Marché financier tunisien : Les premières réformes 1987-1993 (2)

Par : Autres

L’évaluation de la
situation du marché financier avait montré l’urgence de la mise en place de
nouvelles structures et de la modernisation de nombreux textes législatifs
et réglementaires concernant tant le marché financier que l’environnement de
l’entreprise. Les textes promulgués durant la période de 1987 à 1989 pour
répondre aux urgences ont été par la suite amendés ou remplacés par
d’autres, répondant mieux à l’évolution de l’économie et du marché.
Certaines notions, bien qu’utiles pour le développement du marché et sa
sécurité, n’ont pu être introduites à cette date et il a fallu attendre
l’évolution de la société et des esprits.

 


La loi de 1969 portant
création de la Bourse de Tunis

Les missions imparties
par la loi du 28 février 1969 à la BVMT -Art 2- sont :

Ä     

« Organiser
et diriger le marché des valeurs mobilières ;

Ä     

Assurer les
transactions sur ces valeurs dans les meilleures conditions de régularité et
de rapidité ;

Ä     

Faciliter
aux sociétés la recherche de capitaux nouveaux ;

Ä     

Promouvoir
et encourager la collecte et la mobilisation de l’épargne dans le placement
en valeurs mobilières».

 

Ces missions, aussi
timides soient-elles par comparaison aux exigences des années 80 après la
crise de 1987 et le BIG BANG des bourses européennes, étaient importantes
pour l’époque.

 

L’environnement des
affaires à la date de cette promulgation n’était pas encourageant : le droit
commercial intégré au code du commerce qui date de 1959 ne correspondait
plus à la réalité des entreprises des années  80.

 

L’Etat détenait encore
et à cette date l’essentiel des participations dans les entreprises de
grandes ou de petites tailles. Il était encore présent dans presque tous les
secteurs bien qu’un mouvement de retrait commençait à se dessiner avec le
retrait de secteurs clés comme le textile ou le tourisme. Ce désengagement
observé depuis le début des années 80 s’est fait sans une législation
adéquate qui l’encadre.

 

Aucune structure
d’épargne collective n’était disponible et qui aurait pu canaliser l’épargne
naissante malgré la promulgation en 1968 d’une loi sur les SICAV.  Les
textes d’application n’avaient jamais été promulgués.

 

La réglementation
régissant les emprunts obligataires, émissions, souscriptions, cotations et
garanties faisaient défaut. L’émission d’actions nouvelles des sociétés
cotées se faisait souvent sans information sérieuse ; les emprunts
obligataires et les augmentations de capital étaient annoncés par une
information qui ne remplissait souvent même pas une page de papier.

 

Ce vide législatif a
été vite comblé par différentes lois qui se sont succédé à partir de 1987 et
se sont accélérées tout au long des années 90 jusqu’à nos jours.

 

La loi 87-48 portant 
aménagements fiscaux  en faveur des souscripteurs aux titres de
participations a introduit l’avoir fiscal, elle a abaissé l’impôt sur les
valeurs mobilières  IRVM de 37,5 à 30% pour les titres au porteur et à 20%
pour les titres nominatifs. Elle a autorisé les salariés ainsi que les
retraités à bénéficier comme les autres investisseurs des abattements
fiscaux accordés par la loi malgré la retenue à la source effectuée par
l’employeur sur les revenus des salariés.

La loi 88-111 a défini
et encadré l’émission des emprunts obligataires en Tunisie a donné à la
bourse le pouvoir de donner son accord sur les émissions par appel public à
l’épargne y compris son visa sur le prospectus, document d’information
destiné aux investisseurs. La BVMT a reçu la mission de défendre les
intérêts des obligataires et des épargnants.

Rappelons qu’une
législation relative aux emprunts obligataires convertibles en actions sous
catégorie des emprunts obligataires a existé depuis 1959. 

