femmes dans les pays MENA, sauf pour le Yémen, au dire
de l’étude. L’accès au capital et son coût étaient de plus grandes barrières
pour les hommes et les femmes. La corruption a été considérée également
comme un important obstacle pour tous.

 

L’étude a
trouvé quelques différences selon que le propriétaire de l’entreprise était
un homme ou une femme, après avoir enquêté sur la taille, le secteur, le
lieu et l’âge. En Égypte, par exemple, les entreprises dirigées par des
femmes ont signalé plus de coupures d’électricité que celles dirigées par
des hommes, et ont passé, en moyenne, huit mois de plus pour résoudre les
différents relatifs aux impayés. Les entreprises appartenant à des femmes au
Liban et en Arabie saoudite considèrent le transport comme une plus grosse
barrière que les entreprises appartenant aux hommes. Le Yémen et le Liban
ont le plus d’environnements commerciaux sexospécifiques.

 

Pourquoi si peu de femmes entrepreneurs ?

 

Les
importantes barrières du milieu commercial constituent en général des
éléments plus dissuasifs pour les femmes que pour les hommes, selon le
rapport Doing Business 2008 (La pratique des affaires 2008) du Groupe de la
Banque mondiale. Mais, les traitements différentiels selon des lois qui ne
relèvent pas de la législation commerciale, ainsi que les normes sociales et
les attitudes négatives envers les femmes qui travaillent sapent encore plus
l’entreprenariat féminin, d’après le rapport.

 

Bien que
les exigences élevées en matière de capital et les procédures longues et
coûteuses pour lancer et fermer une entreprise concernent tous les
entrepreneurs de la région MENA, elles peuvent représenter de plus grands
obstacles pour les femmes parce que les femmes doivent faire preuve « d’une
plus grande flexibilité pour limiter ou abandonner leurs aspirations en
matière d’activités d’entreprise afin de satisfaire aux besoins de la
famille. »

 

Selon des
données de Doing Business, fermer une entreprise prend environ trois ans et
demi et le résultat est généralement que l’entrepreneur ne conserve
qu’environ 30 % du capital de démarrage de l’entreprise.

 

« Si vous
êtes confrontés à ces obstacles difficiles pour entrer et sortir, il se peut
que vous disiez : Est-ce que je devrais vraiment faire cela ou est-ce que je
devrais simplement travailler de manière informelle ? » déclare Chamlou.

 

Les femmes
ont des droits économiques puissants dans le cadre de la shari’a islamique,
mais d’autres lois renforcent les rôles en fonction de la disparité
hommes-femmes, tel le fait de considérer les hommes comme principaux
soutiens de famille, ce qui conduit à « des mesures protectionnistes
excessives ou des interprétations juridiques sexistes », pour reprendre les
propos de l’étude.

 

Par
exemple, les codes du travail comportent des dispositions qui ne permettent
pas le travail à certaines heures et exigent la permission du mari pour
travailler. Les codes du travail du Yémen, de l’Égypte, du Koweit, du Liban,
et de l’Iran interdisent aux femmes de travailler le soir ou la nuit. Dans
la plupart des pays, les femmes doivent obtenir la permission légale de leur
mari pour voyager ou obtenir un passeport, ce qui est essentiel à la
conduite des affaires.

 

En vérité,
moins de femmes dans la région MENA participent aux activités des secteurs
économique et politique que dans n’importe quelle autre région. Malgré une
forte croissance de l’économie et de l’emploi depuis l’an 2000 et
d’importantes avancées en matière d’éducation des filles, le chômage parmi
les femmes est élevé et en augmentation, et le taux chômage le plus élevé
touche les femmes les plus éduquées, d’après l’étude.

 

« Les
femmes ne jouissent toujours pas d’un accès équitable aux opportunités
économiques », déclare Mustapha K. Nabli, Économiste en chef de la Banque
mondiale pour la région MENA. « Tout comme les femmes continuent d’être
confrontées à des obstacles à l’intérieur et à l’extérieur du marché du
travail, en dépit des avancées au plan éducatif, les femmes se heurtent à
des barrières supplémentaires dans l’environnement commercial malgré leurs
capacités et leur sens aigu des affaires. »

 

Les
femmes entrepreneurs sont nécessaires

 

« Il est
clair que les femmes entrepreneurs jouent un rôle beaucoup plus important
dans les économies de la région que ce que l’on pensait auparavant, » a
déclaré Daniela Gressani, Vice-président de la région Afrique du Nord et
Moyen-Orient à la Banque mondiale. « Mais leur nombre demeure insuffisant. »

 

La plupart
des femmes entrepreneurs sont nécessaires dans la région MENA pour aider à
diversifier l’économie et créer 54 millions d’emplois pour une population
active qui devrait compter 174 millions de travailleurs d’ici à 2030.

 

Réformer
l’environnement des affaires pour diminuer les obstacles qui se dressent au
lancement et à la fermeture des entreprises bénéficierait à tous les
entrepreneurs mais aiderait particulièrement les femmes. Les décideurs
politiques de la région doivent aussi aborder la question des normes
sociales fondées sur une distinction des sexes et les traitements
différentiels dans le cadre de la loi afin d’appliquer les mêmes règles du
jeu aux femmes.

 

« Les
femmes entrepreneurs peuvent devenir un moteur de croissance », déclare
Chamlou. « L’entreprenariat féminin pourrait aider la région à relever ses
défis, car œuvrer en faveur de la promotion de la femme et diversifier
l’économie peuvent aller de pair – et aider la région à relever un défi
majeur, celui de créer de meilleurs emplois en plus grand nombre. »

 

(Source : Banque Mondiale)