 

Cette loi a eu des
effets immédiats puisqu’elle a libéré les énergies et permis aux entreprises
de se libérer des contraintes administratives d’alors :les services du
ministère des finances décidaient avant la promulgation de ce texte de
l’opportunité, des conditions, du montant et même du moment de l’émission.
Le résultat ne se fit pas attendre et de nombreuses entreprises
essentiellement privées ont eu recours et souvent de manière continu  et
importante au marché obligataire pour se financer.

 

La loi 88-92 relative
aux sociétés d’investissement à qui on doit, entre autres, l’émergence des
groupes et des holdings a aussi marqué et marque encore le paysage boursier
et économique de la Tunisie.

Répondant à un
fonctionnaire qui s’étonnait de voir accordé par la nouvelle loi des
avantages fiscaux aux sociétés d’investissements à capital fixe sans
conditions de blocage des investissements, règle sacro sainte à ce moment
là, un ministre avait dit « Est-ce que vous croyez que les investisseurs
sont entrain de vous attendre au coins de la rue, nous devons les attirer et
les encourager à investir et à créer des emplois et nous verrons après ». Ce
responsable ne se doutait pas alors qu’il allait faire remonter à la surface
toute la richesse et les bénéfices des entreprises. Les entreprises
Tunisiennes encouragées par les avantages fiscaux, se sont mises à déclarer
leurs bénéfices, puis les déposaient dans les SICAF en payant pas ou peu
d’impôts. Ces SICAF créaient alors des entreprises et de  l’emploi.

Encore aujourd’hui et
malgré les nombreuses adaptations et modifications, nous devons à cette loi
et à ses auteurs, les 3000 millions de dinars collectés et gérés
actuellement – septembre 2007- par les SICAV et autres Fonds communs de
placement FCP et qui sont placés dans les obligations de l’Etat, les
obligations des entreprises privées et les actions des sociétés cotées.
Cette loi a ouvert la voie à d’autres produits : les sociétés
d’investissement à capital risque SICAR qui  financent les jeunes
promoteurs, les projets de nouvelles technologies, les privatisations et les
projets dans les zones décentralisées.

 

La loi 89-9 relative
aux entreprises et établissements publics a ouvert la voie à ce qu’on a
appelé alors  pudiquement « la restructuration des entreprises publiques ».
Que de chemin parcouru depuis ces réunions d’information avec l’UGTT et qui
souvent étaient houleuses et durant lesquelles on n’osait pas prononcer le
mot tabou de « privatisation ». Cette loi a  permis la réalisation de toutes
les opérations importantes de cessions d’entreprises publiques ou de
participations publiques depuis les sociétés régionales de transport de
marchandises à celle de Tunisie télécom. Cette loi avait déjà prévu
l’actionnariat populaire par la cession des participations publiques via la
Bourse, la participation des salariés ou encore l’abattement sur le prix  et
les avantages fiscaux pour la participation des salariés.

 

La loi 89-49 relative
au marché financier est la première loi reformant profondément le marché
financier, elle avait introduit un ensemble de nouvelles notions juridiques
et de  nouvelles règles  de fonctionnement du marché financier.

– La notion d’appel
public à l’épargne: L’ancienne législation exigeait que toutes les
transactions sur les valeurs mobilières émises en Tunisie  passent par la
bourse sans différenciation entre les sociétés dont le capital est ouvert au
public et celles fermées avec seulement quelques actionnaires. Ces
dispositions n’ont pas manqué de faire naître des litiges dont certains
traînent encore devant les tribunaux. La nouvelle loi  a pris soins de faire
la  différence entre  ces deux types de sociétés.

 Bien que l’exigence
de passage par la bourse ait été maintenue par la nouvelle loi pour toutes
les transactions sur les valeurs mobilières, elle a créé le régime de
l’enregistrement pour les transactions sur les titres des sociétés fermées.
Cet enregistrement est opposable au tiers. De nombreux litiges familiaux
relatifs à des successions ont été réglés par recours aux dossiers
d’enregistrement dont les archives sont actuellement gardées par le CMF.

– Le métier
d’intermédiation en bourse : Le métier d’agent de change jusque là réservé
presque exclusivement aux banques a été ouvert aux personnes physiques et
aux sociétés spécialisées en plus des banques. Bien que toutes les études
menées à cette date avaient conclu que le cumul de cette activité avec celle
de banque  ne pourra pas accélérer le développement du marché financier ; la
banque considérant cette activité comme concurrente à sa propre activité de
collecte de l’épargne. Il faudra attendre la prochaine réforme pour que
l’activité d’intermédiation en bourse soit considérée comme un métier
exclusif de tout autre  et que la loi exige des  banques la  filialisation
de cette activité.

– La protection de
l’épargnant : Cette mission  a été précisée par cette loi et confiée à la
BVMT.

– Les conditions
d’introduction à la cote : Prenant le contrecoup de ce qui se passait avant,
la loi a défini des conditions d’introduction aux marchés de la cote mais
aussi les conditions de maintien des titres à la cote. Ces nouvelles
conditions ont eu pour effet la radiation de toutes les sociétés qui étaient
à la cote au moment de la promulgation de la loi. Les titres de certaines de
ces sociétés  pouvaient ne pas faire l’objet d’une seule transaction 
pendant une année et  l’inscription  à la cote avait pour seul but de
permettre le transfert automatique des dividendes à l’étranger pour les
actionnaires non résidents.

 

 

L’arrêté du ministre
des finances de septembre 1991 fixe les conditions et les  modalités
d’émission et de remboursement  des bons du trésor –

L’ETAT finançait
jusqu’à cette date le déficit de son budget par le recours à un produit
spécial « Les Bons d’Equipement »sorte d’obligations souscrites
obligatoirement par les banques et les caisses de sécurité sociales en
dehors des règles du marché. l’Etat fixait les taux d’intérêt et la durée de
ces emprunts obligataires. Par le recours à ce nouveau moyen de financement,
l’Etat accepte de s’intégrer dans le circuit économique et d’emprunter aux 
mêmes conditions que les autres acteurs économiques. Plusieurs modifications
ont été nécessaires pour arriver à l’émission des Bons du Trésor Assimilable
BTA en 1997 avec un recours à un produit qui  n’a pas eu beaucoup de succès
« Le Bon du Trésor Négociable en Bourse (BTNB) ».

 

La loi 92-107 portant
institution de nouveaux produits financiers est une de ces lois mal
comprises et qui, bien qu’elle offre de nombreuses opportunités n’a pas eu
l’application qu’elle mérite. En effet elle répond à un besoin déclaré par
les dirigeants d’entreprises qui ne sont pas prêts à ouvrir leurs assemblées
générales à des épargnants hors de leurs familles. Elle répond aussi à un
besoin exprimé par les investisseurs intéressés plus par les dividendes que
par les assemblées générales.

Cette loi a créé les
actions à dividendes prioritaires sans droits de vote qui en contrepartie de
la suppression du droit de vote, assurait au souscripteur actionnaire la
priorité pour le paiement des dividendes. Le certificat d’investissement
résulte de la division d’une action normale  en certificat de droit de vote
et en certificat d’investissement qui  porte les droits pécuniaires de
l’action. Ce produit répond aux besoins des dirigeants qui gardent les
droits de vote et ne cèdent que le certificat d’investissement. Ces produits
permettent aussi de faciliter les transmissions d’entreprises et les
successions.

Cette loi a aussi
introduit un nouveau véhicule d’épargne collective; Les Fonds communs de
placement en valeurs mobilières FCPE qui auront de nombreuses applications
dans les années suivantes.

 

Le décret 93-2542
portant composition, organisation et mode de fonctionnement de la commission
supérieure des investissements CSI vient faciliter les opérations
d’investissement en valeurs mobilières des investisseurs étrangers sur le
marché financier Tunisien. Cette législation et les adaptations successives
du décret 77-608 réglementant la participation étrangère dans les
entreprises Tunisiennes ont facilité les investissements des non résidents
tout en préservant  certains secteurs ou activités qu’on ne voulait pas
encore ouvrir aux étrangers en  soumettant l’acquisition d’actions dans ces
sociétés par les étrangers  à l’accord préalable de la CSI.